Alors que la crise en Europe entretient un climat défavorable à nos intérêts

Younous Omarjee lance un appel à la mobilisation générale à La Réunion

20 juillet 2012, par Manuel Marchal

Lors d’une rencontre avec les journalistes hier à Saint-Denis, Younous Omarjee, député des Outre-mer au Parlement européen, a expliqué que l’essentiel de nos relations avec l’Europe est en train de se jouer maintenant à Bruxelles. Cela concerne en particulier l’avenir des fonds structurels qui participent à nos investissements, et de la canne à sucre qui est un pilier de notre économie. L’Europe traverse une très grave crise économique, et nos fonds structurels suscitent des convoitises. Certains voudraient les diminuer pour donner davantage aux entreprises européennes.

Cela fait 6 mois que Younous Omarjee représente les Outre-mer au Parlement européen, et l’actualité européenne impose la présence permanente de l’élu de l’Alliance des Outre-mer à Bruxelles et à Strasbourg. Au cours des 6 mois, se sont déroulées les élections présidentielles et législatives. En France, un nouveau chef de l’État a été élu, le gouvernement a changé et l’Assemblée nationale a été renouvelée. Ces éléments ont occupé le devant de la scène durant plusieurs mois. Pendant ce temps, une crise sans précédent a continué à frapper l’Europe, et le Parlement européen a dû être dans la réactivité quasi-quotidienne par rapport aux mesures prises par le Conseil européen au cours des différents sommets relatés dans l’actualité internationale.
Outre l’immédiat, le travail porte également sur des réformes dans l’agenda du Parlement européen qui vont porter dans les 7 années qui viennent et qui concernent les RUP : politique commune des pêches ; réforme des organisations communes de marchés ; réforme du POSEI, le programme spécifique aux RUP ; réforme de l’octroi de mer et programmation des prochains fonds structurels.
À cela s’ajoute ce qui n’était pas prévu. C’est la mise en œuvre de politiques visant à répondre à la situation de crise dans laquelle est plongée l’Union européenne. Il y eut tout d’abord le Pacte Merkel Sarkozy qui voulait « faire porter sur les régions les manquements des États ». Le projet prévoyait de suspendre le versement des fonds structurels aux régions des États en situation de déficit budgétaire jugé excessif. Car parmi les critères à respecter figure en particulier le seul de 3% en dessous duquel doit se situer le déficit public. Rares sont maintenant les États à respecter cette limite.
Il y a maintenant un effet de la proposition de François Hollande de vouloir introduire un pacte de croissance pour soutenir l’emploi et l’investissement. Là aussi, les fonds structurels qui sont aussi visés. Car des dirigeants européens montrent du doigt des fonds structurels qu’ils estiment inutilisés. C’est une enveloppe de 55 milliards d’euros qui pourrait être redéployée des régions vers les PME pour financer cette politique de croissance.
Ces annonces ont lieu dans un contexte de budget contraint, avec une baisse annoncée de 10% des sommes affectées à la politique régionale.
« Il y a sur la table, des réformes majeures qui vont porter pour les 7 années qui viennent, et sur lesquelles nous devons être à l’offensive », explique Younous Omarjee qui conclut sur « l’appel à la mobilisation de tous les acteurs de La Réunion, de l’ensemble des collectivités de faire front pour que nos orientations soient le plus prises en compte ».

Manuel Marchal


Rapports de forces

Les discussions actuellement en cours se déroulent dans un contexte de « rapports de force qui ne nous sont pas des plus favorables », explique Younous Omarjee. « Aujourd’hui au Parlement européen, ce sont les Allemands qui mènent la danse en particulier à l’intérieur des groupes politiques et ils font triompher la vision allemande », ajoute-t-il, précisant que « dans la réforme de la politique de la cohésion, qui nous concerne le plus car ce sont les fonds structurels et nous bénéficiions des plus importantes dotations avec 2 milliards d’euros pour 6 ans de programmation 2006-2013, il y a une négociation qui va s’ouvrir dans à la Commission, au Conseil et au Parlement pour discuter de la répartition des 340 milliards d’euros ».
Mercredi 11 juillet dernier, la commission du développement a voté sur un texte de compromis, qui préserve l’enveloppe globale. Il devra être validé par le Parlement européen et la Commission. Younous Omarjee a déposé 300 amendements sur ce texte, et il fera partie du groupe des 6 négociateurs du Parlement européen chargé d’arriver à un accord avec la Commission sur un texte qui devra enfin être validé par les chefs d’État et de gouvernement.
C’est donc une période importante qui s’ouvre, avec une reprise des discussions en septembre.
« Indépendamment des orientations stratégiques inscrites dans communication commission sur RUP, tout se joue dans les négociations », précise le député de l’Alliance des Outre-mer, « il est possible de sauver l’essentiel ». Cela passe par une mobilisation de l’ensemble des acteurs.
Il est donc nécessaire « que le gouvernement et les députés français des groupes politiques majoritaires suivent de très près la négociation qui va s’engager ». Un point positif dans les discussions est qu’elle va se dérouler sous la présidence chypriote de l’Union européenne. Younous Omarjee a eu l’occasion de rencontrer le président de la République de Chypre, avec qui de bons contacts ont été établis. Tout comme La Réunion et les autres RUP, Chypre est une île.


Vigilance de tous les instants

Pour illustrer la vigilance de tous les instants qu’il est nécessaire d’exercer à Strasbourg et à Bruxelles, Younous Omarjee est revenu sur une alerte survenue mardi soir à minuit.
Pour les RUP, un accord avait été obtenu selon lequel les dotations pour la programmation 2014-2020. Le 10 au soir, le député apprend qu’un compromis acté par la négociatrice allemande du Parti socialiste européen et le rapporteur néerlandais PPE prévoit une baisse des dotations qui ne doit pas excéder les 4/5 de l’enveloppe allouée.
Cette baisse de 20% vise à attribuer des fonds supplémentaires à une catégorie de régions dites en transition, se situant notamment en Allemagne.
Younous Omarjee a donc dû contacter d’urgence les responsables français des groupes PSE, PPE (UMP) et Alliance démocratique et libérale (MoDem) pour les alerter de la catastrophe potentielle d’une telle mesure, qui ne pourrait que déboucher sur un débat défavorable à nos intérêts au sein du Conseil des chefs d’État et de gouvernement. Younous Omarjee mit le poids de son groupe parlementaire, le GUE-NGL, dans la balance. Si ce texte passait tel quel, pas de compromis possible.
Une nouvelle rédaction a été proposée, stipulant que pour les régions ultrapériphériques dont le PIB par habitant est supérieur à 75% de la moyenne européenne, les crédits des fonds structurels ne devraient pas diminuer de plus de 20%. Cette proposition permet de préserver l’essentiel pour les Canaries qui sortent de la catégorie des régions ultra-prioritaires, c’est à dire du classement en Objectif Convergence. Pour La Réunion qui est toujours en Objectif Convergence, c’est une garantie supplémentaire pour le maintien des crédits.
Mais cet épisode montre combien il faut être réactif et capable de créer un rapport de forces suffisant pour faire entendre les intérêts de notre pays au sein d’une assemblée comptant plus de 730 députés venus de 27 États.


Plusieurs réformes importantes

Younous Omarjee est revenu sur les différentes réformes discutées dans les institutions européennes et qui vont nous concerner au plus haut point.

Politique commune des pêches
- Tout sera refondu jusqu’en 2020. Younous Omarjee a été désigné comme rapporteur pour avis auprès de sa commission. Il a donc organisé une rencontre à Bruxelles avec l’ensemble des comités des pêches de l’outre-mer. Les idées émises lors de cette concertation pourront devenir des propositions dans un rapport que le député de l’Alliance des Outre-mer espère voir adopter à la rentrée par la commission, puis par le Parlement européen avant la fin de l’année.

Règlement sucrier
L’Union européenne travaille sur une réforme des organisations communes de marchés (OCM). C’est un OCM qui sert de cadre à la définition du prix du sucre, un des composants de la canne.
Younous Omarjee a aussi été désigné comme rapporteur pour avis auprès de sa commission. « C’est une chance qu’un élu des RUP soit rapporteur pour cette réforme afin de faire avancer des propositions sur la réforme », a-t-il expliqué. Pour notre île, l’enjeu est très important, avec la question de la canne à sucre. Younous Omarjee a d’ailleurs rencontré Jean-Claude Fruteau, rapporteur en 2005 de la réforme de l’OCM sucre.

Réforme du POSEI
Programme d’orientation spécifique à l’éloignement et l’insularité, le POSEI est un programme spécifique aux RUP, et il est un atout pour l’agriculture.
Le POSEI permet de soutenir les filières traditionnelles (banane et canne) et la diversification. C’est à l’intérieur de ce POSEI que sont versées les aides de l’État.

Réforme de l’octroi de mer
Pour cette question, des propositions ont été faites par le Parlement européen. Jusqu’à la décision qui doit intervenir en 2013 ou 2014, un vaste débat public doit avoir lieu, estime le député des Outre-mer.


650 millions d’euros de retard : l’heure de la mobilisation

Sur la question de la révélation dans la presse de la non-utilisation de 650 millions de fonds européens à La Réunion, Younous Omarjee estime que « l’heure est à la consommation très rapide des crédits ». « La Réunion a une culture en matière de bonne utilisation des crédits, s’il y a des retards, il faut les combler rapidement », poursuit-il. « On pourra rattraper le retard perdu à condition que tout le monde soit mobilisé. Les informations parues ont permis de remobiliser », ajoute-t-il. Car si ce retard persiste, alors cela affaiblira le discours que nous tenons à Bruxelles.


Canne à sucre : pour un report en 2020

Dans les propositions qu’il formule à l’Union européenne, Younous Omarjee demande de prolonger jusqu’en 2020 l’application de l’OCM sucre pour La Réunion. Cela signifie un maintien des aides en l’état pendant encore 8 ans, ce qui permettra de mieux anticiper un éventuel changement des règles.
Car c’est à partir de 2014 que devrait s’appliquer un nouvel OCM, et donc un nouveau mode de calcul pour le prix du sucre et de nouvelles références pour les aides destinées à compenser un prix de vente du produit trop faible pour le planteur.
Cette proposition de report a l’accord des acteurs concernés.


Contre la vie chère : propositions au ministre des Outre-mer

Durant la visite de Victorin Lurel, après un passage à Saint-Benoît où il a rencontré les agriculteurs et Jean-Claude Fruteau, Younous Omarjee était invité au débat sur la vie chère.
Sur cette question, le député a déjà alerté le commissaire à la concurrence en évoquant les monopoles, les abus de position dominante et les ententes illicites qui existent à La Réunion.
Le commissaire lui a donné raison en substance, précisant que c’est au niveau de l’État que s’exerce la responsabilité de faire appliquer les mesures des traités européens qui permettent de lutter contre la vie chère. Et le commissaire d’énumérer toute une série d’enquêtes diligentées par l’Autorité de la concurrence ces dernières années.
Dans les propositions qu’il a adressées au ministre des Outre-mer, Younous Omarjee a demandé que soit faite la transparence sur les conclusions de toutes ces enquêtes, ainsi que sur le suivi des mesures préconisées par l’Autorité de la concurrence. Des propositions sur lesquelles Victorin Lurel a paru réceptif.

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