L’AG de la FDSEA et la filière canne

Entre politisation et diversion

15 juillet 2005

Les dirigeants du syndicat agricole savent que si rien n’est fait pour défendre les intérêts des petits et moyens planteurs, ces derniers seront, à terme, condamnés avec l’application de la réforme de l’OCM-Sucre. Au lieu de le dire, ils ont préféré politiser le débat et menacer la Région. Cette orientation n’a suscité aucune réaction publique de la part du parterre d’invités du syndicat.

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L’Assemblée générale de la FDSEA de dimanche dernier a été en grande partie consacrée à l’examen des propositions de la réforme de l’OCM-Sucre et de ses conséquences pour La Réunion.
De manière assez étonnante, le débat a pris une tournure très politique, non du fait de l’assistance mais des responsables du syndicat. Un de ses dirigeants a en effet déclaré que "le “non” à la Constitution affaiblit la France et renforce la position de ceux qui veulent casser la PAC". Dans le même discours, il demandait si le camp du “non” "serait capable de payer pour obtenir les 3,5 euros manquants par tonne de cannes" ou s’il ne faudrait pas, pour cela, manifester devant le Conseil régional.
Si la presse écrite note que les dirigeants de la FDSEA étaient entourés par un "plateau de choix" (le président de la Chambre d’agriculture, le président du syndicat des industriels du sucre, le directeur de l’Agriculture et de la Forêt, un parlementaire et le patron d’un organisme dépendant de la Région, l’Agence de Développement), elle ne fait était de réaction de ces invités sur la tentative de politiser le problème et sur la menace lancée publiquement contre une collectivité territoriale.

Grande confusion

Or, aussi sommaire soit-elle, l’analyse de la direction de la FDSEA appelle des réserves.
On ne peut mettre au même niveau et sur le même plan la demande anglaise d’ une remise à plat de la réforme de la PAC et le projet de réforme de l’OCM-Sucre. La première est un élément des négociations engagées sur les perspectives financières de l’Union pour 2007-2013. Par contre, cela fait plus de 10 ans que Bruxelles tente de réorganiser son marché sucrier. La Commission est poussée par les consommateurs et les industriels de l’agro-alimentaire européens qui estiment le prix du sucre trop élevé. Elle s’est heurtée au front des producteurs et fabricants de sucre mais Bruxelles a pu avancer quelque peu, ne serait-ce qu’en obtenant depuis quelques années le maintien du prix du sucre à un même niveau. Ce sont tous à la fois les négociations au sein de l’OMC sur l’agriculture qui doivent se conclure en décembre, ainsi que les résultats de la plainte du Brésil qui ont accéléré la réforme, et qui ont pesé sur son contenu.
Faire donc porter au non la responsabilité de ce qui arrive à la fois pour la PAC et pour l’OCM-Sucre ressort de la confusion. Ces deux problèmes n’ont rien à voir avec le référendum. Depuis plusieurs mois on savait que les négociations sur les perspectives financières de l’Union -et la politique agricole en constitue un aspect- seraient difficiles. La réforme du marché sucrier avait été relancée en juillet. Entre-temps, une délégation de députés européens séjournant à La Réunion avait averti que les choses seront difficiles. Par ailleurs, plusieurs partisans du “non”, à commencer par Paul Vergès, n’ont pas manqué d’attirer l’attention sur ces deux problèmes et sur leurs conséquences pour La Réunion. Les partisans du “oui” ont, eux, observé un étrange silence sur ces deux dossiers.
À vouloir faire porter au camp du “non” la responsabilité de ce qui arrive, les dirigeants de la FDSEA courent le risque de se faire des adversaires dans les rangs de ceux qu’elle est censée défendre. En France comme à La Réunion, une majorité d’agriculteurs ont voté “non” à cause des réformes de la PAC et de l’OCM-Sucre !
Au cours de l’assemblée générale de dimanche, le président du syndicat a livré une information sur le manque à gagner pour la filière du fait de la réforme : il manquerait 30 millions. Cette information lui aurait été fournie par le ministère de l’Agriculture. Le même responsable a laissé entendre que l’entrevue qu’il a eue à Paris lui a permis de mieux comprendre les défis posés à la filière réunionnaise par la réforme. La relation privilégiée que les dirigeants du syndicat semble entretenir avec l’État et ses représentants explique la présence signalée par la presse parmi les invités du nouveau DAF. On n’a pas signalé aux récents congrès de la CGTR ou de la CFDT la présence du directeur de la Direction du Travail et d de l’Emploi !

La filière appelée à se remettre en cause

C’est sans doute après cet entretien que les dirigeants de la centrale syndicale ont eu la conviction que la réforme entraînera la disparition de nombreux petits et moyens planteurs. En interrogeant l’assistance et en lui demandant s’il faut "consolider nos exploitations en les agrandissant" ou encore s’il faut "installer un agriculteur sur 5 ou 7 hectares sans perspectives", les responsables de la FDSEA disent de manière implicite ce qu’ils ont dans la tête. Ils s’inscrivent désormais dans les perspectives assignées à la production sucrière -à La Réunion comme en Europe- par la réforme : devenir plus compétitive sinon disparaître. C’est le message qui a été délivré par les parlementaires européens de la commission de l’Agriculture, il y a deux mois ici. C’est le discours qui est tenu, dans les couloirs par de nombreuses personnes (élus, représentants du gouvernement) impliquées dans le dossier.
Les responsables de la FDSEA ont repris à leur compte le même langage. Ils disent que la filière doit se remettre en cause. Une position résumée dans les objectifs que fixent les dirigeants du syndicat : consolider les exploitations, les agrandir, mécaniser et augmenter les gains de productivité.
Au bout du compte, on comprend mieux la volonté de politiser le débat. C’est aux yeux des dirigeants de la FDSEA le meilleur moyen de faire diversion pour ne pas avoir à dire l’essentiel. À savoir qu’à terme et du fait de la réforme de nombreux petits et moyens planteurs seront condamnés.

J.M.


Qu’ils montrent ce qu’ils font !

Élargissant son propos et dépassant le cadre de la filière canne, le président de la FDSEA a mis l’accent sur les difficultés que rencontrent plusieurs productions locales.
Il a souhaité que des dispositions soient prises pour encourager l’utilisation des produits de l’agriculture réunionnaise dans la restauration collective, dont les cantines. "240.000 rations quotidiennes dans nos cantines et pratiquement pas de produits locaux", a-t-il fait remarquer.
Mais, lui-même est un élu, maire-adjoint dans une commune importante de l’île. Sans doute ne manquera-t-il pas prochainement de faire connaître très prochainement les résultats de son action pour que les cantines et les autres lieux publics comme l’université, l’hôpital installés sur le territoire communal utilisent des produits de l’agriculture réunionnaise dans la restauration.
Un autre collègue du président de la FDSEA est lui-même élu dans une commune de l’Est. Sans doute mène-t-il aussi une action pour arriver aux mêmes résultats.


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