Malgré l’annonce de la Banque centrale européenne

Une Europe en crise et sans perspective

11 septembre 2012, par Céline Tabou

En pleine crise économique, sociale et financière, la zone euro tente par tous les moyens de trouver des bouées de sauvetage. Jeudi dernier, l’annonce par la Banque centrale européenne (BCE) du rachat de la dette en échange d’un équilibre budgétaire aura calmé les marchés et apaisé certains dirigeants.

Cependant, le conditionnement de l’aide de la banque reste une zone d’ombre, car les États ont déjà mis en place des plans de rigueur au cours de ces trois dernières années sans résultat. D’après les économistes, une sortie de crise sera possible si les conditions sont respectées, au détriment de millions de contribuables qui verront les taxes augmenter.

Le rôle central de la BCE

Mario Draghi, Président de la BCE, n’a pas souhaité apparaitre comme le sauveur de la zone euro, toutefois, son annonce de l’achat de dettes publiques des pays européens en difficulté, sous conditions et sans limitation de volume, aura soulagé les marchés et bon nombre de dirigeants. A contrario des précédents achats de dettes, Mario Draghi a imposé des conditions aux pays demandeurs. L’objectif est d’alléger la pression sur les taux d’intérêt de la dette des pays de la zone euro les plus en difficulté. Jeudi 6 septembre à Francfort, le président de la BCE a évoqué, lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale, les modalités concrètes de l’intervention de sa banque.

Pour le président des Caisses d’épargne, Georg Fahrenschon, « l’achat d’obligations est la mauvaise voie, car il sape la motivation des pays fortement endettés de faire des économies et d’assainir leur budget. La BCE ne doit pas jouer le rôle d’un ersatz de gouvernement ». Argument fourni par Jens Weidmann, Président de la Bundesbank et seul membre du Conseil de la BCE à avoir voté contre le texte présenté par Mario Draghi. En effet, les Allemands ne tiennent pas à payer les dettes des États en difficulté qui doivent, selon eux, faire encore plus d’efforts budgétaires pour mériter ces aides. Cette décision laisse une marge de manœuvre à Angela Merkel qui conserve sa position dominante et incontournable au sein de la zone euro, car 1ère économie de l’Union européenne.

En dépit de la contestation allemande, de nombreux dirigeants et économistes ont salué la décision du président de la BCE. Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis Asset Management, a expliqué au journal “La Croix” que « Mario Draghi a incontestablement pris une initiative très forte. En réaffirmant clairement l’irréversibilité de la zone euro, en parlant de programme de rachat de dette pour un montant illimité, je crois même qu’il est allé aussi loin qu’il le pouvait. Si ce plan reste insuffisant, cela voudra dire que la zone euro ne fonctionne décidément pas et il n’y aura plus grand-chose à faire pour la sauver ».

Sauver la zone euro

Les perspectives économiques de la zone euro restent moroses et devraient persister. Avec un taux de chômage de la zone euro établi à 11,3% de la population active en juillet et les tentatives de plan d’économie de la Grèce ou encore de l’Espagne, la zone euro est à risque.
La condition sine qua non à la réussite de ce plan, pour Philippe Waechter, est que les États jouent le jeu, « c’est-à-dire que ceux qui sont en difficulté fassent rapidement parvenir une demande officielle d’aide et qu’ensuite, ils respectent les conditions de la BCE ».

Toutefois, ces restrictions sont mal vues par certains responsables politiques qui dénoncent une perte de la souveraineté de leur État. Très critiquée, la Troïka (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) est devenue la hantise des chefs d’État de la zone euro. Cette fois-ci, le conditionnement du rachat de dette par la BCE impose de nouveaux plans de rigueur pour les pays à risques tels que la Grèce, l’Espagne, l’Italie, mais aussi la France.
Ces restrictions drastiques doivent permettre de réduire le déficit et de conserver les objectifs européens de convergence avec des taux de 3% du déficit et de 60% pour la dette. Mais en dépit des nombreux plans successifs de rigueur et de réduction des dépenses publiques, les pays de la zone euro ne sont pas parvenus à sortir leur pays de la dette, ni à réduire leurs déficits.
L’annonce de Mario Draghi a certes permis de soulager les taux d’emprunt, mais n’aura pas résolu les problèmes structurels de l’économie européenne. D’autant plus qu’une chute de la zone euro ou la disparition de l’euro aura d’importantes répercussions sur les économies de certains pays du monde, notamment des pays émergents, comme la Chine, l’Inde et le Brésil.

En effet, l’Europe fait partie des premières puissances commerciales du monde, le vieux continent est l’un des partenaires privilégiés des pays tels que les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Venezuela), la Corée du Sud et les pays composant l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Face à la gravité de la crise que traverse actuellement la zone euro, le FMI (Fonds monétaire international) s’est dit « prêt à coopérer » avec la Banque centrale européenne, a annoncé sa directrice générale, Christine Lagarde, dans un communiqué vendredi 7 septembre.

La persistance de la crise et l’absence de solution de la part des dirigeants laissent peser une grave crise économique et sociale au sein des États membres de la zone euro, dont les peuples contestent les mesures drastiques imposées par leurs gouvernements. Le système capitaliste actuel a montré ses limites, comme par exemple financer les banques qui spéculent sur les dettes souveraines. Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent pour le développement d’une économie sociale et solidaire dans le cadre de l’adaptation aux changements climatiques.

Céline Tabou

François Hollande table sur deux ans

Lors de son intervention télévisée du dimanche 9 septembre, le chef de l’État, François Hollande, s’est donné deux ans pour redresser les finances du pays et réduire le chômage. Se disant « en situation de combat », ce dernier a annoncé une prévision de croissance de 0,8% en 2012, soit 0,2 point de moins que le 1% prévu jusqu’ici.

Face à la nécessité de trouver 33 milliards d’euros pour rééquilibrer les finances publiques, François Hollande a indiqué que 10 milliards allaient être faits par des économies budgétaires ; 10 milliards seront prélevés sur les entreprises, par le rabotage des niches fiscales, et 10 milliards sur les ménages, « notamment les plus favorisés », avec l’instauration d’un taux marginal de 45% pour les revenus supérieurs à 150.000 euros par part. Toutefois, il s’agit pour les ménages d’une forte hausse d’impôts, avec notamment un gel du barème de l’impôt sur le revenu, une taxe exceptionnelle sur la part des revenus dépassant 1 million d’euros et l’alignement de la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail. Par ailleurs, François Hollande a confirmé que la CSG ferait partie de la discussion sur la réforme du financement de la protection sociale en octobre.

Vers une division de l’Europe

Anders Borg, Ministre suédois des Finances, a annoncé samedi 8 septembre que « la crise de la zone euro va s’aggraver avant de s’amenuiser et la Grèce pourrait sortir de l’union monétaire d’ici à un an ». Cette annonce aura eu l’effet d’une douche froide au moment où la BCE tente de calmer les esprits et les dirigeants de peaufiner les plans budgétaires. Le ministre suédois des Finances, dont le pays n’est pas membre de la zone euro, a estimé qu’Athènes devait faire en sorte que les réformes soient mises en œuvre et estimé que l’Espagne pourrait avoir besoin d’un plan de sauvetage, soulignant « les grandes incertitudes sur la manière dont les régions gèrent leurs finances publiques ».

Cette annonce a appuyé les craintes des dirigeants du Sud de l’Europe de l’existence d’une division et désunion des États membres de l’Union européenne à cause de la crise de la dette souveraine.

En visite à Sarajevo, Mario Monti, Président du Conseil italien, a expliqué que « la crise de la dette dans la zone euro nuit aux valeurs communes qui unissent le continent ». S’exprimant dans le cadre de la Rencontre mondiale pour la Paix, organisée par la Communauté de Sant’Egidio, ce dernier a expliqué vendredi 7 septembre que « l’euro qui était un facteur de cohésion risquait et risque encore, peut-être de façon paradoxale, de devenir un facteur de divisions, de nouvelles fractures en Europe ».

Pour éviter une division Nord-Sud, le président italien a proposé samedi 8 septembre l’organisation d’un Sommet à Rome sur « l’essor du populisme, les divisions Nord-Sud et le nationalisme alimentés par l’austérité ». Cette proposition a été saluée par Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen, qui a suggéré d’avancer la Conférence sur l’intégration européenne prévue fin 2014.

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