2004 : Une année à records

2005 : l’année de tous les dangers ?

22 décembre 2004

Devant un bilan de campagne encourageant - en tonnage et en richesse, la filière ’récolte le fruit de ses efforts’ - les industriels du sucre abordent 2005 avec une vigilance et un moral consolidés. Ils vont en avoir besoin. Une ’année charnière’ les attend sur tous les plans : local, européen et mondial.

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La campagne sucrière 2004 a donné satisfaction aux acteurs de la filière canne-sucre : 1.968.891 tonnes de cannes broyées, plus de 221.000 tonnes de sucre en chiffres provisoires, d’une richesse moyenne de 14,14%.
Dans les cinq bassins canniers, les professionnels ont des raisons de penser que la filière récolte les fruits de ses efforts. Pour le tonnage, il faut remonter à 1992 (1.972.699 tonnes) pour approcher un tel résultat et sur le plan de la richesse, le secteur du Gol atteint une richesse moyenne de 14,72%, la meilleure depuis dix ans. En production de sucre, c’est aussi la meilleure année depuis douze ans.
Les sucriers, qui ont investi fortement ces trois dernières années pour mettre la filière en situation de relever les défis qui l’attendent, trouvent dans ces résultats - certes variables par secteurs - un encouragement aux efforts consentis. Ils estiment avoir fait la preuve que les deux grands centres sucriers, Bois-Rouge et Le Gol, peuvent se répartir de façon équilibrée le traitement d’un tonnage de cannes en augmentation, qui garde le cap des 2,5 millions de tonnes de cannes.

Cette année, Bois-Rouge a traité 980.712 tonnes, Le Gol, 988.179, soit une augmentation entre 2% et 3% par rapport à l’an dernier. Localement, les centres de réception de Ravine-Glissante (plus de 112.000 tonnes) et Langevin-Baril (plus de 166.000 tonnes) atteignent un record “historique”.

Absence de cyclone et stabilisation du foncier

À Stella et Vue-Belle/Tamarins, l’augmentation tendancielle se poursuit, dans un secteur nouvellement irrigué et qui a connu d’importantes replantations, dont les effets ne peuvent être mesurés dès la première année.
D’une façon générale, dans l’Ouest, "la comparaison des moyennes de tonnages 1994-2003 et 2003-2004 montre que l’irrigation porte ses fruits", a résumé Bernard Pétin, directeur général de Sucrière de La Réunion.
C’est aussi une très bonne année pour la production de sucre, la meilleure depuis 1992, avec un record historique pour l’usine du Gol (plus de 114.000 tonnes de sucre), dont la meilleure production remontait à 1996. L’usine de Bois-Rouge a produit cette année près de 107.000 tonnes de sucre. Ces résultats sont dus à l’absence de cyclone et à des conditions météorologiques globalement satisfaisantes.
Ils sont aussi le résultat "d’actions de terrains" entreprises par la filière pour apporter l’eau là où elle fait défaut, stabiliser les surfaces plantées en cannes et améliorer les variétés de cannes. La reprise des replantations est le signe que les incertitudes lisibles chez les planteurs ces dernières années ne sont plus de mise.
Ils ont aujourd’hui "moins de réticences" note Guy Dupont, des Sucreries de Bois-Rouge. La mise au point d’une nouvelle variété (la R 580) est un des facteurs agronomiques dans la remontée de la confiance. La stabilisation du foncier, au seuil d’une année 2005 qui va multiplier les rendez-vous pour la révision ou l’établissement des documents publics d’urbanisme (Schéma d’aménagement régional, Schémas de cohésion territoriale et Plans locaux d’urbanisme) est un autre facteur encourageant pour une filière qui, récemment encore, perdait chaque année plusieurs centaines d’hectares plantés en cannes.

Conscience collective : un atout

Enfin, les relations à l’intérieur de la filière entre "des acteurs partageant le même objectif" laissent penser que le dialogue engagé dans les instances paritaires et avec les partenaires sociaux, ainsi qu’avec les élus et divers décideurs, ont fait émerger une conscience collective qui est un atout à différents niveaux.
"Si nous arrivons à faire surface dans un contexte difficile, pour les années à venir, ce sera tous ensemble ou pas du tout", a exprimé Guy Dupont à ce sujet. Cette conscience collective s’étend aussi dans la population réunionnaise, d’après les usiniers, qui ont comptabilisé plus de 14.500 visiteurs dans l’usine de Bois-Rouge cette année : l’immense majorité sont des Réunionnais venus "à la découverte d’une grande richesse industrielle, appréciée pour la qualité de ses outils et la maîtrise d’un savoir-faire", ajoutent les industriels, conscients pour leur part d’être "dans le peloton de tête mondial des industries sucrières".

Ces motifs de satisfaction n’amènent pas les industriels à se laisser aller. L’heure est à la mobilisation, a rappelé Xavier Thiéblin, de Sucrière de La Réunion. "Si 2004 a été une année record pour le tonnage à l’hectare et pour la progression du rendement en sucre par hectare, cela tombe bien dans les discussions avec Bruxelles", a-t-il dit en présentant 2005 comme une "année charnière", dont Jean-François Moser, délégué général de Bois-Rouge, a rappelé les grands rendez-vous, en évoquant "une détente dans le calendrier depuis septembre et une tension sur les enjeux".
L’Union européenne a dû renoncer à faire passer en force, dès juillet 2005, sa réforme de l’OCM-sucre, renvoyant l’échéance au 1er juillet 2006.

Demande de compensation intégrale

La nouvelle commissaire pour l’Agriculture, la Danoise Mariann Fischer Boel, attend pour mars-avril 2005 la décision en appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et va devoir faire face aux inquiétudes exprimées par les nouveaux entrants dans l’Union : sept sur dix sont des pays producteurs de betterave, chez lesquels des décisions trop brutales provoqueraient des remous politiques difficiles à contrôler.
Jean-François Moser a fait valoir que parmi les 21 pays producteurs de sucre de l’Union, tous n’ont pas - loin s’en faut - mis autant d’organisation dans leurs arguments que ne l’ont fait les acteurs de la filière réunionnaise, unie dans l’élaboration et la présentation de son Memorandum, remis en septembre dernier au ministre de l’Agriculture Hervé Gaymard, qui a, depuis, laissé ce portefeuille à Dominique Bussereau pour passer au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

Tout en mesurant ses atouts, La Réunion sait qu’elle va avoir affaire à forte partie dans la reprise des négociations avec Bruxelles, au cours du deuxième semestre de l’année prochaine. Les usiniers sont sur la ligne d’une demande de compensation intégrale, quel que soit le niveau de baisse du prix du sucre et pensent avoir "sélectionné les arguments comparatifs les meilleurs", a poursuivi le délégué général de Bois-Rouge. Arrivera un moment où "il faudra mettre des euros en face des arguments", a complété Xavier Thiéblin.

P. David


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