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Soutien d’une filière dominante ou développement territorial ? Le cas du sucre à La Réunion - 2 -
13 août 2008
Après avoir décrit les différentes étapes vers la formation du foncier cannier, Cécile Martignac donne des précisions sur le contexte au sein duquel se développe la filière. Un contexte insulaire, marqué par la rareté du foncier, dans un pays où la croissance démographique est importante, souligne l’extrait de cet article paru en 2004. Les intertitres sont de ’Témoignages’.
Si l’on considère les cycles économiques longs de La Réunion depuis trois siècles (café/polyculture/sucre), la situation de la fin des années 1980 peut être qualifiée de situation d’équilibre. La structure de production est alors caractérisée par une forte diversité du tissu productif agricole, à laquelle correspond une différentiation spatiale marquée témoignant des phases de mise en valeur.
Mais la régulation administrée de la filière canne du début des années 1970 atteint ses limites. Le renouvellement des petites exploitations est rendu impossible par le renchérissement du coût de la main-d’œuvre, plus rapide que les gains de productivité : « la filière canne est dans une crise structurelle » [3].
La dégradation des conditions économiques contraint l’État français à compenser les pertes par une augmentation des aides directes à la filière qui représentent plus de 75% de la valeur de la canne produite à La Réunion hors aides directes au produit, contre 30% pour les aides publiques à l’élevage [6] en 1999 et 2000. Malgré un prix d’achat du sucre communautaire trois fois supérieur au cours mondial (631,90 euros contre 200 euros en 2002), assumé majoritairement par les consommateurs, les difficultés se confirment et encouragent les acteurs de la filière à s’adapter :
- les industriels conquièrent de nouveaux marchés en diversifiant leurs activités, dans les domaines de la grande distribution, du transport et de l’immobilier ;
- les planteurs dotés des capacités d’investissement nécessaires amorcent une diversification, le plus souvent vers le maraîchage et/ou l’élevage, qui peut représenter jusqu’aux trois quarts de la valeur ajoutée agricole sur des surfaces limitées. L’élevage (surfaces en herbe et surfaces fourragères) et le maraîchage occupent ensemble moins de un quart de la Surface Agricole Utile (SAU) de l’île, alors que l’île reste largement importatrice en lait et en viande ;
- les petites structures trouvent l’essentiel de leurs revenus dans les activités extra-agricoles et dans les prestations sociales [3].
Des limites pour la productivité
Malgré une transition démographique avancée, la croissance de la population reste soutenue. Principalement installée en bordure littorale, dans des systèmes urbains et périurbains au contact direct de la ceinture cannière ou à proximité des anciens habitats populaires, cette population jeune (40% de la population a moins de 20 ans - données de l’Institut national de la statistique et des études économiques, INSEE) reste attachée à un modèle d’habitat individuel “case-rond de cour”. Cet habitat consommateur d’espace et souvent illégal génère un tissu périurbain lâche souvent perçu comme la seule perspective admissible. La pression foncière induite, renforcée par l’omniprésence de la canne, provoque chez les propriétaires de terres agricoles des stratégies à dominante spéculative et patrimoniale. Celles-ci sont matérialisées par des ensembles bâtis allant de la simple case permettant la décohabitation jusqu’au lotissement légalisé de grande envergure, l’emprise de l’opération comme sa légalisation étant fonction bien entendu de la taille de la parcelle, mais aussi et surtout du capital social de son propriétaire. L’exacerbation de ce phénomène en périphérie des zones urbaines favorise l’apparition d’un système périurbain faiblement structuré qui rend l’opposition traditionnelle rural-urbain moins pertinente et incite à reconsidérer l’habituel rapport de force ville-canne.
Parallèlement, le mitage des terres agricoles, cannières principalement, se développe et perturbe les recherches de productivité par optimisation des surfaces, tandis que les améliorations de la productivité liées au processus industriel atteignent leur limite.
La canne repoussée vers l’intérieur
Sur le plan spatial, l’organisation du territoire réunionnais est « conforme au modèle » caractérisé notamment par une inversion du couple centre-périphérie. Les activités s’y organisent de manière auréolaire (figure 2) avec des plaines littorales densément peuplées et équipées contrastant avec un intérieur montagneux, « vide » et relativement traditionnel [7] « du battant des lames au sommet des montagnes », les dynamiques sont schématiquement les suivantes :
- la culture de la canne est repoussée vers l’intérieur de l’île par la spéculation foncière suscitée par la croissance périurbaine mal maîtrisée et facilitée par la déprise cannière ; pour conserver les surfaces nécessaires à son maintien, elle “remonte” le long des pentes jusqu’à une limite altitudinale et thermique que les recherches techniques et variétales sont susceptibles de repousser ;
- la sanctuarisation des espaces naturels et l’application progressive des nouvelles normes environnementales contraignent les éleveurs à extensifier leurs pratiques, à gérer leurs effluents et à “redescendre” les activités d’élevage vers la périphérie des systèmes urbains ; le glissement opportuniste de la canne vers le haut se heurte donc à ce mouvement inverse, comme à des problèmes de décroissance de la richesse en sucre ;
- dans l’Ouest, subsiste une petite agriculture familiale pluriactive, tandis sur d’autres secteurs, les filières canne et élevage se côtoient dans des zones de contact de plus en plus diffuses.
Des questions à clarifier
L’extension des usages du sol et les représentations existantes pour chaque usage laissent présager, sur un espace limité, une émergence des conflits liés à l’affectation spatiale des activités. Toutefois, d’autres contextes insulaires présentant des pressions spatiales supérieures, en Asie notamment, permettent de relativiser la notion de rareté de l’espace, rarement absolue, mais socialement construite.
Dès 1995, la préservation des espaces agricoles nécessaire au maintien de la filière devient la pierre angulaire de la politique sucrière. Dans ce contexte d’espace raréfié, le choix d’une agriculture cannière extensive peut être légitimement questionné. À l’inverse, l’État et les collectivités territoriales continuent d’accorder une attention particulière au maintien de ce modèle de développement sucrier. Pour quelles raisons ? Pour quels objectifs ? Comprendre le poids de la filière dans la définition des politiques publiques semble être un préalable à toute réflexion prospective.
Cécile Martignac
(à suivre)
Extrait d’un article paru dans "Cahiers d’études et de recherches francophones / Agricultures. Volume 13, Numéro 6, 516-21"
Notes
(3) Chastel JM. Le rôle des institutions dans l’évolution de la filière canne à La Réunion. Thèse en agro-économie, école nationale supérieure d’agriculture (Ensa), Montpellier, 1995, 341 p.
(6) Laudié-Lecomte N. Le compromis agricole réunionnais : mutation sectorielle et construction territoriale à l’île de La Réunion. Thèse en économie, école nationale supérieure d’agriculture (Ensa), Montpellier, 2003, 594 p.
(7) Brunet R. Géographie universelle : mondes nouveaux. Paris : Belin-Reclus, 1990 ; 552 p.
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