Le syndicat demande l’inscription de plusieurs questions essentielles à l’ordre du jour de la rencontre du 3 octobre avec le préfet de La Réunion

CGPER et la crise de la filière canne-sucre-rhum-énergie : « inacceptable de poursuivre notre activité dans les conditions actuelles »

30 septembre

Ce 26 septembre, la CGPER a adressé un courrier au préfet, représentant de Paris à La Réunion, aux présidents de la Région et du Département et aux ministres de l’Agriculture, et des outre-mer dans la perspective d’une prochaine réunion entre l’État et les représentants de la filière canne-sucre-rhum-énergie de La Réunion, prévue le 3 octobre. La CGPER demande que la révision du calcul du prix de la canne à sucre payé par Tereos soit à l’ordre du jour, tout comme l’ouverture des discussions de la prochaine Convention canne ainsi qu’un débat plus large sur l’avenir de la filière. En effet, les planteurs traversent une crise sans précédent, avec une récolte de canne à sucre prévue cette année entre 1,2 et 1,3 million de tonnes, une chute de plus de 500 000 tonnes, alors que l’objectif du plan de relance de la production est de 1,9 million de tonnes dans 6 ans. Voici le texte de ce courrier, avec des intertitres de « Témoignages ».

« Sur la base des chiffres communiqués chaque semaine par le CTICS, nous, à la CGPER, avons le regret de constater que la campagne sucrière en cours s’annonce particulièrement mauvaise. Nos estimations prévoient un tonnage compris entre 1,2 et 1,3 million de tonnes de cannes à sucre, soit bien en deçà de l’année précédente.
Depuis quelques années, l’économie sucrière a enregistré une perte de plus de 500 000 tonnes de cannes produites. Les surfaces agricoles consacrées à cette culture sont en diminution, et le nombre de planteurs ne cesse de baisser.
Si cette tendance se confirme, nous pourrions connaître la pire campagne sucrière de l’histoire, avec des conséquences financières dramatiques pour nos exploitations agricoles. Cette situation survient malgré la mise en place d’un plan de relance en octobre 2023, censé revitaliser la filière et permettre d’atteindre l’objectif de 1,9 million de tonnes de cannes d’ici à 2030, fixé dans le cadre du Plan régional de souveraineté alimentaire signé le 10 octobre 2023.
Dans ce contexte, plusieurs questions cruciales se posent :
- Quelle vision ont l’ensemble des acteurs pour la prochaine programmation des fonds européens ?
- Quel avenir pour cette filière à moyen et long terme ?
- Quelle sera la position de Téréos si la production chute en dessous de 1,2 voire 1 million de tonnes de canne ?
- Comment les planteurs s’adapteront-ils à une production inférieure à 1 million de tonnes de canne à sucre à La Réunion ? »

« Les petites exploitations se dirigent vers l’abandon de la culture de la canne »

« Par conséquent, la réunion prévue le jeudi 3 octobre prochain en Préfecture ne doit pas se limiter à dresser un constat de l’évolution de la campagne sucrière en cours. Nous vous proposons d’aborder ces questions essentielles, car il apparaît de plus en plus évident que cette filière est en danger de disparition progressive. Les planteurs sont aujourd’hui démotivés, voire démoralisés. Les petites exploitations se dirigent vers l’abandon de la culture de la canne ou la reconversion vers des productions maraîchères ou fruitières.
Nos exploitations agricoles sont en crise financière, et des tensions alarmantes commencent à apparaître. Le risque de voir les campagnes futures gravement menacées est extrêmement élevé. Le véritable enjeu aujourd’hui réside dans la perte des revenus, particulièrement préoccupante pour les petites et moyennes exploitations, qui se trouvent dans une situation de plus en plus précaire.
Du côté de la CGPER, notre position est claire. Nous souhaitons que cette réunion soit l’occasion de poser les véritables questions pour sauver cette filière. Nous demandons, avant toute chose, d’ouvrir dès à présent des discussions pour redonner du revenu aux planteurs et assurer la viabilité de la campagne 2024, afin d’éviter des situations critiques, voire désespérées, dans nos entreprises. Dans un premier temps, nous demandons que les deux points suivants soient inscrits à l’ordre du jour de cette réunion et qu’ils fassent l’objet d’une expertise approfondie par les services du Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté Alimentaire et de la Forêt »

Changer le calcul du prix de la canne à sucre achetée par Tereos

« 1. La révision de la formule de paiement de la canne à sucre, qui date de 1984 sur la base du rapport de Mr Michel Colonna. Les usines sucrières sont bien plus performantes aujourd’hui qu’à l’époque, et l’écart technique de 5,6 points entre la richesse mesurée et la réalité, est-il encore justifié, compte tenu des investissements réalisés annuellement dans les deux usines et des nouvelles techniques d’extraction du sucre ? Cet écart pèse lourdement sur la rentabilité des exploitations agricoles.
2. Revoir le système de paiement selon le type de récolte (manuelle, mécanique avec coupeuses « pays ») en canne entière et en canne tronçonnée. Des écarts de richesse significatifs existent selon la méthode de récolte, pénalisant lourdement certaines exploitations. Il conviendrait de mettre en place une rémunération différenciée en fonction des protocoles de récolte, afin de rétablir une plus grande équité. »

« Ouverture de discussions en vue de la prochaine convention canne »

« Et dans deuxième temps, nous demandons l’ouverture de discussions en vue de la prochaine convention canne. Celle-ci devra aboutir à une rémunération plus juste, prenant en compte l’ensemble de la chaîne de valeur et assurant une meilleure répartition des bénéfices entre tous les acteurs.
Il s’agit là d’une revendication essentielle pour garantir la justice sociale au sein de la filière canne-sucre-rhum-énergie à La Réunion. Monsieur le Préfet, si ces problématiques fondamentales ne sont pas abordées lors de cette réunion sous la haute autorité de l’État, la CGPER ne pourra être tenue responsable des tensions qui en résulteraient. Nous prendrons nos responsabilités syndicales, car on ne peut pas participer à la mort précoce de la filière sans réagir. »

« Impossible de continuer à travailler dans cette filière de cette manière »

« Il est devenu impossible de continuer à travailler dans cette filière de cette manière, et nous demandons avec insistance un audit global pour examiner les voies et les moyens d’instaurer une répartition plus équitable de la richesse. Pour notre syndicat, il est inacceptable de poursuivre notre activité dans les conditions actuelles, où l’industriel ne rémunère les achats de canne des planteurs qu’à hauteur de 40,07 euros sur 103 euros (la tonne — NDLR) pour une richesse de 13,8 % en sucre. Il est légitime de s’interroger sur les conséquences d’un éventuel recul de l’État concernant la garantie de la rémunération de la production de canne à sucre à La Réunion.
Nous vous prions, Monsieur le Préfet, de prendre en compte nos revendications, afin que la canne à sucre ne devienne pas seulement une « plante culturelle et folklorique » dans les années à venir, mais reste une ressource économique viable pour La Réunion.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de nos salutations distinguées et restons à votre entière disposition pour toute précision. »

Jean-Michel Moutama,
président de la CGPER

Copie :
- Madame la Ministre de l’Agriculture, Souveraineté alimentaire et de la Forêt
- Monsieur le Ministre des Outre-Mer
- Madame la Présidente du Conseil Régional
- Monsieur le Président du Conseil Départemental

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