Maurice - Energie renouvelable

Ethanol : les planteurs maîtres du jeu

28 juin 2008

Paru sous le titre ’L’éthanol en eaux troubles’, cet article de notre confrère mauricien ’L’Express’ montre toute la différence de statut qu’il existe entre les planteurs mauriciens et les planteurs réunionnais. A Maurice, les planteurs sont en effet d’ores et déjà assurer d’être actionnaire de la future raffinerie d’éthanol, à hauteur de 35%.

« Alcodis est disposé à offrir aux petits et moyens planteurs une participation de 40% dans son unité de production d’éthanol, c’est-à-dire 5% de plus que ne leur offrirait l’industrie sucrière ». Cette phrase lancée (avant-hier) par Michel Moreau, directeur général d’Alcodis, est en fait une déclaration de guerre face à la nouvelle stratégie de l’industrie sucrière.

Cette guerre pourrait retarder l’adoption de l’éthanol, car l’Etat pourrait hésiter longuement entre Alcodis et les sucriers qui brandissent déjà le Multi Annual Adaptation Strategic Plan (MAAS). Ils parlent également d’une production d’éthanol moins cher à travers leur excès de vapeur et la formule de flexi factory. Mais l’industrie sucrière ne serait pas en mesure de donner au pays de l’éthanol immédiatement, ayant trop hésité dans le passé et n’ayant jamais pris le risque d’investir dans l’éthanol.

Tel n’est pas le cas avec le groupe Maurel qui, après avoir essuyé le refus de toutes les usines contactées pour une production d’éthanol, s’est lancé seul dans cette production avec un partenaire étranger.

Ainsi, Maurice, qui a déjà pris un retard certain dans l’utilisation de l’éthanol, voit aujourd’hui deux différents groupes sucriers s’intéresser à l’installation de deux différentes distilleries d’éthanol. Si ces projets se concrétisent, Alcodis qui a investi gros dans l’éthanol, se retrouverait sans une goutte de mélasse. Cette matière première appartient en grande partie aux petits et moyens planteurs qui sont aujourd’hui en mesure de décider de l’avenir de nouveaux projets.

Fuel et MTMD comptent sur la participation de 35% des petits et moyens planteurs de l’industrie sucrière pour s’assurer de la mélasse dont ils auront besoin pour faire tourner leur distillerie.

« Une porte de sortie »

« Dans le cadre de l’accord entre la Mauritius Sugar Planters Association (MSPA) et le gouvernement, 35% de l’actionnariat des raffineries et des distilleries d’éthanol, c’est-à-dire les nouvelles unités des sucreries, reviendront aux petits planteurs et aux travailleurs. Je trouve que cette intention de l’Etat est très correcte. Je crois aussi que ces planteurs auront intérêt à ce qu’il y ait un maximum de valeur ajoutée à la mélasse. Vendre ou transformer, je crois que ce sera une question de compétition, une question de rajouter un maximum de valeur à la canne, produite par les planteurs. C’est aux planteurs de décider », affirme Joseph Vaudin qui dira qu’il est prématuré de parler de fermeture d’Alcodis. C’est également pour s’assurer de la mélasse des petits et moyens planteurs qu’Alcodis leur a fait la proposition d’une participation de 40% dans sa distillerie.

Salil Roy, président d’une association de petits planteurs, ne dit ni oui, ni non à la proposition d’Alcodis. « Nous allons considérer toutes les options », dit cet homme qui s’emballe déjà pour une participation de 35% dans toute raffinerie d’éthanol que mettrait sur pied l’industrie sucrière. D’autant plus que ces planteurs n’auront pas à débourser de l’argent pour obtenir cette participation de 35%.

Quoi qu’il en soit, chaque distillerie qu’envisage de construire l’industrie sucrière nécessiterait un investissement d’environ 20 millions de dollars alors qu’une distillerie, Alcodis, est déjà opérationnelle. Elle est en mesure d’assurer au pays tout l’éthanol nécessaire, même si on passait à l’E20, c’est-à-dire 20% d’éthanol dans notre essence, affirment Lloyd Coombes, directeur exécutif d’Alcodis et Michel Moreau, le directeur général.

Les responsables d’Alcodis, affirme Michel Moreau, rencontrent des responsables du ministère du Commerce et ceux des Finances de même que la STC la semaine prochaine. Des renseignements glanés de sources sûres indiquent que le groupe Maurel, propriétaire à 50% d’Alcodis, cherche en ce moment un rendez-vous avec le Premier ministre.

Alcodis peut nous donner dans un bref délai de l’éthanol déshydraté, alors qu’il nous faut attendre au moins 1 an si on décidait de confier la production d’éthanol déshydraté aux sucriers. Mas ces derniers ont de solides arguments en leur faveur.

Contrairement à Alcodis, qui utilise de l’huile lourde dans ses chaudières, les sucreries, elles, ont de la mélasse. Elles n’ont pas à passer par un intermédiaire pour acheter leur mélasse, ou pour la transporter à côté de leur usine, et elles ont la faculté de modifier leur production d’éthanol en utilisant non seulement la mélasse, mais également la mélasse enrichie ou directement de jus de canne.
Devant ce dilemme qui pourrait même mettre en cause le plan stratégique de l’industrie sucrière, l’Etat pourrait adopter une porte de sortie en encourageant une participation d’Alcodis dans la production d’éthanol de l’industrie sucrière. Michel Moreau ne dit pas non à une telle participation, en ajoutant qu’Alcodis est détenu par le groupe Maurel et Alcogroup, un groupe international qui a une excellente expérience dans la production et la vente d’éthanol à travers le monde.

En effet, 25% de l’éthanol du monde sont produits par Alcogroup qui a des distilleries au Brésil, en Afrique du Sud et en Europe. Son expérience brésilienne lui permet d’aider à un transfert de technologie, même si le pays passait à l’E85 qui nécessiterait la transformation des moteurs.
Par ailleurs, Electricité de France Energie Nouvelle détient 25% de l’actionnariat d’Alcogroup.
Expérience et partenariat qui pourrait peser lourd quand l’Etat aura à opter pour un producteur d’éthanol.


La part des petits planteurs

Umesh Basant Rai, du ”Control Board”, explique que le pays produit chaque année en moyenne cinq millions de tonnes de cannes dont seules 3% deviennent de la mélasse. Ainsi, le pays obtient pour chaque récolte 150.000 tonnes de mélasse. Environ 30% de ce tonnage reviennent aux petits planteurs qui ont le droit de prendre cette mélasse sous forme d’argent ou alors sous forme de mélasse. Le pays consomme en fait 30.000 tonnes de mélasse (fabrication de rhum et d’aliments pour animaux - et exporte 120.000 tonnes. Le prix payé aux planteurs est déterminé par celui obtenu pour la mélasse sur le marché hollandais. Un différend avait surgi à propos de ce prix et un comité spécial avait été mis sur pied au “Control Board”. Résultat, les planteurs ont obtenu 45 millions de roupies de plus pour leur mélasse, soit 1.361 roupies par tonne de mélasse au lieu de 1.019 roupies la tonne. Si le pays passe à l’E 20, on aura besoin de 90.000 tonnes de mélasse pour produire l’éthanol nécessaire pour ce type de mélange. L’éthanol se négocie entre 500 à 600 dollars la tonne en ce moment. Maurice pourrait doubler sa capacité de production en adoptant la technique d’utiliser de la mélasse enrichie « qui produit 50% plus d’éthanol, mais qui réduirait de 8% notre production sucrière », affirme Joseph Vaudin, CEO de Fuel. Il ajoute que les sucriers seront tenus à produire une forte quantité de sucre blanc de par un accord passé avec un groupe allemand. Ainsi, une forte production d’éthanol au détriment du sucre ne sera pas possible avant 2015.

(Source : www.lexpress.mu)

Energies renouvelablesFilière canne-sucre-alcools-énergie

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus