Mme Girardin propose une modification constitutionnelle

Une grosse diversion

18 février 2005

Attendue sur plusieurs questions sociales, économiques voire même politiques, Mme Girardin estime que la question du transfert des TOS peut être réglée par une révision constitutionnelle. Aussitôt la diversion a joué à plein. Certains considèrent que la bataille du statut est relancée alors que la proposition de la ministre vise à revenir à la situation datant de la Constitution de 1958. Sa proposition met les parlementaires de la majorité au pied du mur : vont-ils ouvrir la voie à un règlement du problème des TOS dans le sens souhaité par la ministre ? Laquelle n’envisage pas seulement une “adaptation” du transfert lui-même, mais sans doute aussi la mise en œuvre d’un statut “adapté”.

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Rappelant que le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition introduite par Jean-Paul Virapoullé à propos du transfert des TOS dans les DOM, Mme Girardin déclare : "J’ai toujours eu, pour ma part, la conviction que les DOM devaient pouvoir, dans certains cas, être autorisés à sortir de la stricte identité législative pour surmonter leurs difficultés et pouvoir ainsi bénéficier de dispositifs “sur mesure”. Mais vous savez que c’est un sujet très sensible pour les élus réunionnais. Je leur laisse donc la liberté de choisir entre une application de la loi commune à La Réunion dans les conditions exigées par l’article 73 de la Constitution, ou un assouplissement des modalités de cet article".
La ministre de l’Outre-mer estime que cette modification pourrait intervenir lorsque le gouvernement engagera, à partir de juin prochain, une procédure de révision constitutionnelle pour régler la question du corps électoral spécifique à la Nouvelle-Calédonie.

Vers un statut “adapté” des TOS réunionnais ?

Ces déclarations ont été interprétées par Yves Montrouge du “JIR” comme une volonté de changement de statut et, à partir de là, une campagne commence à être orchestrée sur ce thème.
Alors qu’elle est attendue sur une série de problèmes sociaux ou économiques voire même politiques avec le référendum sur le projet de Constitution, Mme Girardin a donc trouvé, avec la complicité objective d’Yves Montrouge, de quoi monter une diversion avant même d’arriver à La Réunion.
Elle dit en quelque sorte que l’on peut régler le problème que pose aux collectivités réunionnaises, le transfert des TOS, mais à condition de modifier la Constitution.
La question du transfert du personnel TOS se pose, en fait, à deux niveaux.
Il y a le transfert en lui-même et le problème du statut de ce personnel. Actuellement, les TOS sont majoritairement en situation précaire.
Les parlementaires réunionnais de l’UMP et de la Relève ont voté les lois de décentralisation. Ils ont donc accepté le principe du transfert des TOS. Jean-Paul Virapoullé, Bertho Audifax, René-Paul Victoria et André Thien-Ah-Koon ont approuvé le principe du passage du personnel Techniciens et ouvriers des collèges et des lycées des services de l’État à ceux du Département et de la Région.

L’opposition a refusé le transfert

Inversement, les parlementaires de l’opposition, Huguette Bello, Christophe Payet et, à l’époque, Paul Vergès ont refusé ce transfert. Ils ont voté contre et ils considèrent qu’il n’est pas besoin de modifier la loi pour remettre en cause ce transfert.
Quant à la question du statut de ce personnel, Jean-Paul Virapoullé pense qu’elle sera réglée dans le cadre général du problème de la Fonction publique territoriale, en faisant appel notamment à des fonds européens. Il n’a pas encore dit comment cela sera possible.
La position de Mme Girardin est plus subtile. Elle dit qu’il faut “adapter”. Mais “adapter” quoi ? Les modalités du transfert ou/et les conditions de recrutement des TOS en situation précaire par les collectivités territoriales ? Lorsqu’elle propose de faire sortir La Réunion du principe de l’assimilation législative, jusqu’où la ministre veut-elle faire jouer la spécificité ? N’envisage-t-elle pas une adaptation aux conditions réunionnaises du statut des TOS ?
Par son initiative, Mme Girardin cherche à dégager la responsabilité du gouvernement et à transférer sur les Réunionnais la charge de proposer des modalités de transfert ainsi qu’un statut spécifique des TOS. Elle dit : "c’est à vous, Réunionnais, de demander une modification de la Constitution pour régler le problème".
En cela, elle ne gêne pas l’opposition : celle-ci a toujours été contre le transfert des TOS. En réalité, c’est sa propre majorité, et en particulier Jean-Paul Virapoullé que la ministre interpelle. C’est elle qui est invitée à prendre une initiative. C’est elle qui doit assumer la nouvelle “compétence” que lui octroie Mme Girardin. Alors que le gouvernement refuse d’ouvrir la concertation sur le projet de loi Fillon, alors qu’il a attendu que la loi Borloo soit votée avant de voir comment l’adapter, cette fois il prend le luxe de demander aux parlementaires réunionnais de s’entendre pour faire une proposition consensuelle.
Mais la ministre lance la balle dans son propre camp. C’est la majorité qui s’est déchirée sur l’amendement constitutionnel de Virapoullé et sur sa proposition pour les TOS. À chaque fois, l’opposition est restée, elle, droit dans ses bottes. C’est la réponse de Virapoullé, Audifax, Thien-Ah-Koon et Victoria qu’il a lieu d’attendre. Sont-ils d’accord avec leur ministre ? Vont-ils contribuer à régler la question du transfert des TOS dans le sens proposé par Mme Girardin ? Ou bien vont-ils garder le silence ? S’ils n’acceptent pas la solution proposée, qu’ils le disent publiquement.

Que la majorité règle ses problèmes

Aux yeux de l’opposition, la législation actuelle permet de régler le problème du transfert et du statut des TOS : il suffit de ne pas les transférer.
Il revient donc à Mme Girardin et aux élus de la majorité de s’expliquer entre eux. La situation d’aujourd’hui résulte des divisions internes. C’est l’absence d’un accord entre eux qui a généré le problème actuel. À eux de le régler entre eux. Les Réunionnais ne manqueront pas de suivre avec attention ce qui va se passer à Saint-Benoît, Saint-André, le Tampon et Saint-Denis, au cours des deux jours qui vont suivre. À quel spectacle vont-ils assister ?

J. M.

P.S : Dans ses déclarations, Mme Girardin n’oublie pas de rappeler qu’elle avait indiqué que l’amendement Virapoullé était anti-constitutionnel. Que les parlementaires aient par la suite décidé de sauter dans la brèche pour mieux l’ouvrir est une autre histoire. Il faut retenir que la ministre dit : "j’avais prévenu, mais on ne m’a pas écoutée et le Conseil constitutionnel ayant tranché, nous aboutissons à la situation actuelle". Implicitement, Mme Girardin veut mettre le doigt sur l’enchaînement des événements et pose la question : qui a, de fait, allumé la mèche ? Qui est celui qui est à l’origine de tout, y compris du recours socialiste ? N’est-ce pas celui qui dans le débat sur la révision constitutionnelle, a déposé un amendement mettant La Réunion sous le régime de l’assimilation législative, question de tout “verrouiller” ?


Vous avez dit : changement de statut ?

Un simple retour à 58

Ça y est, l’expression a été lâchée : la proposition de Mme Girardin pour régler la question du transfert des TOS a est interprétée comme un changement de statut de La Réunion.
La diversion est à double détente. D’une part, on évite à la ministre d’aborder les questions que les Réunionnais voulaient lui soumettre. D’autre part, on évite de regarder de plus près en quoi consiste exactement la solution proposée par Mme Girardin pour les TOS. Et comme la diversion est lancée par un journaliste dont les affinités avec Jean-Paul Virapoullé sont publiquement connues, on peut se demander qui veut piéger qui.
La ministre de l’Outre-mer dit qu’on peut régler la question du transfert des TOS en modifiant la Constitution et en revenant sur un dispositif introduit par Jean-Paul Virapoullé dans le débat sur la révision constitutionnelle.
La proposition du sénateur-maire de Saint-André impose pour La Réunion - et seulement elle - le principe de l’assimilation législative. Les dérogations sont possibles. Elles doivent être demandées au Parlement, seul habilité à décider des adaptations. C’est au nom du principe de l’assimilation législative que le Conseil constitutionnel a annulé le dispositif spécifique imaginé pour le transfert outre-mer des TOS.
En réalité, la ministre de l’Outre-mer propose de revenir à la Constitution de 1958, celle qui érigeait l’adaptation législative comme un principe pour la mise en application des lois de la République dans les DOM. Cette “adaptation” se décidait et se faisait au moment de la rédaction des décrets d’application. Une clause particulière était introduite pour les départements d’Outre-mer. Cela a donné toute une série de mesures comme le non-alignement des prestations sociales, du salaire minimum. Certaines de ces spécificités perdurent : l’Octroi de mer, l’abattement de 30% de l’impôt sur les revenus, la valorisation des traitements de la fonction publique d’État, etc.
Voir en une proposition ministérielle consistant à revenir à la Constitution élaborée à la fin des années 50 par Michel Debré une volonté de changer le statut de La Réunion est un véritable “pied de nez” à l’Histoire ! Il fallait le faire. On l’a fait.


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