Hervé Gaymard, ministre de l’Agriculture

’Et maintenant, que chacun joue son rôle !’

20 septembre 2004

Avant de s’envoler pour l’île Maurice et d’aborder d’autres dossiers relatifs à la canne et au sucre mauriciens, Hervé Gaymard s’est entretenu avec la presse pour tirer les premiers enseignements de son voyage-éclair dans l’île.

Concernant la filière canne, Hervé Gaymard se félicite de ce que les professionnels, les élus, et aussi le gouvernement sont sur la même longueur d’ondes. Tout comme il se félicite que l’Union européenne ait accepté le principe des spécificités des DOM. Lesquelles spécificités sont par ailleurs reconnues de part leur statut de Régions ultra périphériques (RUP). Mais si à La Réunion tout le monde semble décidé à plaider d’une même voix la cause de la filière canne, et si le gouvernement, par la voix de son ministre de l’Agriculture se dit prêt à soutenir la démarche réunionnaise, Hervé Gaymard ne fait pas mystère que la partie est loin d’être gagnée. "Avec la discussion sur le montant des compensations, nous allons entrer dans le cœur du problème" souligne-t-il. Certes, les annonces faites par le commissaire européen Franz Fischler, préconisant de réduire d’un tiers le prix de la tonne de sucre en Europe, tout comme la condamnation de l’Europe pour son régime sucrier par l’OMC, ne vont pas faciliter les choses. Mais pour le ministre de l’Agriculture, il faut également s’accommoder d’un calendrier qui fait que la décision finale concernant le montant des compensations ne sera pas connu avant la fin 2005. Car l’Union européenne à 25 se met tout doucettement en place. Ainsi, la nouvelle commission des affaires agricoles ne sera pas opérationnelle avant novembre prochain, alors que les négociations attendues sont prévues au mieux pour mars/avril de l’année prochaine et les éventuelles conclusions pour la fin 2005.

"Faire du lobbying"

"D’ici là, que chacun joue son rôle", déclare Hervé Gaymard qui affirme qu’il prendra lui aussi le dossier à bras-le-corps, mais qu’il souhaite que tout le monde, des professionnels aux élus européens l’accompagne fortement dans cette démarche. "Il faudra faire du lobbying, aller expliquer le dossier aux commissaires européens, aux élus, aux ministres de l’Agriculture...", plaide Hervé Gaymard. La tâche qui attend les professionnels de la filière et les députés européens réunionnais sera d’autant plus difficile qu’il s’agira de la première négociation au sein d’une Union européenne à 25 membres dont 21 sont directement concernés. "Pour l’instant, nous avons des orientations, sans plus. Et c’est là que le lobbying aura toute sa place, sachant que souvent le diable se niche dans les détails..."
Si, comme il le reconnaît lui-même, "la canne doit rester la colonne vertébrale de l’agriculture réunionnaise", il importe cependant, souligne Hervé Gaymard, d’avoir "une vision globale de l’agriculture réunionnaise" afin poursuit-il, d’élaborer "un plan global" qui donne à l’agriculture toute sa place dans l’économie et la société réunionnaise. Il assure également que le ministère dont il a la charge ne restera pas indifférent à cette réflexion puisqu’un volet spécifique aux DOM sera inclus dans la loi de modernisation agricole qui sera présentée aux députés l’an prochain.

S. D.


"Une grande initiative pour la pêche avec des retombées pour La Réunion"

Ministre de l’Agriculture, mais aussi de la Pêche, Hervé Gaymard s’était entretenu samedi dernier dans la matinée avec les professionnels du secteur avant sa rencontre avec la presse et son départ pour l’île Maurice. Une manière de les rassurer après la réunion qu’il avait eue avec tous les représentants de la pêche ultra-marine à Paris, en présence du directeur des pêches de l’Union européenne. Là encore, il s’agit de prendre en compte des spécificités propres à chacune des régions d’Outre-mer. À en croire Hervé Gaymard, l’affaire semble plutôt bien engagée, puisque Bruxelles a déjà engagé la renégociation des dispositifs d’aides et de défiscalisation. Les résultats devraient être connus sous peu. "Une question de semaines", estime le ministre.
Qu’il s’agisse des zones exclusives réunionnaises, des Îles Éparses ou des Terres australes et antarctiques, il faut mener la vie dure aux braconniers qui pillent sans vergogne les ressources halieutiques, affirmait le ministre. De concert avec le ministère des DOM, des actions sont engagées et des moyens mis en œuvre. C’est ainsi que depuis la fin de l’année dernière, la surveillance par satellite est effective, tandis que la surveillance aérienne, notamment avec le Falcon 50 de la Marine a permis d’obtenir des résultats encourageants contre les pirates de la pêche.
La protection des ressources est une chose, son exploitation en est une autre. C’est pourquoi le ministre appelle de ses vœux "une grande initiative de la pêche française dans l’océan Indien" dont La Réunion serait directement bénéficiaire.

S. D.


Condamnation du régime sucrier européen par l’OMC : une bataille de géants

En 2002, le Brésil, la Thaïlande et l’Australie, les trois “poids lourds” de la production sucrière mondiale déposaient plainte contre l’Union européenne auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour dénoncer son régime sucrier et les aides accordées aux producteurs des pays membres. En août dernier, les conclusions préliminaires laissaient entrevoir une condamnation de l’Union européenne. Le 8 septembre dernier, la condamnation du régime sucrier européen devenait une réalité...
Que reprochent l’Australie, le Brésil et la Thaïlande au régime sucrier européen ? En premier lieu, de permettre à l’Europe d’exporter chaque année environ 3 millions de tonnes de sucre de “quota C”, qui ne bénéficie pas de subvention directe à l’exportation. Faux, répliquent en chœur ces trois pays qui figurent parmi les plus gros producteurs et exportateurs mondiaux de sucre. Leur raisonnement est le suivant : si ce sucre européen arrive sur le marché mondial à un prix défiant toute concurrence, cela est dû, non pas à des subventions à l’exportation, mais grâce aux aides à la production que perçoivent les producteurs de sucre européens.
Sachant que l’Union européenne est le second exportateur mondial de sucre (avec 5,9 millions de tonnes), juste derrière le Brésil (13,8 millions de tonnes), mais devant la Thaïlande (4,1 millions de tonnes) et l’Australie (4 millions de tonnes), on mesure tout l’enjeu de la plainte déposée auprès de l’OMC et les conséquences du verdict prononcé par celle-ci...
Autre grief fait à l’Union européenne par le trio Brésil-Thaïlande-Australie : la revente sur le marché mondial, avec des subventions à l’exportation, de 1,3 million de tonnes de sucre de canne acheté aux pays ACP ainsi qu’à l’Inde sur la base du prix communautaire et non du marché mondial.
Interrogé sur cette question, Hervé Gaymard estimait que le jugement prononcé par l’OMC constituait en quelque sorte la ligne de fracture entre les tenants de l’ultra-libéralisme et ceux qui pensent que le commerce mondial doit être régi par des règles permettant d’agir en faveur des pays les moins avancés. "Nous navons pas la même vision du monde. Nous préférons notre thèse, celle de la préférence commerciale en faveur des pays en voie de développement. En clair, aider un pays comme le Mali, oui, mais un pays comme l’Australie n’a pas besoin qu’on l’aide. Contrairement aux ultras-libéraux qui veulent que tout le monde soit logé à la même enseigne, nous disons non à la loi de la jungle", déclarait le ministre de l’Agriculture.
Même si, pour des raisons techniques, le jugement de l’OMC n’est pas encore officiel, la Commission devrait faire appel de ce jugement qui, s’il était confirmé, condamnerait l’Europe à réduire sa production sucrière d’au moins 4,3 millions de tonnes, alors que le fameux rapport Fischler qui ne faisait pourtant pas dans la dentelle, préconisait une réduction de la production sucrière européenne de “seulement” 2,4 millions de tonnes...


S. D.


Le sucre en chiffres

Canne et betterave
120 pays producteurs dont 10 cultivent la canne et la betterave, 40 cultivent uniquement la betterave et 70 uniquement de la canne. La production mondiale de sucre est assurée à 74% par la canne à sucre et à 24% par la betterave.

Le sucre en France
Avec 4 millions 606.703 tonnes de sucre, la France se situe au 9ème rang mondial en tant que producteur, mais elle demeure le premier producteur mondial de sucre de betterave et au 1er rang européen.

Le sucre dans les DOM
La production de sucre dans les DOM est de 255.893 tonnes. La Réunion fournit à elle seule 74,1% du sucre produit outre-mer, avec 189.700 tonnes. Viennent ensuite la Guadeloupe avec 61.076 tonnes et la Martinique avec 5.117 tonnes. Notons que les 61.076 tonnes de sucre guadeloupéen sont produits par deux usines, alors que les sucreries de Bois-Rouge et du Gol en produisent trois fois plus. Notons également qu’à elle seule, La réunion compte 56% de la surface cannière des DOM qui s’élève au total à 43.945 hectares.

Le Top 8 de la production
Si l’on compte dans le monde 120 pays producteurs de sucre, 8 pays assurent à eux seuls 67,9% de la production mondiale, soit 92,2 millions de tonnes. Voici le “Top 8” des pays producteurs :
1- Brésil (24,4 millions de tonnes)
2- Inde (19 millions de tonnes)
3- Union Européenne (16,5 millions de tonnes)
4- Chine (10,9 millions de tonnes)
5- USA (8 millions de tonnes)
6- Thaïlande (8 millions de tonnes)
7- Mexique (5,3 millions de tonnes)
8- Australie (5,1 millions de tonnes)

Le Top 8 de la consommation
À eux seuls, les 8 pays suivants consomment 58,1% de la production mondiale de sucre.
1- Inde (19,8 millions de tonnes)
2- Union européenne (14,8 millions de tonnes)
3- Chine (10,3 millions de tonnes)
4- Brésil (9,7 millions de tonnes)
5- USA (9,1 millions de tonnes)
6- Russie (6,7 millions de tonnes)
7- Mexique (5,1 millions de tonnes)
8- Indonésie (3, 8 millions de tonnes)

Principaux pays exportateurs de sucre :
1- Brésil (13,8 millions de tonnes)
2- Union européenne (5,9 millions de tonnes)
3- Thaïlande (4,1 millions de tonnes)
4- Australie (4 millions de tonnes)
5- Cuba (1,8 million de tonnes)
6- Inde (1,8 million de tonnes)
7- Colombie (1,3 million de tonnes)
8- Guatemala (1,3 million de tonnes)

Principaux pays importateurs :
1- Russie (4,7 millions de tonnes)
2- Union européenne (2,3 millions de tonnes)
3- Indonésie (1,7 million de tonnes)
4- Corée du Sud (1,6 million de tonnes)
5- Japon (1,6 million de tonnes)
6- USA (1,5 million de tonnes)
7- Malaisie (1,5 million de tonnes)
8- Canada (1,3 million de tonnes)

Source : Centre d’études et de documentation du sucre - Mémo Statistique décembre 2003- www.lesucre.com


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus