Fin d’une “guerre du zèle” douanier

Une victoire du bon sens

13 août 2004

Il a fallu une mobilisation rapide et unitaire des professionnels et des élus - alertés par des pratiques douanières inhabituelles - pour obtenir entre mercredi et jeudi la levée d’un blocage dont les Douanes étaient devenues le point névralgique autour du régime de l’octroi de mer. Cela, depuis l’entrée en application de la loi du 2 juillet 2004, modifiant la loi du 17 juillet 1992 sur ce régime fiscal destiné à protéger la production réunionnaise et l’emploi à La Réunion.

L’épisode qui s’est soldé, entre mercredi et jeudi, par la levée du blocage douanier dont ont été victimes plusieurs entreprises de l’île, est-il le dernier soubresaut des tensions créées par un calendrier de transition trop précipité, en particulier dans la période comprise entre la fin juin et la fin juillet, qui a conditionné l’entrée en application de la nouvelle loi ?
Alerté sur ce problème par divers canaux, le Ministère de l’Outre-mer assure à présent que le problème soulevé est dû à "une lecture restrictive qui serait faite par les services douaniers locaux de l’article 5 - 2ème alinéa du décret d’application..." de la loi du 2 juillet 2004.
Sauf que... le décret d’application du 29 juillet n’a pas tenu compte des demandes des collectivités demandant le retrait de cet article litigieux.
Litigieux pourquoi ? Parce qu’il laisse penser que certains intrants, produits semi-finis ou finis incorporés dans la fabrication d’autres produits, pourraient ne plus être considérés comme des “matières premières” et exonérés comme telles.

"Précipitation" du gouvernement

Les élus ont dénoncé en son temps la "précipitation" avec laquelle le gouvernement... n’a pas pris en considération les observations remontées des assemblées territoriales.
La preuve est faite aujourd’hui que le nouveau dispositif, décrit par les industriels comme plus rigide que le précédent - il est passé d’une logique de contrôle a posteriori à un encadrement par Bruxelles - génère des comportements eux aussi rigidifiés.
C’est ce qui a conduit la Direction des Douanes de La Réunion à remettre en cause ce qui fonctionnait précédemment. Pris entre un décret ambigu et une délibération de la Région - ignorée par le gouvernement - qui leur demandait d’exonérer en leur laissant toute liberté d’interprétation, les douaniers auraient choisi la voie qui leur donnait le moins de travail : l’application au pied de la lettre d’un texte ministériel, si décrié soit-il.

La Rue Oudinot... se dédouane

Le Ministère de l’Outre-mer a beau jeu de dire que la loi de juillet 2004 "n’a pas pour but de modifier la situation qui prévalait avant...", mais l’État n’a rien fait pour faciliter la "lecture" de ses propres services.
Il se ...dédouane aujourd’hui en disant qu’il revient aux Régions de définir par position tarifaire la liste des produits admis au bénéfice d’une exonération.
Mais puisque tout le monde admet que - pour s’en tenir aux principes de précaution et de cohérence - il convient de toucher aussi peu que possible aux équilibres économiques de la période qui vient de s’achever, pourquoi ne pas se référer à l’existant ?

Du zèle

Les Douanes ont, paraît-il, voulu faire du zèle et ont réclamé à la Région "un taux zéro", que la collectivité s’est bien gardée d’adopter, pour ne pas se dépouiller de ses recettes fiscales.
Le “bras de fer” politico-administratif est aujourd’hui résolu, grâce à une mobilisation générale et très unitaire. Il faut en garder la leçon pour l’avenir, car rien n’est jamais définitivement joué pour les "économies fragiles", dans le contexte de la mondialisation qui inspire toutes les nouvelles dispositions régissant la production et les échanges.
Dans notre île, les protagonistes - Région et Douanes notamment - devront se retrouver le 18 août prochain, sous l’égide du nouveau préfet, Dominique Vian, pour décider de la marche à suivre. Depuis hier, c’est la délibération régionale du 29 juin dernier qui s’applique. On aurait pu commencer par là... Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Pascale David


La réaction de l’A.D.I.R.

Vers "une solution pérenne"

"Depuis le 1er août, nous avons vécu un véritable imbroglio juridique remettant en cause l’exonération d’octroi de mer sur les intrants industriels en raison d’une définition restrictive du décret du 29 juillet 2004 portant application du nouveau régime d’octroi de mer.
Nous avons été sur la brèche pour examiner avec la Préfecture, nos parlementaires, les élus de la Région et du Département, les responsables administratifs des Douanes et le Service des Affaires Economiques de la Région, comment faire évoluer les paramètres définissant l’éligibilité des intrants afin de revenir à la situation qui prévalait avant le 31 juillet 2004.
Nous venons d’avoir du Ministère de l’Outre-mer l’annonce, confirmée par le Préfet, d’une réunion d’urgence qui se tiendra le 18 août prochain à la Préfecture en présence des différentes parties concernées afin de mettre au point le cadre ad hoc.
Dans l’intervalle, les Douanes traiteront les dossiers sur la base de la délibération du 29 juin 2004 de la Région dans la continuité du régime d’exonération de 1993, et sont donc disposées à exonérer ce qui était exonérable précédemment.
Nous ne doutons pas que, avec le concours de la Région et de l’Etat, en particulier, une solution pérenne et juridiquement solide soit trouvée incessamment".
(Communiqué publié hier par l’Assocation pour le développement industriel de La Réunion - ADIR)


La réaction de Raymond Lauret, président de la Commission du Développement économique à la Région

"Concertation, dans la fermeté"

Le Gouvernement, sous la plume de M. Blaublomme, conseiller auprès de la ministre de l’Outre-mer, vient, de manière très nette, de préciser qu’il convient qu’il n’y a pas lieu de se livrer à une "lecture restrictive" (donc déséquilibrante et pénalisante) de l’article 5 - 2ème alinéa du décret d’application de la loi du 2 juillet dernier modifiant le régime de l’octroi de mer.
Avec les milieux économiques locaux, nous avions demandé, avec insistance, qu’en l’absence d’un délai suffisant pour réaliser - dans l’intérêt bien compris de notre tissu industriel encore fragile et des budgets de nos collectivités locales - un bon toilettage des tableaux, il importait de supprimer cet article.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter de cette position gouvernementale qui va, en quelque sorte, dans le sens de notre raisonnement et de nos demandes.
Nous venons d’apprendre que la Direction locale des Douanes a tenu compte, dès ce jeudi 12 août, des directives reçues et que l’esprit de concertation souhaité par tous est entré dans les faits.
Je ne peux ici qu’exprimer ma totale satisfaction à ceux qui ont su relayer nos préoccupations et à ceux qui les ont entendues.
Avant-hier, mercredi 11 août encore, avec les responsables du service économique de la Région, nous étions réunis dans les locaux de l’ADIR à Saint-Denis, avec les représentants de cette dernière, ceux de la C.C.I.R et du C.P.I. (Comité de Pilotage de l’Industrie). Des initiatives ont été prises après que des décisions avaient été arrêtées.
J’ai le sentiment que des point sont été marqués et qu’il convient de saluer tous ceux, d’horizons les plus divers, qui ont fait le choix de la concertation, dans la fermeté, pour remplir leurs missions.

Raymond Lauret,
conseiller Régional.

Octroi de mer

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