Rencontre avec le ministre de l’Agriculture

Élaborer des solutions réunionnaises

16 juillet 2004

Le ministre de l’Agriculture est à Mayotte pour trois jours. Comment aurait-il pu, dans le contexte actuel, transiter à La Réunion, aller et retour, sans donner son opinion sur l’avenir de l’agriculture et de la canne à La Réunion après les annonces de la Commission européenne ?
Le président du Conseil régional a donc pris l’initiative, mercredi soir, de demander à rencontrer le ministre avec la présidente du Conseil général, à l’aéroport.

La rencontre était soumise aux contraintes - de temps, surtout - d’un transit mais le ministre a pu délivrer un message simple et fort : il faudra mener "un grand combat" et "se battre ardemment pour garder le statut de RUP" au sein d’une Union à 25 membres - dont 21 sont des producteurs de sucre. Hervé Gaymard a réaffirmé à ses interlocuteurs que la bataille pour un régime spécifique des RUP était "une priorité du gouvernement". Les pays de l’Union européenne (UE) doivent se rencontrer le 19 juillet prochain et le ministre a annoncé sa prochaine visite à La Réunion pour septembre.
À l’issue de cette rencontre, la présidente du Département Nassimah Dindar a fait part de sa satisfaction de voir la préoccupation du ministre de l’Agriculture pour l’avenir de la canne et de l’agriculture réunionnaises. Elle confiait qu’il était capital de "penser les dix-quinze années à venir en orientant cette réflexion vers le développement du marché intérieur pour les agriculteurs". Cet avenir doit selon elle "être pensé en cohérence avec tous les acteurs pour une vision partagée du développement agricole à La Réunion". Une vision qui doit notamment intégrer le problème du foncier. "C’est un travail entamé qui sera suivi par les deux collectivités" indiquait-elle avant de poursuivre : "le ministre nous a confortés dans notre position, nous allons écrire les cahiers de l’agriculture réunionnaise pour une Réunion qui gagne, nous avons toutes les raisons d’être optimistes mais il faut appliquer le principe de vigilance".

Signe annonciateur d’un marché mondial unique

Le président de la Région, Paul Vergès, confiait que le souhait du ministre est de "voir les Réunionnais, professionnels, institutions et politiques, s’entendre sur une analyse de la situation actuelle pour la réforme du protocole sucrier". Il demande une vision plus large de l’avenir et de l’agriculture.
Les professionnels et les deux collectivités rencontreront de nouveau le ministère dans les deux mois qui viennent, avant le conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE qui aura lieu en septembre. Paul Vergès soulignait combien "la concertation entre tous les secteurs est nécessaire pour l’élaboration de solutions" qui seront présentées à Paris, par une délégation réunionnaise.
Le ministre reviendrait à La Réunion en mi-septembre pour continuer le dialogue avant d’en faire part à l’UE. Paul Vergès a attiré l’attention sur "la gravité de la situation et ses répercussions" estimant que nous sommes à "un tournant dans l’histoire de La Réunion". Ce dont le ministre convient, en appelant à la concertation.

"Peut-on imaginer une Réunion sans canne ?"

Pour le président du Conseil régional il faut "être extrêmement vigilant, jusqu’au bout, face au jeu de la mondialisation et à l’ouverture du marché. En deux générations, nous passons d’une situation privilégiée, où la canne et le sucre ont bénéficié de contingentements sous la troisième république et du règlement sucrier dans les années 60. Nous avons constamment été dans un marché organisé avec une protection des quotas et des prix. Là on ouvre toutes les fenêtres, c’est le signe annonciateur d’un marché mondial unique. Nous avons à nous battre pour maintenir le plus longtemps possible un pouvoir d’achat constant".
Paul Vergès a poursuivi : "Certains estiment que l’essentiel est sauvegardé, d’autres pensent avoir déjà gagné. Il ne faut pas cacher aux professionnels la gravité de la situation. Nous sommes dans un tournant de la vie des Réunionnais, et ce tournant ne devrait pas être pris sur une injonction extérieure, mais naître d’une initiative réunionnaise. Les hommes politiques doivent aider la population à prendre conscience de l’enjeu pour le présent comme pour l’avenir".
Interrogatif, le président de Région a demandé : "Que va devenir La Réunion ? Et les jeunes planteurs ? Comment protéger la canne ? La canne qui protège nos terres, qui nous fournit l’énergie... Et puis il y a surtout l’aspect culturel, c’est casser tout un héritage. Peut-on imaginer une Réunion sans canne ?"

Eiffel


Les présidents des collectivités reçoivent l’interprofession

À l’initiative du président du Conseil régional, l’ensemble de la profession de la filière canne - toute la Commission paritaire Canne-Sucre - rencontre aujourd’hui à la Région les deux présidents des collectivités territoriales, Nassimah Dindar et Paul Vergès, pour une réunion de travail autour de la déclaration faite hier par le commissaire européen à l’Agriculture, Franz Fischler, sur le nouveau régime sucrier de l’Union.
Bien qu’elle s’attendît à une catastrophe, l’inter-profession canne-sucre vient de recevoir un bon coup de massue de la part d’un commissaire européen sur le départ (concernant du moins les questions agricoles) et qui ne faisait pas mystère de sa volonté de lancer le débat avant de quitter son poste. Mais elle se réjouit aussi de cette réunion unitaire qui devrait lui permettre de définir une position commune sur l’avenir de la filière.
Compte tenu des positions très divergentes exprimées par les États de l’Union, il faut s’attendre à un débat de politique générale très vif, jugé salutaire par les producteurs dans la mesure où ce débat n’a eu lieu jusqu’à présent qu’au sein de la Commission européenne. D’ici septembre, il va s’étendre au Conseil européen - et permettre aux ministres de l’Agriculture des 25 de se parler “en toute franchise” et d’échanger sur les situations des agricultures dans les différentes régions. La nouvelle commission aura aussi à se prononcer.
La réunion d’aujourd’hui, à la Région, va donc permettre à l’interprofession d’analyser la communication de la Commission européenne et de prendre la mesure des conséquences qu’elle ne manquera pas d’avoir pour la filière réunionnaise, en dépit de la part faite aux RUP dans la déclaration du commissaire Fischler. Il n’en est pas moins crucial d’analyser ce qui attendent les RUP et La Réunion dans le contexte très mouvant et incertain qu’est le “marché mondial” du sucre.
La bataille pour la survie de la filière réunionnaise ne fait que commencer. Il ne servirait à rien de faire croire qu’on l’a gagnée avant de l’avoir engagée, ni de partir la fleur au fusil...

P. D.


Réactions

- Margie Sudre, députée (PPE-DE) au Parlement européen :
" Plutôt satisfaite... "
Dans un communiqué en date du 14 juillet, Margie Sudre, députée (UMP/F) au Parlement européen dans le groupe PPE-DE dont elle préside la Délégation française et conseillère régionale de La Réunion, a fait part de sa "satisfaction" après la communication du commissaire Franz Fischler sur la proposition de réforme de l’OCM-Sucre.
"Je suis plutôt satisfaite par cette communication car elle intègre une disposition propre aux régions ultra périphériques (...) [qui] bénéficieront d’un traitement spécifique, prenant en compte les contraintes spécifiques de leur agriculture et de leur industrie sucrière, ainsi que leur situation logistique dans leur relation avec le marché européen (...)".
L’euro-députée souligne cependant, pour la regretter, la faiblesse de l’enveloppe de compensation (39 millions d’euros pour l’ensemble des DOM) et pointe deux dangers devant lesquels elle restera "vigilante" : la déconcentration vers le gouvernement français de la gestion du POSÉIDOM et la proposition législative de réforme de l’OCM-sucre, fin 2004/début 2005. "Les intérêts des régions ultra-périphériques doivent être préservés", conclut-elle.

- André Thien-Ah-Koon, député de La Réunion
" La situation est inquiétante "
Dans un communiqué rendu public hier, André Thien-Ah-Koon a réagi au rapport Fischler concernant l’avenir de la filière canne-sucre. Pour le député de la 3ème circonscription, si "le dispositif ouvre une période de stabilité en matière de fixation des prix", il estime toutefois que "les intérêts des planteurs sont affectés, car la chute des prix est conséquente". Certes, ajoute TAK, "des mesures compensatoires sont annoncées, mais elles ne sont pas garanties sur la durée". Ce qui fait dire à TAK que "la situation est donc, sur le moyen et le long terme inquiétante" et ce, précise-t-il, "quel que soit le poids des arguments avancés".


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