Ce que La Réunion apporte à Tereos -1-

Canne à sucre : l’argent des subventions pour La Réunion et les bénéfices de Tereos

24 juin 2017, par Manuel Marchal

Tereos a publié mercredi ces résultats annuels. Le propriétaire des usines sucrières de La Réunion est un groupe international avec des implantations notamment dans plusieurs pays européens, au Brésil, en Tanzanie et au Mozambique. Tereos affirme avoir de bons résultats, avec un résultat net de 107 millions d’euros. Manifestement, les subventions reçues par Tereos pour sa filiale à La Réunion pèsent de manière décisive dans ce résultat. Mais Tereos ne compte pas encore satisfaire les revendications des planteurs qui demandent que la canne à sucre soit valorisée au même prix que la betterave.

Les deux usines de La Réunion permettent à Tereos de toucher d’importantes subventions. Quelle part dans les résultats du groupe ?

Depuis plusieurs semaines, les planteurs sont entrés dans l’action à la suite du blocage des discussions sur le nouveau prix de la canne à sucre à La Réunion. La Convention canne prévoit en effet que les discussions pour les campagnes 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021 se fassent dans ce cadre :

« Dans le cadre du bilan d’étape et du travail préparatoire engagé dès 2016, les orientations pour les années ultérieures seront définies par le Comité paritaire interprofessionnel de la canne et du sucre. Une réflexion sera notamment engagée sur la base d’un travail d’analyse objectivée de la situation des planteurs et des sucreries afin d’assurer, avec le concours de l’État et de l’Union européenne, partenaires historiques de la filière, à la fois la pérennité et la rémunération des planteurs et de la compétitivité des sucreries, en ajustant les conditions économiques et financières ».

28 millions d’euros de plus garantis

Depuis la signature de ce texte en juin 2015 en présence de Manuel Valls, Premier ministre, un nouvel élément est entré en jeu. Au mois de décembre dernier, la Commission européenne a autorisé la France à verser une aide supplémentaire de 38 millions d’euros aux filières canne-sucre des Outre-mer. Cette aide vise à compenser la différence de coût de production entre le sucre blanc produit à partir de betteraves cultivées en Europe, et le sucre blanc obtenu à partir de canne à sucre plantées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Cette compensation est un effet de l’abolition des quotas sucriers et par conséquent du prix garanti versé par l’Europe pour acheter le sucre invendu. Elle a été obtenue grâce à la mobilisation de tous les acteurs de la filière, notamment des planteurs.

Dans son décret du 10 mai dernier, le gouvernement a décidé de verser aux industriels la totalité de cette somme. À La Réunion, Tereos bénéficie donc de 28 millions d’euros d’argent public en plus, et cela jusqu’en 2020.

Les planteurs estiment qu’avec ce bonus, Tereos a les moyens de financer une augmentation de 6 euros du prix de référence de la tonne de canne. Car en déduisant les subventions, ils ont calculé que l’industriel paie 18 euros la tonne, soit 6 euros de moins que la tonne de betterave sucrière.

D’importants bénéfices

Pour s’opposer à cette revendication, Tereos affirme qu’une telle augmentation n’est pas supportable. Les résultats annuels publiés par Tereos viennent contredire cette affirmation. C’est le point de vue du syndicat Jeunes Agriculteurs de La Réunion. Dans un communiqué diffusé hier, JA constate que Tereos ne cesse d’augmenter ses bénéfices :

« Le syndicat de Jeunes Agriculteurs de La Réunion dénonce avec la plus grande fermeté le mépris de TEREOS envers les planteurs de cannes de l’île de la Réunion.

En effet alors que les négociations sur le prix de la canne s’enlisent, les dirigeants du groupe international ont convoqué la presse ce mercredi 22 juin pour communiquer sur les bons résultats que réalise le groupe. Pour rappel sur l’exercice 2016-2017 TEREOS a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 15 % qui s’établit à 4,8 milliards d’euros et un résultat net de 107 millions d’euros, ils n’hésitent d’ailleurs pas à annoncer un résultat encore meilleur pour la campagne en cours. (sources agrodistribution.fr, lafranceagricole.fr, lesechos.fr)

Combien de campagnes sucrières pourront nous supporter d’être encore considéré comme les parias de la filière sucre française ?

Dans une île qui a traversé l’esclavage des chaines et du fouet, les planteurs se révoltent aujourd’hui contre une nouvelle forme d’asservissement, cet esclavage économique qui fait que ce sont ceux qui n’ont jamais tenu le sabre à canne qui imposent leur volonté et ne laissent aucun choix à plus de 3000 familles qui cultivent cette plante depuis plusieurs générations.

Nous demandons rien de plus qu’une égalité totale avec nos collègues betteraviers. Oui monsieur Duval, La Réunion est française même si elle est plus proche de vos champs de Tanzanie et du Mozambique.

Nous nous battrons jusqu’au bout pour que cette filière ait un avenir et cela passe obligatoirement par une juste répartition des richesses de la canne et du sucre réunionnais. »

La Réunion : une rente ?

Tereos a donc obtenu un résultat net de 107 millions d’euros l’an dernier. Or, les planteurs indiquent qu’avec la nouvelle subvention versée par l’État, Tereos reçoit pour La Réunion 110 millions d’aides publiques. Un simple calcul permet de constater que sans les aides de l’État, le bénéfice de Tereos serait beaucoup moins important. Cela amène donc à s’interroger. La Réunion n’est-elle pas la vache à lait de Tereos, lui permettant grâce à des subventions de se renforcer ailleurs dans le monde ?

Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’en devenant propriétaire des usines sucrières de La Réunion, Tereos a pris également le contrôle de R’Canne, le centre de recherche sur la canne à sucre. C’est une base d’expérimentation pour de nouvelles variétés de canne à sucre. Une fois mises au point, elles peuvent être diffusées partout, notamment au Brésil, en Tanzanie et au Mozambique où Tereos exploite des usines sucrières et des plantations.

La publication des résultats annuels de Tereos est une nouvelle raison d’exiger la transparence. Il est urgent de mettre sur la table des chiffres, et de savoir combien La Réunion rapporte chaque année à Tereos.

(à suivre)

M.M.

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