Campagne sucrière 2007 : à peine 1,5 million de tonnes de cannes livrées

Canne à sucre : l’usinier s’en sort beaucoup mieux que le planteur

26 novembre 2007, par Manuel Marchal

Avec 1,5 million de tonnes et une richesse moyenne prévue de 13,69, la campagne sucrière qui va s’achever est la plus mauvaise depuis de nombreuses années. Force est de constater que les plus grands perdants seront les planteurs car l’usinier pourra toujours tirer parti des progrès technologique et de l’évolution du marché pour valoriser la totalité des produits de la canne. C’est une marge de manoeuvre dont ne dispose pas le planteur en cas de mauvaise récolte.

Livraison à l’usine de Bois-Rouge.
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Jeudi dernier, lors d’une conférence de presse, la sonnette d’alarme a de nouveau été tirée. La campagne sucrière 2007 s’annonce comme la pire depuis des décennies : 1,5 million de tonnes avec une richesse moyenne de 13,69. Selon cette estimation, le tonnage récolté est le plus mauvais depuis au moins 30 ans.
Sur cette base, voici approximativement ce que les usiniers verseront aux planteurs, en considérant une récolte maximale de 1,5 million de tonnes pour une richesse de 13,69.
La richesse de base est de 13,8. Pour une tonne de canne remplissant cette condition, l’usinier verse 39,09 euros. Dans le cas où la richesse s’écarte de 13,8, l’usinier applique un coefficient de bonification-raréfaction égal à (R-5,8)/8 où R est la richesse de l’échantillon représentatif livré par le planteur. La richesse moyenne étant de 13,69, le calcul du prix de la tonne de canne est donc de 39,09x[(13,69-5,8)/8], soit 38,55 euros. En supposant que la richesse est uniforme sur toute la récolte, cela donne 57.828.7687 euros.
L’usinier doit aussi verser au planteur une prime bagasse. Si la récolte ne dépasse pas 1,5 million de tonnes, il ne paie rien.
A cela s’ajoute une prime de soutien répartie entre les planteurs qui cultivent la canne dans des zones difficiles et/ou située loin des balances de livraison. Elle s’élève à 1 million d’euros.

31,5 millions d’euros de matelas de sécurité

Total approximatif versé par les usiniers aux planteurs pour une récolte maximale de 1,5 million de tonnes de canne pour une richesse de 13,69 : moins de 59 millions d’euros. C’est en tout et pour tout ce que les planteurs recevront des usiniers, et encore, une partie de cet achat de cannes est subventionné (voir encadré ci-après « A peine 20 euros pour une tonne de cannes »).
Le reste des revenus des planteurs sera composé d’aides sociales de l’État et de l’Union européenne.
Concernant les usiniers, ils toucheront cette année plusieurs aides. Ils ont droit à 31,5 millions d’euros de subvention européenne au titre de l’aide forfaitaire d’adaptation de l’industrie sucrière. Par ailleurs, ils bénéficient d’une aide au transport entre La Réunion et l’Union européenne.
Plusieurs paramètres entrant dans le prix réel payé par l’usinier sont fixes. La prime de soutien versée aux planteurs et la subvention européenne d’adaptation sont indépendantes du tonnage traité par les usines. Que 1,5 million de tonnes voire moins ou deux millions passent dans les moulins de Bois-Rouge et du Gol, l’usinier touchera toujours 31,5 millions d’euros pour cette année, 36,6 millions l’an prochain, 41,4 millions en 2009, et 44,16 millions par an à partir de 2010. C’est une sécurité qui n’est pas négligeable.
Autre paramètre fixe : mis à part le sucre et la bagasse, les planteurs touchent 0 euro par tonne livrée pour les autres produits (rhum...)
La prime de soutien versée aux planteurs situés dans les zones difficiles par les usiniers ne bouge pas, c’est un million d’euros par an. Mis à part le prix d’achat de la tonne de cannes calculé en fonction de la richesse en sucre, les planteurs touchent une prime bagasse. Plus la récolte est importante, plus la prime augmente. Elle varie de 0 à 2 euros la tonne livrée (voir encadré).
Pourtant, quel que soit le tonnage livré, la bagasse pourra toujours représenter près de 30% de la masse livrée par le planteur à l’usinier. Et si le prix de rachat payé par EDF à l’usinier augmente, celui de la prime bagasse ne change pas.

La marge de manoeuvre de l’usinier

Autrement dit, en cas de mauvaise récolte, comme c’est le cas cette année, le planteur reçoit de la part de l’usinier (subvention aux industriels comprise) à peine 38 euros.
Quant à l’usinier, il peut toujours compter sur les autres produits de la canne pour compenser une mauvaise récolte. Il vend de l’électricité produit par la bagasse à EDF, il transforme la mélasse (30 kilos par tonnes de cannes) pour fabriquer du rhum. Par ailleurs, si le progrès technologique permet à l’usinier de tirer davantage de revenus des produits de la canne, le planteur n’en tire lui aucun bénéfice. Récemment, le groupe Quartier Français a fait état d’une hausse importante de son chiffre d’affaires lié à la vente de rhum. Sur ce produit, le planteur ne touche rien.
Autrement dit, on est loin de la répartition deux tiers pour le planteur et un tiers pour l’usinier qui était en vigueur avant la signature de l’accord de 1969. Car dans ce cas de figure, tous les progrès obtenus par la recherche dans la valorisation de tous les produits de la canne étaient sans aucun doute plus équitablement répartis, tout comme les conséquences des mauvaises récoltes.

Manuel Marchal


A peine 20 euros pour une tonne de cannes

En intégrant dans le prix payé par l’usinier la prime de soutien qu’il verse aux planteurs, et la subvention d’adaptation qu’il perçoit, il s’avère que le prix réel payé par l’usinier est approximativement d’un peu plus de 18 euros la tonne de canne, sur la base d’une récolte inférieure ou égale à 1,5 million de tonnes, avec une richesse de 13,69..
Si le tonnage récolté dépasse légèrement le seuil nécessaire au versement de la prime bagasse, disons 1,550 million de tonnes, alors le prix payé par l’usinier dépasse à peine 20 euros.
En payant 20 euros pour une tonne de cannes, combien l’usinier va-t-il gagner en fabriquant du sucre ; en brûlant la bagasse, qui peut représenter jusqu’à 30% de la masse de la canne ; en valorisant la mélasse (exemple : le rhum), soit 30 kg par tonne de cannes, etc...? Sûrement davantage qu’un tiers de la valeur totale d’une tonne de cannes en tout cas.


La prime bagasse

En dessous de 1,5 million de tonnes lors d’une campagne, le planteur n’a droit à rien. Jusqu’à 1,75 million de tonnes, c’est 1,30 euro par tonne, entre 1,75 et 1,9 million de tonnes, c’est 1,80 euro la tonne. Au-delà de 1,9 million de tonnes, c’est 2 euros par tonne. Pourtant, quel que soit le tonnage livré, la bagasse pourra toujours représenter près de 30% de la masse livrée par le planteur à l’usinier.

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