Débat autour du Mémorandum de 2004 actualisé

Dans les coulisses d’une réforme à haut risque

9 juillet 2005

Comme convenu lors de la réunion extraordinaire de la Commission de la Canne et du Sucre (CPCS) du 27 juin dernier, les professionnels de la filière se sont retrouvés hier à la Préfecture autour du document préparé par le Comité de Pilotage de la Canne et la DAF, réaffirmant les priorités de la filière réunionnaise.

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A l’issue de la réunion d’hier, les participants interrogés devaient admettre qu’ils n’y voyaient pas beaucoup plus clair sur le traitement que l’Europe réserverait aux deux priorités de la filière face à la réforme, à savoir : la compensation intégrale des pertes de revenus et le maintien des aides à l’écoulement des sucres des DOM vers le marché européen. L’atmosphère était grave. Tous étaient-ils conscients qu’il ne reste plus que quelques semaines, quelques mois, pour faire passer dans le projet de réforme de l’OCM Sucre, les éléments essentiels permettant de maintenir la filière en activité ? Et à quelles conditions ?
Les deux priorités pour la filière figurent dès le préambule du document, qui reprend les grandes lignes du Mémorandum de septembre 2004. Elles ont reçu hier les éclairages de l’expert du ministère de l’Agriculture, M. Bernard Chaud, venu faire l’interface entre le projet de règlement européen - rapport COM (2005) 263 final - rendu public le 22 juin dernier et les objectifs d’un développement durable de la filière canne/sucre réunionnaise. Il est l’un des experts nationaux chargés d’examiner un à un des 46 articles de la réforme de l’OCM Sucre, ainsi que deux autres règlements, le tout regroupé dans un rapport qui sera remis aux ministres de l’agriculture de l’Union, "pour d’éventuels ajustements techniques" d’ici la réunion du Conseil, en novembre.
Ce qu’il est venu dire aux acteurs de la filière n’est pas de nature à rassurer la masse des petits et moyens planteurs qui font ici tourner les usines. Il est venu en effet confirmer que "la Commission estime avoir déjà accordé un régime spécifique aux RUP" et une compensation - de 44 millions d’euros (27 millions la 1ère année) - "d’un taux supérieur à celui offert aux autres régions de l’Union, à tonnage constant". Comment cette appréciation d’un expert européen, pris dans les contraintes d’une nécessaire réforme de la politique agricole européenne, va-t-elle est reçue par les petits et moyens planteurs ? Comment ceux-ci vont-ils chercher à “limiter la casse” ?
Les débats vont se poursuivre, mais manifestement, les appréciations ne sont pas encore unifiées quant aux impacts de la réforme sur le monde planteur réunionnais. Toutes les parties réunies hier pour débattre des ajouts au mémorandum vont réfléchir à des propositions. La Région a demandé deux audits : une étude d’impact de la réforme centrée sur les aspects économiques et sociaux et une étude, à plus long terme, sur les potentialités de la filière.
Les acteurs de la filière ont jusqu’à la période d’octobre-novembre pour mesurer les impacts des propositions ajoutées au Mémorandum par le document du 8 juillet. La semaine prochaine commencent des auditions au Parlement européen. Les personnes auditionnées parviendront-elles à faire percevoir le choc social que représentent pour La Réunion les mesures préconisées ? On peut vouloir réformer une agriculture, mais pour quels objectifs ? Et s’est-on suffisamment posé la question de son coût social, pour les années proches ?
La réforme, en effet, ne donne aucune visibilité au-delà de 2013, c’est-à-dire dans sept-huit ans. C’est aussi la durée d’un cycle de la canne, ce qui peut avoir un effet de découragement sur les planteurs difficile à mesurer de prime abord.
On peut aussi vouloir une mutation de la filière, sa modernisation et des coûts de mécanisation diminués, une intégration plus prononcée dans les circuits mondiaux du sucre, et une production à fortes valeurs ajoutées : à condition de passer le cap des dix à quinze prochaines années dans des conditions qui permettent le maintien de la production, c’est-à-dire le maintien des producteurs. Et sur ce point, les propositions qui circulent sont soit muettes, soit encore très controversées.

P. David


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