Réforme de l’OCM-Sucre : décision de l’UE attendue ce jour

Dans un contexte morose et difficile

22 novembre 2005

C’est aujourd’hui que débuteront à Bruxelles les négociations du Conseil des ministres de l’Agriculture pour l’obtention d’un accord politique sur la réforme du secteur du sucre. Vendredi dernier, Mariann Fischer Boël, commissaire chargée de l’Agriculture, invitait de manière pressante le Conseil à adopter un projet de réforme qu’elle estime courageuse et responsable. Elle déclarait : "c’est une nécessité vitale que de parvenir à une décision la semaine prochaine. Les négociations seront rudes, mais j’invite les ministres à se montrer courageux. Nous continuons à faire le siège de tous les États membres pour rallier le plus grand nombre possible d’entre eux à ce grand dessein". Mme Fischer-Boël faisait de l’adoption de la réforme une avancée en faveur de l’Europe avant la rencontre de Hong Kong du mois prochain : "un accord sur le sucre renforcera considérablement notre position de négociation lors de la rencontre des ministres de l’OMC qui se tiendra le mois prochain à Hong Kong", ajoutait-elle.

Quel accord sans budget ?

De fait, il s’agit pour la Commission de réunir les conditions d’une majorité qualifiée en faveur de la réforme, en débloquant la minorité de blocage constituée par un groupe de pays dont l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Irlande, la Finlande, la Lettonie et la Lituanie qui avaient manifesté leur désaccord dès la première présentation du projet de réforme au Conseil agricole du 18 juillet dernier. Ces pays sont ceux qui subiront le plus les effets négatifs de la réforme
Ces négociations s’ouvrent dans un contexte très difficile pour l’Union européenne. Les 25 n’ont toujours pas trouvé d’accord sur le budget de l’UE pour 2007/2013. Certains experts estiment que la réforme ne saurait être décidée sans garantie sur le futur budget de l’UE et donc sur le financement de la PAC jusqu’en 2013.
Dans le cadre de la préparation de la rencontre de Hong Kong - dont les premières négociations débuteront le 13 décembre - Peter Mendelson, représentant de la Commission de Bruxelles, a proposé une baisse des aides aux agriculteurs européens ainsi qu’une baisse des droits de douanes agricoles. Ces propositions sont contestées par la France qui considère que Bruxelles va trop loin et que ces propositions remettent en cause la Politique agricole commune (PAC) dont la dernière réforme date de 2002.

Projet de réforme torpillé ?

Ces propositions seraient, par ailleurs, de nature à remettre en cause les négociations qui s’engagent aujourd’hui. C’est notamment l’opinion de Dominique Ducrochet, président de la Confédération des producteurs de betteraves : "Pour le sucre, la proposition de l’UE torpille le projet de réforme de l’OCM de la Commission qui, en ce domaine, se fait hara-kiri. Car si la baisse de 50% des droits de douane de l’offre précédente nécessitait déjà une clause de sauvegarde spéciale, celle de 60% remet tout en cause. Comment maintenir le prix de 385 euros la tonne proposé par Madame Fisher Boël dans son projet de réforme, si le sucre pouvait entrer à un prix nettement inférieur ?
Madame Fischer Boël va-t-elle modifier de ce fait sa proposition ? On est en droit de se poser la question tant on voit mal comment la proposition actuelle pourrait s’intégrer dans ce nouveau contexte, sauf à maintenir une clause de sauvegarde spéciale renforcée".
Des observateurs avancent même l’hypothèse qui verrait un certain nombre de pays rechercheraient de manière délibérée un échec des négociations d’aujourd’hui afin de priver Tony Blair d’une réussite sur la réforme de l’OCM sucre, tout en le privant d’une telle réforme avant la réunion de l’OMC de Hong Kong.

Passer le crible de l’OMC

Les débats s’annoncent donc difficiles. D’où sans doute l’ultime appel de Mme Fischer-Boël dont nous faisons état un peu plus haut.
L’accord qui pourrait être trouvé par les ministres européens de l’Agriculture devra ensuite passer le crible de l’Organisation mondiale du commerce. Celle-ci a mis en place un groupe spécial sur le sucre : "d’ici au mois de mai prochain, nous devrons aussi nous conformer aux décisions du groupe spécial de l’OMC sur le sucre", a déclaré vendredi Mme Fischer-Boël.
Or, la rencontre de Hong Kong du mois prochain pourrait bien déboucher sur un échec. C’est une probabilité de plus en plus grande car les désaccords sur la question de l’agriculture justement s’accumulent. En tout cas la menace de la France de faire jouer son veto est de plus en plus prise au sérieux. Ce contexte ne peut que déteindre sur les négociations qui s’engagent aujourd’hui. Madame Fischer-Boël réussira-t-elle à faire passer sa réforme ? On devrait le savoir dans les heures sinon les jours qui viennent.
Dans ce cadre, comment sera traitée la question du sucre des DOM ?

DOM : les dernières cartes de la France

Lors d’une intervention à l’Assemblée nationale, François Baroin indiquait que la France avait demandé à Bruxelles l’ouverture d’ultimes négociations. Renvoyant à son collègue de l’Agriculture, la responsabilité du pilotage des discussions, le ministre de l’Outre-mer a reconnu, jeudi dernier qu’il lui est "difficile d’apporter des éléments de réponse. Nous avons demandé une relance de la discussion et sommes dans l’attente de l’arbitrage sur le litige entre l’Union et l’OMC pour connaître la position de la Commission sur l’application du principe de subsidiarité pour les compensations". C’est plus vraisemblablement au cours des négociations qui s’ouvrent aujourd’hui que Dominique Bussereau jettera ces dernières cartes sur la table : "je peux vous affirmer que nous serons très attentifs à l’avenir de la filière de la canne lors du conseil des ministres qui aura lieu à Bruxelles la semaine prochaine, le texte proposé par la Commission ne correspondant pas à nos attentes", déclarait jeudi dernier Dominique Bussereau.
Le gouvernement français se prépare vraisemblablement à faire connaître un peu plus tard ses intentions. Lors du débat à l’Assemblée nationale sur son budget, le ministre de l’Agriculture a reconnu que "l’agriculture d’Outre-mer nécessite un effort particulier. Je me suis entretenu avec M. Baroin des différentes possibilités qui s’offrent à nous : une loi que mon collègue présenterait ou des mesures prises au travers de différents textes. Nous vous indiquerons prochainement comment nous comptons procéder". C’est par ce biais que Paris compte annoncer comment il compte accompagner la réforme et ses effets pour l’Outre-mer tout en élargissant son propos à d’autres préoccupations comme celles que posent aux Antilles la réforme de l’OCM-banane. Dans ce but, Dominique Bussereau doit se rendre prochainement dans notre île et en Guyane après avoir visité les Antilles en juillet dernier.

J. M.


Un compromis sur la baisse du prix ?

Les négociations qui débutent aujourd’hui devraient durer 3 jours et ce n’est vraisemblablement que jeudi que les ministres européens de l’Agriculture arrêteront leur décision.
Dans les 48 heures qui ont précédé l’ouverture des discussions, les spéculations allaient bon train sur le niveau de la baisse des prix qui serait décidée et sur le mode de compensation. Au nom de l’opposition de plusieurs États-membres, l’hypothèse que la Commission pourrait décider une baisse moins importante du prix du sucre que les 39% prévus était envisagée. On évoquait une diminution qui pourrait varier entre 33 et 35%. Le quotidien mauricien “l’Express” d’hier, citait un journal de référence dans les milieux agricoles, “Agra Facts”, pour qui "l’approche large de la Commission serait acceptée, même si la baisse du prix serait quelque peu diluée, oscillant entre 33% et 36%, étalée sur une plus longue période, et assortie d’une clause de révision". Selon certaines versions, Mme Fischer-Boël ferait circuler dès aujourd’hui mardi, un texte de compromis.
Ces supputations ne semblent cependant pas correspondre à la volonté affichée par la Commissaire à l’Agriculture. "Les propositions que nous avons faites permettent de jeter les bases d’une production sucrière européenne assurée d’une durabilité à long terme", déclarait vendredi Mme Boël tandis que dans un entretien accordé ce week-end au “Financal Times” que cite “Le Mauricien”, elle a réaffirmé que sa proposition est bien une baisse de 39% : "I need 39 per cent cut in sugar price. If we agree anything considerably below that, it would mean another reform in four of five years time", a-t-elle déclaré.
Toujours est-il qu’il y aura bien une baisse du prix du sucre et que celle-ci soit de 39% ou de 33%, c’est une diminution de taille.


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