Baisse du prix et déconnexion

27 mai 2004

Lors du passage du ministre Michel Barnier à la Plate-forme des Tamarins, ce dernier, répondant aux interpellations des planteurs, de la CGPER notamment, a indiqué que la voie à suivre, selon lui, pour maintenir la multifonctionnalité de la filière canne/sucre de La Réunion
est "d’obtenir pour la production sucrière le traitement différencié, adapté à notre spécificité" en demandant notamment pour le sucre "ce qui a été obtenu pour la PAC".
C’est vers un traitement différencié que s’oriente la réflexion des professionnels de la filière, qui, pour la plupart refusent de se poser la question de savoir jusqu’où accompagner une baisse du prix de la canne. "On a déjà du mal à équilibrer nos comptes... et il ne serait pas juste de demander la compensation par une augmentation des aides nationales" estime sur ce point le président de la SAFER, Jean-Pierre Avril.
Selon les scénarii étudiés à Bruxelles, dont certains ont été présentés à la profession lors de la dernière Commission paritaire de la canne et du sucre (CPCS) du 22 avril dernier, le niveau retenu pour le prix garanti va conditionner une baisse de la production plus ou moins importante (voir encadré).

“Anticipation vertueuse”

Une dépêche européenne parue lundi signalait que le commissaire à l’agriculture, M. Fischler, oriente les négociations en cours vers la baisse maximale. "Les producteurs de sucre européens vont probablement subir très prochainement une baisse généralisée des prix à la production au vu des propositions de réforme du secteur avancées par la Commission européenne. (...) Le commissaire autrichien estime que cette réduction fera passer le prix de la tonne de sucre dans une fourchette de 400 et 450 euros, un montant qui ne permettrait qu’à la France de maintenir une économie sucrière viable", commentait Eupolitix, le 24 mai dernier.
Cette orientation est en grande partie dictée par le contentieux sur le sucre européen ouvert devant l’OMC, dont la deuxième audience a eu lieu les 11 et 12 mai dernier à Genève. C’est du moins l’hypothèse que défend par exemple le directeur général de Bois-Rouge, Jean-François Moser, qui voit deux raisons significatives à l’hypothèse avancée. "Cela place l’UE en situation “d’anticipation vertueuse” d’une éventuelle condamnation par l’ORD (l’organe de régulation des contentieux à l’OMC - NDLR), faisant d’elle une “bonne élève” avant l’heure ; et deuxièmement cela accentue la menace pour les ACP et PMA, renforçant ainsi le soutien de ces pays pour la philosophie du régime sucrier européen actuel".
Pour le président de la SAFER, seul un “tir groupé” peut permettre de faire valoir une solution viable, qu’il met dans "la dissociation entre l’application de la réforme de l’OMC et la question du sucre dans les DOM et les RUP". Des solutions similaires ont été retenues dans la nouvelle Politique agricole commune (PAC), avec le découplage des aides au volume étalé sur plusieurs années. La faiblesse de la production sucrière réunionnaise (ou même des RUP) par rapport aux tonnages européens accentue la conviction des acteurs de la filière d’aller vers la déconnexion.

P. David


Les simulations européennes

Le niveau de production européen dans l’Europe des Quinze s’établit à 17,5 millions de tonnes de sucre, produites par quatorze pays membres sur quinze. Avec l’élargissement, sept des dix nouveaux pays membres sont producteurs de sucre de betterave, portant à vingt-et-un le nombre potentiel des pays membres producteurs de sucre dans l’UE. Les simulations faites retiennent quatre niveaux de prix - à 625 euros, 525, 475 et 450 euros la tonne de sucre - et observent quels sont à chaque fois les pays qui maintiennent leur production de sucre. Dans l’hypothèse la plus haute, il n’y a déjà plus que 18 pays producteurs sur 25 (pour une production de 18,5 millions de tonnes) ; à l’échelon inférieur suivant, il ne sont plus que onze (à 17 millions de tonnes), puis six (à 14 millions de tonnes). Et dans l’hypothèse la plus basse, seule la France maintient sa production, poussée à 8 millions de tonnes.


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