A peine 1,4 million de tonnes de cannes prévues pour la récolte 2024 à La Réunion

Baisse de près de 2000 hectares des plantations de canne à sucre entre 2019 et 2023

17 juillet, par Manuel Marchal

Une étude du Service statistiques du ministère de l’Agriculture indique qu’à La Réunion, la superficie plantée en cannes à sucre a baissé de près de 2000 hectares, soit 10 %, en 4 ans entre 2019 et 2023. Plusieurs centaines d’agriculteurs ont cessé leur activité, arrêté de planter de la canne à sucre ou diminué la surface en canne de l’exploitation. La faiblesse des rendements par rapport à la stratégie de la filière explique ces abandons qui concernent surtout les petites exploitations en polyculture élevage, base du modèle agricole réunionnais. Depuis la fin du quota sucrier en 2017, l’avenir de la filière canne-sucre-alcools-énergie dépend de la stratégie de l’industriel Tereos.

Le 11 juillet dernier a commencé la campagne sucrière 2024 à La Réunion. La récolte de cannes à sucre est estimée à 1,4 million de tonnes. C’est une valeur historiquement très basse. Ces 1,4 million de tonnes sont le résultat des deux récoltes précédentes de canne à sucre. Auparavant, la moyenne se situait entre 1,7 et 1,8 million de tonnes, bien loin des plus de 2 millions qui étaient la norme voici une cinquantaine d’années.
Le sucre est le principal produit en valeur de la canne à sucre cultivée par plus de 2000 planteurs à La Réunion. Depuis 2017, le sucre réunionnais n’est plus protégé par un quota et un prix d’intervention garanti. Il est confronté à la concurrence mondiale en Europe, son lieu d’exportation.
La suppression du quota a été décidé par la majorité des ministres de l’Agriculture européens en 2013. Le ministre français avait voté pour. Après ce vote, Dacian Ciolos, Commissaire européen à l’Agriculture, était en visite à La Réunion pour expliquer les conséquences de cette réforme.
L’avenir de la filière dépendra de la stratégie de l’industriel, avait-il dit. Sur cette base, la chute de la production est donc liée aux choix de la seule entreprise qui est propriétaire de l’industrie de transformation de la canne à sucre, et de la vente de ses produits.

Baisse de près de 2000 hectares de la surface plantée en canne à sucre

Comment expliquer cette chute de la production ? Une étude d’AGRESTE, le Service statistiques du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, apporte un élément de réponse. En juin 2024, AGRESTE a publié une étude sur l’évolution des surfaces cultivées en cannes à sucre déclarées à la PAC. Cette étude s’intitule « Analyse des exploitations qui réduisent leurs surfaces ou arrêtent de déclarer de la canne entre 2019 et 2023 ». Voici son introduction :

« Entre 2019 et 2023, plus de 1 100 exploitations ont réduit leurs surfaces en canne ou arrêté d’en déclarer au titre de la PAC, représentant une baisse totale cumulée de 1 900 ha. Elles peuvent être regroupées en quatre catégories. 527 planteurs continuent de produire de la canne, et ont réduit leurs surfaces déclarées. 58 autres planteurs ont arrêté la canne mais continuent de déclarer d’autres productions. Pour ces deux catégories, il s’agit d’exploitations diversifiées, dont 67 % des chefs d’exploitations avaient moins de 55 ans en 2020. »
« La faiblesse des rendements est un facteur qui explique en partie le phénomène. 342 planteurs ont cessé leur activité et transmis tout ou partie de leurs surfaces productives à un repreneur. Ils sont plus âgés, 79 % avaient plus de 55 ans en 2020. Il s’agit d’exploitations majoritairement spécialisées à 100 % en canne, avec des rendements plus élevés. Un dernier groupe, constitué de 201 planteurs, ne déclare plus de surfaces. Ces parcelles ne sont déclarées par aucun agriculteur. Il s’agit principalement de petites exploitations cannières ayant une faible productivité. 58 % d’entre elles avaient un rendement inférieur à 50 t/ha en 2020. »

La moitié des planteurs concernés par la baisse de surface cannière

Ces 2000 hectares représentent au moins 100 000 tonnes de cannes à sucre. La surface plantée en cannes à sucre a baissé de 10 % en 4 ans.
L’étude montre également une conséquence de la course à la productivité. Plus de la moitié des exploitations qui ont abandonné la canne à sucre avaient un rendement inférieur à 50 tonnes par hectare. Un tel rendement serait pourtant envié par nombre de pays d’Afrique qui se sont lancés dans la culture de la canne à sucre. Mais à La Réunion, c’est insuffisant.
Ce sont de petites exploitations agricoles familiales de polyculture élevage qui sont concernées à 67 % par la baisse de leur surface en canne à sucre. Or, c’est précisément ce modèle d’exploitation qui a été privilégié au moment de la réforme agraire pilotée par la SAFER. Les grandes plantations furent découpées en petites exploitations familiales d’environ 5 hectares. A l’époque, cette surface était jugée suffisante pour que la famille d’un agriculteur puisse vivre dignement. Cela n’est plus le cas.
La crise est générale car la baisse de la surface cultivée en cannes à sucre touche la moitié des exploitations qui livrent la totalité de leur récolte à l’industriel Tereos.

Quel impact sur la production vivrière ?

Une conséquence est donc une diminution du nombre d’exploitations. Cela entraîne une plus forte concentration du foncier, et l’abandon de terres jugées pas assez productives pour la stratégie de l’industrie sucrière.
La diminution des surfaces plantées interroge. Quelles sont les conséquences sur la production vivrière à développer afin d’aller vers la souveraineté alimentaire de La Réunion ?
Le résultat de cette étude rappelle donc l’accélération de la crise dans la filière canne-sucre-alcools-énergie. La faiblesse du prix de la canne payé par l’industriel cause un manque de trésorerie. Cela ne permet pas de préparer sereinement la récolte de cannes à sucre car les moyens manquent pour assurer un rendement optimal.
D’où l’importance de remise à plat de la filière, en termes de gouvernance et de transparence sur les profits tirés de la canne à sucre des planteurs.

M.M. 

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