Cinq années pour se remettre d’une campagne désastreuse - 4 -

Créer des variétés de cannes adaptées à la situation actuelle

7 décembre 2007, par Manuel Marchal

Au-delà des facteurs climatiques, Nicolas Alaguirissamy, président de Jeunes agriculteurs, voit dans le résultat de la campagne sucrière 2007 l’influence de causes moins conjoncturelles. Il faut selon lui replanter massivement avec de nouvelles variétés plus adaptées aux contraintes climatiques et culturales actuelles et futures. Il estime également nécessaire de prendre en compte la hausse des charges de production dans le prix que le planteur reçoit quand il vend sa canne à l’usinier.

Pour Jeunes Agriculteurs, si le climat a pu avoir un impact négatif sur le résultat de la campagne 2007, cela n’explique pas tout. Nicolas Alaguirissamy, président de JA, se souvient qu’après le passage de Firinga en 1989, les planteurs n’étaient pas autant dans la détresse. Pourtant, Firinga avait cassé les cannes.
Une première raison pour expliquer la récolte catastrophique de cette année est liée à la variété de canne utilisée majoritairement par les planteurs. Il s’agit de la R570. Mise au point à la fin des années soixante-dix par deux ingénieurs dont Emile Boyer de la Girauday, elle a fait le bonheur des agriculteurs pendant de nombreuses années. Mais voici une vingtaine d’années, les conditions climatiques et culturales étaient différentes. La pluviométrie était plus régulière, les amendements se faisaient au fumier. 90% des chargements se faisaient à la main. Autant dire un autre monde, car de nos jours, le climat n’est plus le même, tout comme les techniques. Nicolas Alaguirissamy note que 90% des chargements sont aujourd’hui mécanisés, et 35% de la coupe se fait également par la machine.

Pas de chèque en blanc aux usiniers

Pour le président de JA, la R570 atteint ses limites, il faut aller plus loin.
Le responsable syndical constate que dans les champs plantés en R579, variété plus récente adaptée aux zones des bas irrigués, les planteurs ont pu limiter les pertes. « Il existe un centre de recherche à La Réunion financé en partie par les planteurs », rappelle JA, « il est normal que nos chercheurs finissent par trouver des variétés nouvelles plus productives que l’actuelle R570 ». Pour augmenter la production, il faut trouver de nouvelles variétés capables d’avoir le meilleur rendement pour chaque microclimat, souligne Nicolas Alaguirissamy. « Cela permettra d’atténuer les pertes en cas de problème climatique », poursuit-il.
Sur la fin prématurée de la campagne pour de nombreux planteurs, le président de JA estime que les Commissions mixtes d’usines doivent être supprimées. « Si ce sont les usiniers qui décident seuls de la date de fin de campagne, alors cela veut dire que les représentants des planteurs en CMU signent des chèques en blanc aux usiniers », dit-il en substance.
Pour le président de JA, la convention-canne est à compléter. Car cette année, les planteurs n’auront que des miettes au lieu de la prime bagasse qu’ils espéraient. « On est loin des 2 euros la tonne annoncés », constate Nicolas Alaguirissamy. Autre point à revoir : le prix fixe jusqu’en 2014. Pour le président de JA, si le planteur vend sa canne au même prix jusqu’en 2014, pendant que le montant de ses charges va augmenter, cela signifie que le salaire du planteur sera dégressif jusqu’en 2014.

La canne : plante d’avenir

Le président de JA souhaite que le ministre de l’Agriculture par l’intermédiaire du préfet convoque autour d’une table ceux qui n’ont pas signé la convention-canne et que soit discuté des mesures à ajouter dans cette convention. Nicolas Alaguirissamy propose que le prix de la canne payé au planteur fasse l’objet d’un rattrapage annuel en fonction de l’augmentation des charges pour maintenir le pouvoir d’achat des planteurs. Il demande que l’Etat prenne en charge le montant du rattrapage qui sera versé aux planteurs.
Nicolas Alaguirissamy termine sur une réflexion sur l’avenir de la filière. Il constate que dans le monde, les industriels transforment leurs usines pour produire de l’éthanol. Si c’est un jour le cas à La Réunion, le président de JA demande que l’on détermine tout de suite « la quote-part du planteur ».
Autre conséquence prévisible liée à la production de l’éthanol selon Nicolas Alaguirissamy : une hausse des cours mondiaux du sucre.
« Nous allons un jour nous retrouver dans la même situation qu’aujourd’hui avec le prix des céréales », précise-t-il, « la demande ne cesse d’augmenter, et on risque un jour d’avoir un déficit de sucre un jour sur le marché mondial ».
Si les cours mondiaux connaissent une forte augmentation, « nous devons bénéficier de cette hausse », conclut le Président de JA.

À suivre

Manuel Marchal


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