Le pilier de l’agriculture à La Réunion joue sa survie

Filière canne-sucre-alcools-énergie : la transparence sur les profits pour augmenter le revenu des planteurs

3 octobre 2024, par Manuel Marchal

Ce 3 octobre, le préfet réunit les acteurs de la filière canne-sucre-alcools-énergie. Comment augmenter le revenu des planteurs, telle est la question principale. D’où la demande par la CGPER d’un audit de la filière pour une répartition plus équitable des richesses créées par la canne à sucre cultivée et récoltée par les planteurs.

Fin du quota sucrier depuis 2017, crise climatique et perturbation du commerce international sont les trois principaux facteurs qui expliquent les très grandes difficultés de la filière canne-sucre-alcools-énergie. La sécheresse s’est installée, elle favorise une chute des rendements. En zone irriguée, le besoin en eau est plus grand, le montant des factures augmente.
La crise COVID et la guerre en Ukraine ont fait monter des profits liés à la spéculation sur les matières premières. Les planteurs ont besoin d’intrants pour travailler, notamment le carburant et les engrais. L’augmentation de ces produits fait monter le coût de production. Les aides ne suffisent pas à couvrir cette hausse.
Cette situation internationale cause une hausse de l’inflation. Comme tous les Réunionnais, les planteurs subissent les conséquences de la hausse des produits de première nécessité alors que leurs recettes ne connaissent pas la même tendance.

« Impossible de continuer à travailler dans cette filière de cette manière »

Dans le cadre actuel de la filière, les revenus des planteurs proviennent de Tereos, de l’État et de l’Europe. Tereos détient le monopole de l’industrie de la transformation de la canne à sucre. Il est le seul acheteur des cannes à sucre récoltées par les planteurs. Le prix de référence pour une tonne de canne à sucre avec une richesse en sucre de 138 kilos par tonne de cannes est de 103 euros. L’industriel ne paie que 40 euros, une somme quasiment inchangée depuis plus de 20 ans. Les aides complètent pour atteindre 103 euros.
Sa contribution peut encore diminuer grâce à la formule de calcul utilisée. Elle pénalise les planteurs qui ont une canne riche en fibres. La masse livrée augmente, mais le prix diminue, car il dépend d’abord du taux de sucre. Si sa quantité dans le chargement ne baisse pas, c’est le cas de sa proportion. De plus, lorsque la récolte est mécanisée, le taux de sucre baisse également. Le recours aux machines pour récolter est en augmentation, car il est de plus en plus difficile d’embaucher des travailleurs saisonniers pour la coupe. Dans ce système, l’industriel est favorisé par rapport au planteur. C’est lui qui fixe la politique de la filière et il bénéficie de l’appui de l’État. C’est ce qu’avait souligné l’attitude du ministre présent lors des négociations de la Convention canne.
Dans une lettre adressée le 26 septembre dernier au préfet, aux présidents de la Région et du Département et aux ministres de l’Agriculture et des Outre-mer, la CGPER résume la situation : « Il est devenu impossible de continuer à travailler dans cette filière de cette manière, et nous demandons avec insistance un audit global pour examiner les voies et les moyens d’instaurer une répartition plus équitable de la richesse. »

Organiser la survie des planteurs

Cette répartition plus équitable de la richesse passe par la transparence sur tous les profits tirés de la canne à sucre récoltée par les planteurs. Tant que tout ne sera pas mis sur la table, la confiance nécessaire à de justes négociations ne pourra pas être établie.
C’est dans cette plus juste répartition que la filière peut organiser la survie des planteurs, les fournisseurs de la matière première indispensable à l’industrie de la canne à sucre à La Réunion.
Faute de changement, la tendance actuelle va continuer : les superficies plantées poursuivront leur recul, tandis que le nombre de planteurs baissera encore.
Le risque est de voir la récolte passer en dessous d’un million de tonnes de cannes à sucre. Se posera alors la question de la pérennité de deux usines sucrières à La Réunion, car cette industrie est dimensionnée pour traiter 2 millions de tonnes de cannes par an, soit un million de tonnes par usine.
Outre le fait qu’elle soit le pivot de l’agriculture réunionnaise, la canne à sucre est une culture riche en valorisation. Elle peut remplacer le plastique, le papier ou la biomasse importée. Elle a aussi un rôle très important dans la lutte contre l’érosion. Elle peut être un or vert pour La Réunion à condition que ceux qui la cultivent puissent vivre dignement de leur travail.

M.M.

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