La recherche variétale ne doit pas faire oublier l’essentiel

Le revenu du planteur au cœur de la crise de la filière canne-sucre-alcools-énergie

3 septembre 2024, par Manuel Marchal

Depuis plus de 20 ans, l’industriel qui achète la totalité de la canne à sucre récoltée par les planteurs la paie à un prix qui n’a quasiment pas bougé. Ce sont les aides publiques de l’État et de l’Union européenne qui compensent la hausse du coût de production, pas l’acheteur. Dans ces conditions, comment s’étonner de la diminution de la superficie plantée en cannes et du nombre de planteurs. La création de nouvelles variétés plus productives ne doit pas faire oublier l’essentiel : le planteur doit vivre dignement de son travail en vendant son produit à un juste prix.

En 2022, l’industriel Tereos était l’unique responsable du retard pris dans la négociation de la Convention canne, document qui fixe le prix de vente de la canne à sucre des planteurs. Tereos est le seul acheteur des cannes plantées à La Réunion. Il est donc en monopole. Et pour lui, pas question d’augmenter un prix qui n’a pas changé depuis plus de 20 ans. Ce prix repose sur une formule de calcul qui date d’une époque où les pratiques culturales, la coupe et le rendement de l’industrie étaient bien différents d’aujourd’hui.
La CGPER mène la bataille pour remettre en cause cette formule de calcul source de bien des problèmes pour les planteurs. En effet, elle permet à l’industriel de payer quasiment à l’identique sa matière première. La hausse du coût de production est prise en charge par l’État et l’Union européenne.

La masse livrée augmente, le revenu diminue

La volonté de produire plus d’électricité à partir de la canne des planteurs a encore compliqué les choses. Ces nouvelles variétés contiennent plus de fibres pour plus d’énergie, mais ont un taux de sucre moins élevé. La quantité de sucre reste la même voire est supérieure, mais la masse livrée a beaucoup augmenté. Ainsi, l’industriel peut acquérir sa matière première encore meilleur marché.
La sécheresse qui s’installe fait baisser les rendements. Le coût de l’irrigation augmente. Celui des intrants connaît la même tendance. Dans ces conditions, les aides publiques servent juste à compenser. Mais le pouvoir d’achat du planteur n’augmente pas, bien au contraire.
Il n’est pas étonnant que ces conditions favorisent la diminution du nombre de planteurs et des surfaces plantées en cannes. Cela va à l’encontre de la volonté des pouvoirs publics de relancer la production dans la filière canne-sucre-alcools-énergie.
Pour remédier à cette situation, la transparence sur les profits tirés de la canne à sucre doit être faite. Ce qui est présenté par Tereos lors des négociations est loin d’être suffisant. Combien rapportent les valorisations tirées d’une tonne de canne à sucre ?

Sans planteur, pas de canne à sucre et donc pas de profit

Ensuite, il importe que le planteur soit le principal bénéficiaire de ces valorisations. En effet, sans planteur, pas de canne à sucre et donc pas de profit.
Autrement dit, une remise à plat est nécessaire. Comme tout professionnel, un planteur doit pouvoir vivre dignement de sa production. Son acheteur doit payer le juste prix, qui intègre la hausse du coût de production. L’intervention des pouvoirs publics serait alors ponctuelle et ne constituerait plus la majorité du revenu des planteurs.
C’est pourquoi la communication autour de nouvelles variétés plus productives ne doit pas faire oublier l’essentiel : la crise de la filière découle d’une répartition opaque et donc injuste des profits tirés d’une production réunionnaise.

M.M.

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