Transfert des TOS

Virapoullé pris à son propre piège

26 juillet 2004

Jean-Paul Virapoullé est très remonté contre le gouvernement au motif que Jean-Pierre Raffarin a présenté à la censure de l’Assemblée nationale un texte épuré, où l’article issu de son amendement sur le transfert des TOS a été retiré. La désillusion et la colère sont d’autant plus importantes chez lui et ses amis qu’avant même que le débat au Palais Bourbon ne prenne fin, le camp virapoulléen triomphait déjà : des lettres de lecteurs - dont on devine d’où elles viennent - parlaient, ces jours-ci de "victoire politique de Jean-Paul Virapoullé".
Même si, comme le rappelle le communiqué du Bureau de presse du PCR (voir “Témoignages” de samedi), l’amendement en cause n’était qu’un “pis-aller”, il aurait permis de faire gagner un peu de temps aux TOS et aux collectivités réunionnaises. Si Jean-Paul Virapoullé a échoué, à qui le doit-il, sinon à lui-même ?
On ne passe pas du jour au lendemain - comme il l’a fait - du "ladi-lafé syndical" pour tenter de disqualifier les manifestants de l’année dernière à "la faute politique" pour dénoncer ensuite un gouvernement récalcitrant. Il y a eu trop de contorsions, trop de volte-face de la part de Jean-Paul Virapoullé pour qu’il soit crédible.

Pourquoi a-t-il attendu ?

Pourquoi a-t-il attendu la deuxième lecture au Sénat du projet de loi pour déposer son amendement ? Pourquoi ne l’a-t-il pas fait dès la première lecture ? Or, lors du premier examen de la réforme, il avait bien fait voter un amendement refusant à La Réunion un principe général : le transfert au Conseil régional de la gestion des enceintes portuaires ? Pourquoi, ce qu’il a pu faire dans un cas ne l’a-t-il pas pu dans l’autre ? Pourquoi le sénateur de Saint-André a-t-il été davantage à l’écoute des lobbys portuaires - à commencer par celui du patronat - qui refusaient le transfert du port, pour ne pas tomber - comme disaient certains - “entre les mains des communistes” ? Pourquoi n’entendait-il pas alors ce que demandaient les TOS, leurs organisations syndicales et les deux collectivités réunionnaises ?
Jean-Paul Virapoullé aurait sans doute gagné la bataille des TOS - et La Réunion avec lui - s’il avait joué franc-jeu, en posant le problème dès l’entame des débats et non de manière subreptice et pratiquement lorsque s’achevaient les discussions parlementaires. Il aurait eu le temps avec lui. Plus : au lieu de jouer solo, il aurait pu obtenir un soutien plus large à son initiative.
Plutôt que de choisir une démarche politique, le sénateur-maire de Saint-André s’est enfermé dans un coup politicien.
Car, plus que ses louvoiements et son incohérence, le principal reproche que l’on peut faire à Jean-Paul Virapoullé c’est de s’être servi, dans son affrontement avec Brigitte Girardin, des TOS comme d’otages. S’il n’y avait pas eu les résultats des régionales et l’analyse amère qu’en a faite le sénateur-maire - il désignait la ministre de l’Outre-mer comme principale responsable de l’échec et demandait son départ du gouvernement -, il n’y aurait pas eu l’épisode de l’amendement et, peut-être même, pas d’amendement du tout.
La logique parlementaire veut qu’un membre de la majorité discute préalablement avec le gouvernement de sa proposition de modification d’un texte législatif, de son contenu, de sa validité et de son éventuelle adoption. Le parlementaire réunionnais, lui, n’a pas agi ainsi : il en a fait un point de fixation et d’affrontement personnel avec la ministre de l’Outre-mer. Cela a donné ce qui s’est passé, le tout étant aggravé ensuite par la décision du gouvernement de recourir au 49-3.

Les limites de l’amendement constitutionnel de Virapoullé

Il n’en reste pas moins aussi que ce qui vient de se passer est la première illustration concrète des limites du fameux amendement Virapoullé sur la révision constitutionnelle et qui interdit à La Réunion les fameuses loi-péi. Les Antilles et la Guyane pourront adapter, si elles le souhaitent, le transfert des TOS. En raison de l’amendement Virapoullé, une telle adaptation n’est possible pour La Réunion que par voie législative. Elle doit être décidée dans une loi. Cela suppose, pour arriver à un tel résultat, de recueillir en faveur de l’adaptation les suffrages d’une majorité de parlementaires, mais surtout d’obtenir l’accord préalable du gouvernement.
Or, en ce cas d’espèce, pour de bonnes ou mauvaises raisons, Paris a refusé toute adaptation. Un comble pour un texte qui, justement, doit accorder plus de responsabilités aux collectivités locales.
Mais cet épisode constitue aussi un précédent qui laissera sans aucun doute des traces. Car même lorsqu’elles sont jugées nécessaires, utiles et qu’elles sont acceptées par une majorité de Réunionnais, les adaptations ne sont plus possibles. Il y a là un réel problème.
L’aspect politique le plus évident reste cependant qu’il est clair que Jean-Paul Virapoullé va désormais ouvrir franchement les hostilités avec la frange la plus chiraquienne du gouvernement. L’épisode que nous venons de vivre signe la fin du faux-semblant : la hache de guerre est désormais déterrée entre l’élu saint-andréen et le clan du président de la République.
Lorsqu’il y a quelques mois il décidait de faire renaître la Relève, on savait que Jean-Paul Virapoullé allait passer à une autre étape dans sa compétition avec l’UMP. C’est désormais chose faite. Et, malheureusement, ce sont les TOS réunionnais qui ont servi de masse de manœuvre et qui en sont les premières victimes.


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