La menace du 49-3 se précise

Vers un passage en force

23 juillet 2004

Depuis le début de la semaine, l’un des principaux sujets de conversation, notamment à l’Assemblée nationale, était de savoir si oui ou non le gouvernement allait “sortir” le 49-3. Même si les députés de la majorité (comme le président de la Commission des lois, Pascal Clément) jouent la carte de l’innocence en déclarant qu’ils “ne savent pas”.

Le 49-3, c’est une disposition qui permet au gouvernement de faire passer une loi, sans qu’il y ait possibilité pour les parlementaires de s’exprimer. Il n’y a pas de discussion. Le gouvernement a tous les pouvoirs.
Rappelons (voir notre édition d’hier) que le projet soumis depuis hier après-midi aux députés ne comporte que 88 articles - sur les 128 que compte le texte -, les autres (soit 40) ont été retirés des débats puisque votés dans les mêmes termes par les députés (en première lecture) et les sénateurs (en deuxième lecture). Cette “deuxième lecture” des députés ne porte donc pas sur des articles pourtant essentiels et sensibles : comme, par exemple, le transfert des TOS.
Si les personnels techniciens, ouvriers et de service travaillant dans les collèges et les lycées de France métropolitaine sont d’ores et déjà sûrs d’être transférés aux collectivités locales au 1er janvier 2005, la question pour ceux de l’outre-mer restait posée ; notamment grâce à l’article 128. Un article né d’un amendement de Jean-Paul Virapoullé, reprenant la position commune de la quasi totalité des élus réunionnais, conseillers généraux comme conseillers régionaux, parlementaires... à savoir : pas question de parler de transfert avant qu’il n’y ait eu rattrapage en poste pour atteindre la moyenne nationale.

TOS transférés

Avec l’éventualité du passage du texte de loi sur les responsabilités locales avec le “49-3”, augmente la menace de voir cette disposition partir en fumée.
Les raisons sont simples : le gouvernement, comme nous l’écrivions plus haut, à tous les droits, lorsqu’il sort cette arme fatale ; y compris celui de déposer des amendements. Et rien ne s’oppose donc à ce qu’il dépose un amendement demandant la suppression... de l’article 128. Rien ni personne ne peut l’en empêcher.
Si tel devait être le cas, cela voudrait dire que, malgré les oppositions constantes et vives des principaux intéressés d’une part, de l’ensemble des élus d’outre-mer, d’autre part, il y aurait transfert. Aucun recours ne serait alors possible. La loi serait promulguée dans la version écrite par le gouvernement. Aucune haute juridiction ne pourrait être saisie.

Coup de poignard

L’éventualité n’est pas simplement une “hypothèse d’école”. À plusieurs reprises, le gouvernement a fait connaître ses réserves quant au transfert différé des personnels TOS - et avec eux, des autres personnels.
Lors de la rencontre avec les présidents de Région, et notamment ceux de l’outre-mer, Brigitte Girardin, pressée par le Premier ministre de répondre à la sollicitation des élus domiens, avait avancé l’idée d’une éventuelle inconstitutionnalité d’un transfert différé, aussi bien pour les personnels, tous secteurs confondus, que pour l’ensemble des compétences transférées (routes, logements etc.).
Lors du vote au Sénat du projet de loi sur les responsabilités locales, même son de cloche gouvernemental : “avis défavorable” du gouvernement sur l’amendement déposé par le sénateur-maire de Saint-André, demandant de reporter le transfert des TOS.
Hier, sur les ondes de RFO Radio, la ministre de l’Outre-mer reprenait le même raisonnement. Elle a, à nouveau, mis en avant l’éventuelle non constitutionnalité d’un transfert différé pour l’outre-mer, non seulement des TOS mais de l’ensemble du projet de loi. Une demande qui avait été formulée, rappelons-le, par les présidents de Région : il est impérieux et vital, pour le développement de quatre régions d’outre-mer, d’avoir une vision chiffrée des retards à rattraper, tant en personnels qu’en infrastructures, tout en y joignant les projections faites sur les conséquences de la progression démographique que connaissent ces ROM.
D’un seul coup d’un seul, ce serait donc un coup extraordinaire porté à l’outre-mer, à sa population, à son développement. À l’avenir.

Dominique Besson


À quand le 49-3 ?

Tous les parlementaires - ceux de la majorité compris - s’attendaient donc à voir le gouvernement sortir l’argument antidémocratique du 49-3 et faire passer en force le projet de loi sur la décentralisation cher à Jean-Pierre Raffarin, puisqu’il le qualifie de "mère de toutes les réformes"...
Certains pariaient pour une annonce dès le début des discussions, hier à 15 heures ; mais juridiquement, cette annonce peut être faite à tout moment, pendant la discussion.
Pour prendre la décision de faire passer un texte avec la procédure du “49-3”, il faut qu’il y ait eu accord par le Conseil des ministres. Celui-ci s’est réuni mercredi. Rien n’a filtré officiellement concernant cette question. Et rien ne figurait dans le communiqué diffusé à l’issue du conseil.
Des fuites indiquaient que le gouvernement avait bien accédé à la demande. La date avait même été avancée : le gouvernement allait sortir le “49-3” aujourd’hui. Et que, si rien ne figurait sur le document “grand public”, l’autorisation était belle et bien inscrite noire sur blanc dans ce que l’on appelle “le procès verbal des travaux du Conseil”, document rédigé par le secrétaire général du gouvernement, mais soigneusement tenu secret. Enfin presque...
Si l’autorisation n’a pas été donnée mercredi, elle peut l’être lundi puisque le prochain Conseil des ministres - et le dernier avant “les vacances” - se tiendra lundi matin. Ce qui laisse supposer que, dès la séance de 15 heures, les débats soient clos. Définitivement.
Il ne restera donc plus qu’à celles et ceux qui sont contre le projet de loi, contre cette façon antidémocratique de signer ce que l’on appelle “motion de censure”, sorte de “carton rouge” adressé par les parlementaires au gouvernement et soumis au vote des députés. Si cette motion recevait l’approbation de la majorité des députés, le gouvernement serait contraint d’abandonner la procédure...


Volet financier de la décentralisation adopté par la seule UMP

Le minimum du minimum

Après bien des discussions et des suspensions de séance, les seuls députés UMP ont voté mercredi soir, en deuxième lecture, le volet financier de la décentralisation. La gauche comme l’UDF ont voté contre.
Cet examen a donné lieu à des débats sur la définition des “ressources propres” des collectivités locales. Le projet définit les règles que le gouvernement devra appliquer pour que les transferts de compétences soient compenser par des transferts financiers. Pour la quasi totalité des associations d’élus locaux, la notion de ressources propres ne peut recouvrir que les impositions dont les collectivités ont la maîtrise du taux ou de l’assiette. Mais le gouvernement n’avait pas la même approche.
Bien que ne comportant que quatre articles, ce projet de loi organique est l’une des pièces maîtresse du dispositif. En effet, si les compensations financières ne sont pas à la hauteur des compétences transférées, toutes les collectivités locales (régions, départements, structures intercommunales, communes) seront extrêmement gênées pour boucler leurs budgets et surtout développer leur territoire.
D’après ce qui a été adopté, le gouvernement compte faire payer les transferts de compétences... aux contribuables. Si les collectivités sont riches, elles pourront faire face ; si elles sont pauvres, elles vont encore plus s’appauvrir.
Ce qui est le cas de La Réunion comme de l’ensemble des régions d’outre-mer, notamment.


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