Loi-programme au point mort et des polémiques stériles avec les collectivités

Yves Jégo : Cinq mois et six voyages pour rien

10 septembre 2008, par Manuel Marchal

Depuis cinq mois, Yves Jégo est venu six fois à La Réunion. Cette performance aura du mal à être égalée. Pour quelle efficacité ? Dans les domaines qui relèvent directement de la compétence du secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, les dossiers n’ont pas avancé. Par contre, à chacun de ses voyages à La Réunion, Yves Jégo a lancé des polémiques stériles dans des domaines relevant des compétences des collectivités locales.

Cinq mois après l’arrivée d’Yves Jégo au secrétariat d’Etat à l’Outre-mer, où en est la loi-programme ? Dès son arrivée au pouvoir en mai 2007, Nicolas Sarkozy a dit qu’il allait appliquer son projet présidentiel pour l’Outre-mer. Un an après, il a été confié à Yves Jégo la responsabilité de faire avancer le projet, cinq mois plus tard, où en est-on ?
Présentée seulement le mois dernier en Conseil des ministres, on ne sait pas quand la loi-programme sera débattue au Parlement, quid de son financement ?
Mais on a une certitude, ce texte a réussi à faire l’unanimité contre lui aux Antilles, comme à La Réunion.
Dans notre île, les acteurs du logement font part de leurs plus grandes craintes pour l’emploi si ce projet était appliqué en l’état. Quant au volet social de la loi-programme, il est toujours aux abonnés absents. Les six voyages en cinq mois d’Yves Jégo dans notre île étaient autant d’occasion pour le ministre de faire avancer ce dossier qui relève directement de sa compétence. Tout le monde peut constater que cela n’a pas avancé d’un pouce.
Par contre, dans des domaines bien plus éloignés de la compétence de son ministère, Yves Jégo n’a cessé de lancer des polémiques stériles à chaque séjour dans notre île.
Cela a d’abord été la question de la dotation de continuité territoriale. Lors de sa dernière visite le 29 août dernier, Yves Jégo prétendait encore que 9 millions d’euros n’auraient pas été utilisés. Alors que d’une part, la Région a démontré que tous les crédits versés ont servi à faire voyager des dizaines de milliers de Réunionnais, et que d’autre part, la Région n’a toujours pas reçu les crédits 2008 de la dotation de continuité territoriale, votés par le Parlement en 2007. Un recours a été déposé par la Région pour clarifier la situation.

Des polémiques stériles permanentes

Cela a été ensuite la polémique autour des 3.000 emplois soi-disant non pourvus du fait d’un manque d’adéquation entre la politique de formation et le marché de l’emploi, une fois de plus, Yves Jégo s’attaque à la Région. Cette prise de position venait en réponse à une question de la députée Huguette Bello au gouvernement sur le sujet de la baisse du nombre des emplois-aidés financés par l’Etat.
Le 29 août dernier, Yves Jégo maintenait cette position, alors que les Réunionnais ont pu vérifier que ces emplois n’existaient pas.
Enfin, lors de son avant-dernière visite, Yves Jégo avait demandé la suppression de l’octroi de mer sur les produits de première nécessité. Lors d’une conférence de presse une semaine plus tard, la Région rappelait que depuis 20 ans, l’octroi de mer sur ces produits n’existe plus.
Cela n’a pas empêché Yves Jégo d’aller encore plus loin le 29 août dernier, en affirmant que « l’octroi de mer ne perdurera pas ». C’est bien la première fois que l’on voit un membre du gouvernement prendre une telle position, sans rien dire sur les conséquences pour La Réunion d’une telle suppression.
Cette attitude est donc pour le moins singulière.
Quelle que soit la tendance politique affichée par le gouvernement, on avait toujours eu trois types de comportement de la part des secrétaire d’Etat à l’Outre-mer.
Soit la tendance aliénante, sur le ton de "je vous aime tous, papa est là". Soit les attaques contre des responsables locaux sur la base d’arguments politiques en lien avec les compétences de ce ministère. Soit des secrétaires d’Etat près à jouer le jeu du partenariat institutionnel entre Paris et les collectivités locales.

Quel partenariat avec l’Etat ?

Mais le style d’Yves Jégo est en rupture avec celui de ses prédécesseurs.
La Réunion a vécu plus de trois siècles sous le régime colonial. Malgré l’érection du département le 19 mars 1946, la pratique coloniale a perduré. Les Réunionnais ont donc une longue expérience de cette pratique. On la voit resurgir aujourd’hui sous une forme moderne.
Au lieu de rechercher le partenariat avec les autorités élues par les Réunionnais, il cherche à imposer. C’est la négation même de la responsabilité mise en avant dans la décentralisation.
Lors des dernières élections, les Réunionnais se sont clairement positionnés en faveur d’un partenariat institutionnel au service de l’intérêt général de leur pays. A l’échelon local, ce partenariat se met en place entre les collectivités. Il est donc important que l’Etat joue le jeu à son niveau de compétences, pour accompagner le développement de La Réunion.

M.M.

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