5 ans après la fin du quota

Baisse des revenus des planteurs de canne à sucre à Maurice

11 avril 2014

Les planteurs de Maurice n’ont plus de quota depuis seulement 5 ans. Ils voient leurs revenus baisser à cause d’une stratégie européenne tendant à privilégier les intérêts des planteurs de betteraves.

Depuis 2009, les planteurs de Maurice n’ont plus de quota et donc de prix garanti sur le marché européen. Pour sauver l’essentiel, ils ont profondément réformé leur industrie sucrière, à la suite d’un débat national. L’année 2009 a marqué également l’entrée en vigueur pour le sucre de l’initiative de l’Union européenne « Tout sauf les armes ». Cette dernière offre aux pays classés dans le groupe dit « les moins avancés » d’exporter tout le sucre qu’ils produisent sans quota ni droit de douane. Dans ce groupe figure notamment des États au riche potentiel : Madagascar, toute l’Afrique australe sauf l’Afrique du Sud, le Soudan, l’Ethiopie et une grande partie de l’Afrique de l’Ouest. Devant cette concurrence qui va finir par structurer ses filières, les Mauriciens ont décidé la rupture. Ils n’exportent plus le sucre roux en vrac, et convertissent leur industrie à la production de sucre blanc, au prix plus élevé que le sucre roux. Pour cela, ils ont modernisé les usines en concentrant la production. Ils ont également construit des raffineries pour garder sur place un maximum de valeur ajouté. Pour renforcer encore la filière, il est décidé que les planteurs de canne soient des actionnaires des nouveaux outils de production.

Plusieurs années de préparation ont donc été nécessaires. Et au final, les industriels mauriciens ont conclu un contrat avec Südzucker, premier producteur européen de sucre. Le prix obtenu permettait de préserver l’essentiel. C’est ainsi que Maurice a réussi à sauver son industrie sucrière, malgré la fin du quota.

Tout comme Tereos, Südzucker est à l’origine une coopérative de planteurs de betteraves. À la différence de La Réunion, les Mauriciens n’ont pas vendus leurs usines aux betteraviers. Mais ils dépendent de ces derniers pour ce qui concerne le débouché de la production.

Or, l’évolution à la baisse du prix du sucre blanc est à l’origine d’une renégociation à la baisse du prix de la canne à sucre payé par Südzucker. C’est ce que révèle un article publié le 8 avril par "le Mauricien" La tonne de sucre payée au planteur voit son prix chuter de 50 euros.

Cette évolution peut perdurer, car l’Europe peut privilégier les planteurs de betteraves, estime-t-on à Maurice. D’où l’idée de rechercher de nouveaux débouchés en Chine ou en Inde.

Les planteurs de Maurice paient donc les conséquences de la stratégie européenne, qui vise à défendre d’abord les intérêts des planteurs de betteraves. Les planteurs réunionnais sont prévenus, voilà ce qui peut leur arriver s’ils ne sont pas les maîtres de la stratégie de la filière canne réunionnaise.

 M.M. 

Extraits de l’article du "Mauricien"


La communauté des planteurs de cannes et l’ensemble des producteurs sucriers, qui tentent encore d’évaluer les retombées négatives de l’échéance 2017 sur le marché sucrier en Europe, ont essuyé un premier coup dur. En effet, le Syndicat des Sucres, organisme responsable du marketing de la production sucrière locale, a confirmé une réduction de son estimation du prix de la tonne de sucre aux planteurs pour la récolte de 2013 : [525 euros] la tonne contre [576 euros] pour la récolte de l’année précédente. Le manque à gagner pour l’ensemble de l’industrie sucrière est évalué préliminairement à quelques [19,6 millions d’euros].

Cette réduction du prix de la tonne de sucre aux planteurs intervient au lendemain d’un dernier round de négociations entre la direction générale du Syndicat des Sucres et le groupe sucrier européen Südzucker. Très peu de détails ont transpiré de ces consultations de haut niveau, qui se sont déroulées à Dubaï récemment et non en Allemagne où se trouve le siège de ce conglomérat.

Au sein de la communauté des planteurs, l’annonce de cette baisse de prix a créé un véritable désarroi compte tenu de la promesse par Südzucker d’un Frontloading de [26,2 millions d’euros], démarche qui ne s’est nullement matérialisée jusqu’ici. « Au lieu d’obtenir une avance de [26,2 millions d’euros], nous nous retrouvons aujourd’hui avec un trou d’un peu plus de [19,6 millions d’euros] dans nos recettes. À ce stade, malgré les assurances du Syndicat des Sucres, nous sommes à même de nous poser des questions au sujet de l’avenir des planteurs de cannes avec la date butoir de 2017 et l’élimination des quotas d’exportation en Europe. Eski vre mem, nou pou bizin al rass cannes pou plante fatak pou viv ? » s’est demandé un animateur des associations de planteurs, jusqu’ici plutôt sympathique aux thèses défendues par le Syndicat des Sucres par rapport à l’évolution de la situation sur le marché sucrier européen.

Dans un communiqué émis aujourd’hui, le Syndicat des Sucres soutient avoir révisé à la baisse l’estimation du prix de la tonne de sucre (…) Pour justifier cette décision, le rapport officiel de la Commission européenne, publié en février dernier, sur l’évolution des prix en Europe, est pris à témoin. « (Dans le rapport de février), la moyenne des prix obtenus pour le sucre blanc raffiné livré ex-usine était de 629 euros la tonne. En mai 2013, lors le Syndicat des Sucres avait établi sa première estimation, ce prix était de 725 euros la tonne. Cela indique qu’il y a eu une baisse conséquente de 96 euros par tonne de sucre, soit de plus de 13 % sur une période de neuf mois », indique le communiqué officiel.

Dans un autre ordre d’idées, le Syndicat des Sucres souligne que « les prix ont commencé à baisser à partir de janvier 2013. Une chute plus accentuée était ressentie au cours du dernier trimestre de 2013 ». Deux facteurs sont mis en avant pour expliquer la tendance baissière du prix du sucre, en l’occurrence « les mesures spéciales prises par la Commission européenne en 2013 afin d’augmenter la disponibilité du sucre sur le marché de l’Union européenne avec une quantité additionnelle de 1,2 million de tonnes de sucre ainsi mise sur le marché et la baisse significative des cours mondiaux du sucre durant la même période ».

Dans la conjoncture, l’une des principales craintes entretenues au sein de la communauté des planteurs de cannes et de producteurs sucriers porte sur le déplacement du sucre produit à partir de la canne au profit de la betterave sur le marché rémunérateur en Europe. C’est ce qui explique des initiatives envisagées par le Syndicat des Sucres d’aller sonder du côté du vaste marché de la République populaire de Chine ou encore de l’Inde pour écouler la production sucrière locale.

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