Intervention de Gélita Hoarau au Sénat
Valorisons notre potentiel touristique
29 juin 2011
Hier a eu lieu au Sénat un débat consacré au tourisme et à l’environnement outre-mer. Cela a été l’occasion pour les sénateurs présents de faire le point sur l’état du tourisme et de l’environnement dans leur département insulaire. Si en Martinique et en Guadeloupe, l’industrie touristique apparaît véritablement comme sinistrée, la Sénatrice Gélita Hoarau a quant à elle évoqué les différents problèmes auxquels est confronté ce secteur d’activité dans notre pays. Elle a notamment souligné la stagnation du nombre de touristes à La Réunion, déploré le manque de stations d’accueil et protesté contre le régime des visas d’entrée imposé à certains ressortissants des pays voisins et méprisant pour La Réunion. Voici l’intégralité de son intervention, avec des intertitres de “Témoignages”.
« Nous sommes amenés aujourd’hui à débattre d’un secteur d’activité porteur de promesses en termes d’emploi, et vraisemblablement une des pistes pour contribuer à sortir l’Outre-mer de son marasme économique et social.
Comme l’a souligné notre collègue, le Sénateur Magras, dans son rapport, l’Outre-mer est divers et composite. Chaque territoire ultramarin dispose d’atouts et de handicaps qui lui sont propres ; de sorte qu’une politique touristique établie pour l’un d’entre eux ne peut être transposable à un autre.
Au cours des années 90, le nombre de touristes à La Réunion a quasiment doublé, passant de 220.000 en 1992 à 430.000 en 2000, pour s’y maintenir pendant toute la décennie suivante. L’épisode du chikungunya a, certes, entraîné une chute de la fréquentation, 130.000 touristes en moins en 2006 par rapport aux années précédentes, mais la reprise ne s’est pas fait attendre puisque le nombre de touristes remontait à nouveau en 2007. Aujourd’hui, il est de 420.000 pour 2010. On assiste donc depuis 2000 à une stagnation de ce chiffre, et malgré les efforts des politiques et des professionnels du tourisme, ce secteur d’activité ne décolle pas, faisant dire à certains professionnels qu’il s’agit d’un tourisme “ronronnant”.
La Réunion, une île qui ne manque pas d’atouts…
Pourtant, l’île ne manque pas d’atouts. Consciente de son manque d’attractivité en tant qu’île balnéaire (en effet, elle ne compte que 30 km de plage alors que l’île Maurice, voisine, en compte 160 sur un territoire plus exigu que le nôtre), La Réunion a également misé sur la diversité, l’originalité et la beauté de ses paysages — nature exubérante, volcan en activité, accessible et peu dangereux, littoral “sauvage”, forêt primaire, cirques… — et sur le développement des activités liées à la nature, telles les randonnées (800 km de sentiers balisés, des gîtes de montagnes…), avec un positionnement montagne, mer et écotourisme.
Ainsi, dès 1995, la protection des milieux naturels et agricoles a été établie comme un impératif par le Schéma d’aménagement régional. Au fil des années, des outils réglementaires ont renforcé cet acquis avec la création du Parc national et celle de la Réserve naturelle nationale maritime. Cette réserve intègre 80% des récifs coralliens de l’île (dans le monde, seuls 5% des récifs coralliens bénéficient de mesures de protection). Des sites et paysages remarquables ont ainsi pu être préservés du mitage urbain, engendré par la pression sur le foncier que subit le département du fait de la faible superficie de son territoire, d’une part, et de sa démographie, d’autre part.
… un territoire d’exception
Depuis le 1er août 2010, 40% du territoire réunionnais sont inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Depuis la découverte de l’île, 30% des espaces le constituant sont encore intacts. Ce classement apporte une notoriété, une visibilité qui assoient la réputation de La Réunion comme territoire d’exception, avec des retombées touristiques prometteuses.
Même si des sites ont pu être “sanctuarisés”, il n’en reste pas moins que cette richesse naturelle est fragile et fortement menacée si rien n’est entrepris pour, tout à la fois, la préserver et la valoriser. Le rapport du Comité national de l’UICN notifie clairement que, sur les 905 espèces de fougères indigènes et plantes à fleurs de La Réunion, 49 espèces végétales ont disparu et que 275 (soit 30%) sont menacées. C’est donc une situation préoccupante pour la flore de notre île où une espèce sur trois est menacée de disparition. Il y a urgence à prendre des mesures, parmi lesquelles la formation de personnels à la protection et mise en valeur de ce patrimoine naturel.
Je réitère ici ma proposition de créer, pour l’environnement, un service d’intérêt public. L’Union européenne vient de reconnaître l’enjeu de la préservation de cette biodiversité en accordant aux RUP et aux PTOM des financements destinés à la valorisation et la protection de leur biodiversité dans le cadre du programme Best.
Une offre d’hébergement touristique insuffisante
Au tourisme de masse, La Réunion a donc préféré un tourisme équilibré, authentique, mesuré et intégré. Cela a permis l’émergence de démarches responsables visant à l’amélioration de l’environnement et de la vie en milieu rural et la diversification rurale. C’est le cas de la mise en valeur de la route Hubert Delisle, de la préservation et la valorisation des Villages créoles.
Ce choix offre au département des perspectives intéressantes tel le développement des produits haut de gamme intégrés dans l’environnement respectueux des normes HQE.
Malheureusement, notre île accumule également des faiblesses, dont l’offre d’hébergement qui reste insuffisante avec ses 2.200 chambres en hôtels classés. Malgré la rénovation de friches hôtelières, cela risque de ne pas suffire pour augmenter la capacité d’accueil de qualité. Il faut du foncier, difficile à trouver, d’autant que cette offre se polarise autour de la station balnéaire de l’Ouest, déjà marquée par une densité relativement forte. D’où l’importance de prioriser la création de l’hébergement hôtelier classé dans des zones à potentiel attractif comme le volcan, les cirques… Une étude sur l’installation d’éco-lodges dans le Parc national est actuellement en cours.
Diversifier la clientèle touristique
Autre faiblesse, la diversification de ses clientèles. Comme aux Antilles, à La Réunion, les touristes en provenance de la France continentale sont fortement majoritaires (80%). Cela s’explique en partie par son éloignement des grands couloirs aériens, à l’absence de liaisons directes avec les grandes capitales européennes. La Réunion tente également de se tourner vers une autre clientèle, celle des pays du Grand océan Indien, Afrique du Sud, Madagascar, Maurice, Seychelles, Australie, Inde, Chine…
Le développement touristique avec ces pays se heurte à un problème de délivrance de visas, qui doivent être obtenus au départ du pays de résidence, après constitution d’un dossier constitué de pièces justificatives parfois invraisemblables. Cela au nom d’une politique sécuritaire signifiant que l’étranger provenant de ces pays est, à nos yeux, avant tout un immigré clandestin potentiel. Nous avons tous entendu — et les professionnels du tourisme au premier chef — les promesses d’Yves Jégo, alors secrétaire d’État à l’Outremer, d’installer dans les aéroports réunionnais des bureaux de délivrance de visas, promesses suivies de celles du Premier ministre, François Fillon, d’intégrer La Réunion à l’espace Schengen avant la fin 2009. Nous attendons.
Pour biaiser avec cet obstacle administratif, il est désormais possible pour tout étranger d’entrer à La Réunion sans visa, à condition de passer par l’Ile Maurice et par une agence de voyages. Cette mesure méprisante à l’égard des Réunionnais et de nos voisins isole davantage La Réunion, bloque notre développement touristique et lèse la seule compagnie aérienne réunionnaise desservant la zone.
(…) La Réunion dispose d’un potentiel touristique bien réel. Nous en sommes conscients depuis une vingtaine d’années, encore faut-il que tous le soient et travaillent dans la même optique. »