Pérenniser une valeur sure pour l’avenir de La Réunion

Filière Canne-Sucre : objectif 2,5 millions de tonnes de canne en 2025

4 juillet 2007

Hier, c’est au musée Stella Matutina, dans ce lieu retraçant l’histoire agricole et industrielle de La Réunion, qu’a eu lieu la présentation du plan de développement de la canne à l’horizon 2025, suivie de la naissance officielle du CPCS (Comité Paritaire interprofessionnel de la Canne et du Sucre).
Organisée par le syndicat des industriels du sucre, en partenariat avec la Chambre d’Agriculture et les planteurs, la manifestation a réuni plusieurs centaines de personnes, planteurs, industriels, élus. « Le 3 juillet 2007 restera gravé dans l’histoire de la canne à La Réunion », soutient Xavier Thieblin, co-Président du CPCS, représentant des industriels.

Les deux co-présidents du CPCS, André Minatchy, représentant des planteurs et Xavier Thieblin, représentant des industriels.
(photos S.P.)

Pour répondre aux défis actuels de pérennité économique, d’aménagement du territoire et d’environnement, les producteurs de canne et les industriels ont décidé de mettre en œuvre un plan de développement de la filière canne dont « l’objectif est d’atteindre 2,5 millions de tonnes de cannes à horizon 2025 », précise Bernard de Ranchin, Secrétaire du comité de pilotage canne qui a été chargé de mettre en place ce plan de développement.
Depuis 2004, le comité de pilotage n’a cessé de travailler à l’élaboration de ce plan de développement canne. La première action a été de réaliser en 2004-2005 un Mémorandum dans le cadre de la réforme de l’OCM-Sucre. Puis, en 2005-2006, le comité a participé à l’élaboration des Cahiers de l’agriculture avec le Département, et la Convention canne. Enfin, cette année, le projet a été discuté avec les différents acteurs de la filière, du planteur au technicien des pôles canne. « Il était nécessaire de négocier et de réfléchir sur l’avenir de la canne. Cette convention s’inscrit donc dans la durée, perspective 2025 », insiste Bernard de Ranchin.
Ce plan s’appuiera sur des financements du Programme Opérationnel Européen 2007-2013 (FEADER), ainsi que sur le prochain SAR (Schéma d’Aménagement Régional) qui devra reconduire les principes de densification des espaces urbains et de protection des espaces agricoles.

Objectif : « Pérenniser la filière canne »

C’est l’objectif fixé par le plan de développement canne, et pour y parvenir, « il faut améliorer et garantir aux planteurs un revenu décent. Mais il est essentiel de chacun y trouve son compte, donc, en parallèle, il faut augmenter la productivité des sucreries », estime le secrétaire du comité de pilotage. Et c’est en bâtissant une interprofession dynamique et durable que planteurs et industriels pourront mener des actions communes pour le développement de la filière.
La première étape sera de protéger, de reconquérir et d’aménager les terres agricoles. « Cela passera par la création d’un stock foncier de façon à agrandir les exploitations. Mais aussi par la mise en place de ZAP (Zones Agricoles Protégées) qui seront sous surveillance accrue, il est essentiel de protéger les terres à fort potentiel ».
Un travail sera mené en collaboration avec les communes afin de reconquérir les terres en friche ou sous-exploitées. Cela permettra, à terme, d’augmenter la surface de production, agrandir les exploitations et installer des nouveaux agriculteurs. L’objectif est de récupérer 200 hectares de terre en friche par an, 400 hectares de terre sous cultivée et 200 hectares de nouvelle terre.
D’autre part, Jean-Yves Minatchy, président de la Chambre d’agriculture, insiste sur la nécessité de développer la récolte de la canne par la mécanisation, car « les coupeurs de canne actuels ont en moyenne entre 45 et 55 ans, et d’ici quelques années, il y aura vraiment une grande pénurie de main d’œuvre », d’où la nécessité de travailler sur la mécanisation de la récolte. Dans le plan de développement, l’objectif est de doubler la surface mécanisée à l’horizon 2014, soit 500 hectares de plus à mécaniser chaque année.

Reconquérir les surfaces agricoles

De plus, le volet “irrigation” tient une place importante : « Il s’agira de développer les périmètres irrigués et de soutenir la pratique de l’irrigation avec, à terme, 16.000 hectares de terre irrigués pour la canne ».
L’amélioration de la productivité sera obtenue grâce à une augmentation des surfaces en cannes et à une augmentation des rendements aux champs. Le plan prévoit également une réduction des consommations énergétiques, ainsi qu’une amélioration continue du process et enfin une recherche de nouvelles valorisations de la canne.
La mise en œuvre et la réussite de ce plan passeront par un double engagement solennel des collectivités locales et de l’Etat, d’une part, sur la protection du foncier agricole qui doit viser un objectif de 50.000 ha cultivés bien restructurés, et d’autre part, sur le financement des mesures d’accompagnement nécessaires à la modernisation de la filière.
Hier à Stella, La Réunion a parlé d’une même voix. Tous les acteurs vont œuvrer en faveur de cette filière qui a toujours fait notre principale richesse économique. Tous les planteurs de cannes et les industriels du sucre placent beaucoup d’espoir dans le CPCS (voir encadré) ainsi que dans le nouveau plan de développement de la filière canne. À l’aube de l’ouverture de la campagne sucrière qui s’annonce moyenne en raison de Gamède et de la période de sécheresse qui a suivi, espérons que le plus dur est derrière nous.

Sophie Périabe

Parmi les projets du plan de développement de la filière, la reconquête et la protection des terres agricoles.

Comité Paritaire interprofessionnel de la Canne et du Sucre

Un nouveau CPCS pour coordonner et rassembler

Mieux structuré, avec des acteurs qui œuvrent dans un but commun, le Comité Paritaire interprofessionnel de la Canne et du Sucre
(CPCS) pourra davantage faire valoir les intérêts de la filière tant auprès des collectivités locales, de l’Etat, de l’Europe et du grand public. « Ce nouveau comité renforce l’esprit de collaboration au sein de la filière, indique Xavier Thieblin, il permettra de mieux structurer les débats entre les membres ». Car il ne faut pas oublier que les relations n’ont pas toujours été bonnes entre les planteurs et les industriels du sucre.
Chacun, avec la signature de cette convention, souhaite désormais travailler ensemble, main dans la main, tout en faisant avancer ses intérêts, pour l’avenir de la canne à sucre.
Le nouveau Comité Paritaire interprofessionnel de la Canne et du Sucre comptera 12 membres titulaires (et 12 suppléants) au lieu de 10 dans l’ancien CPCS.
Les partenaires institutionnels, l’État en premier, seront étroitement associés à ces travaux.
L’interprofession sera l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics pour toutes les questions relatives à la filière : organisation, développement, défense du foncier agricole, amélioration de la productivité agricole...


Hermanus Verseijlen, directeur des Aides directes à la Commission européenne

« Continuer vos efforts et vous aurez le soutien de l’Europe »

Hermanus Verseijlen, Directeur des Aides directes, de la Gestion des marchés et de la Promotion des produits à la Commission Européenne, a tenu à faire le déplacement pour cette occasion et à saluer « le travail remarquable des acteurs de la filière canne réunionnaise. Ici, d’ailleurs, vous avez la particularité de travailler ensemble en incluant dans la chaîne les distributeurs, et c’est la première fois que je vois ça ». A noter qu’à ce titre, il est l’un des directeurs de la Direction générale de l’Agriculture, et cela l’amène à gérer d’importants fonds européens, notamment le POSEI qui finance une partie du développement agricole de La Réunion.
Par ailleurs, le responsable européen a souligné que Bruxelles avait déjà montré sa solidarité envers la filière canne réunionnaise et qu’elle était conscience de l’importance et des enjeux que cette filière pouvait représenter pour notre île. Il a donc encouragé les acteurs à « continuer vos efforts et vous aurez le soutien de l’Europe », a-t-il conclu.


Au fil des interventions

La filière canne sucre : l’avenir de La Réunion

L’histoire de La Réunion est intimement liée à l’épopée de la canne à sucre. Depuis le 18ème siècle, la vie économique et sociale s’est organisée autour de sa culture. Elle a traversé les siècles pour devenir l’un des piliers de l’économie locale.
Créatrice de richesse, la canne à sucre génère plus de 12.000 emplois et représente 80% de l’exportation réunionnaise. Avec près de 2 millions de tonnes de cannes traitées chaque année par les deux sucreries de l’île, usine de Bois Rouge et usine du Gol, La Réunion occupe la première place au rang des producteurs de sucre de canne en Europe.
Outre un atout pour l’économie, la canne à sucre s’avère être un véritable acteur du développement durable. D’ailleurs, la Région Réunion participe aux programmes de recherche menés actuellement dans le domaine du développement durable. « En effet, il est essentiel d’anticiper les évolutions, et de ce fait, nous soutenons les projets de recherche concernant la chimie verte, le biocarburant, etc... », a spécifié Maya Césari lors de son intervention hier. « La bagasse est une source d’autonomie énergétique pour notre île. Un quart de notre électricité est produit grâce à cette ressource renouvelable.
Demain, de nouvelles valorisations sont possibles à partir du jus, des fibres et de la mélasse. Ces nouvelles valorisations sont nombreuses et touchent l’énergie avec le bioéthanol, le secteur de la chimie verte ou les métiers de la filière plus traditionnels. Aucun végétal ne dispose aujourd’hui d’autant de richesses et de potentiel que la canne à sucre », a souligné Nassimah Dindar.
Par ailleurs, la canne à sucre protège les sols des cyclones et de l’érosion naturelle, permettant ainsi la survie des lagons. Elle représente un exutoire pour les déchets organiques, permettant ainsi de maintenir la pureté et l’alimentation des nappes phréatiques. C’est un atout pour notre environnement.
Outil d’aménagement du territoire, elle permet en effet d’occuper et de valoriser l’espace de façon optimale et participe au maintien de la qualité de notre cadre de vie.
Enfin, véritable attrait touristique, la canne est l’emblème des paysages réunionnais.
La canne à sucre est une richesse économique et une valeur sûre pour l’avenir de La Réunion. Dans un espace géographique restreint, c’est un levier d’aménagement du territoire.


Intervention de Maya Césari, représentante de la Région

Parler d’une même voix pour faire avancer l’intérêt général

Dans son allocution, Maya Césari a réaffirmé le soutien du Conseil régional à la filière et a précisé les modalités de cet appui à un secteur « qui participe à la cohésion sociale et au développement durable de La Réunion ».

Bien que n’étant plus directement compétente en matière agricole, la Région a tenu naturellement à participer à ce rendez-vous des acteurs de la filière canne, notre collectivité étant concernée au moins à trois niveaux : l’aménagement du territoire, la recherche et le développement économique.

- Sur le plan de l’aménagement du territoire, comme vous le savez, la Région est actuellement engagée dans les travaux d’élaboration du nouveau Schéma d’Aménagement Régional. Bien entendu, la question de la préservation des terres agricoles, et en particulier de la sole cannière, constitue l’un des enjeux du SAR. Au-delà des conclusions précises qui résulteront du groupe de travail qui a été constitué, je souhaiterais saisir cette occasion pour réaffirmer l’attachement de la collectivité aux principes inscrits dans le SAR de 1995 et qui, à nos yeux, demeurent impératifs : le rééquilibrage entre les micro-régions, la densification de l’habitat, la protection des terres agricoles et la préservation de l’environnement. Quelles que soient les interrogations légitimes sur l’avenir à long terme de la filière canne, nous pensons que la protection de 50.000 hectares des terres agricoles dont 27.000 à 30.000 hectares pour la sole cannière est un objectif prioritaire pour maintenir les équilibres économiques et environnementaux de La Réunion, notamment à partir de la multi-fonctionnalité de la filière canne, dans le cadre du développement durable de notre île. Sur ce plan, le SAR demeure plus que jamais le rempart pour faire face aux contraintes générées par la progression démographique et la pression de l’urbanisation. Les travaux de révision du SAR, et le respect de ces préconisations, constituent ainsi un test de sincérité pour tous les acteurs de l’aménagement à La Réunion.

- Sur le plan de la Recherche, la Région continue à accompagner les efforts engagés pour améliorer la productivité et ouvrir de nouveaux champs de valorisation de la filière. Je ne vous infligerai pas l’énumération des 12 programmes de recherche que nous finançons à travers le programme mis en œuvre par le CIRAD. Nous attachons bien évidemment une attention particulière aux filières émergentes de l’énergie ou du bio-carburant ; C’est dans cet esprit que nous avons contribué au programme de recherche sur l’acide aconitique. Mais nous pensons que ces nouvelles pistes de valorisation doivent se déployer dans le cadre de la garantie de la rentabilité économique et financière, du co-développement avec nos voisins et de la prise en compte des intérêts des planteurs.

- Enfin, sur le plan du Développement économique, notre réflexion doit s’inscrire dans la perspective d’une stratégie globale du développement durable de La Réunion, à un horizon de plusieurs décennies. C’est cette vision de long terme qu’entend porter le plan Réunionnais de Développement Durable (PR2D). Nous devons ainsi prendre en compte les évolutions du contexte national, européen et mondial qui vont peser sur le développement de La Réunion, et en particulier de l’agriculture et de la filière canne-sucre.

Comment ne pas évoquer la réforme de la PAC, les Accords de Partenariat économique, et l’échéance en 2014 de l’actuel Règlement sucrier dans le cadre de l’évolution du marché mondial du sucre ? Evoquer les incertitudes qui découlent de ces échéances, ce n’est pas jouer les Cassandre, mais tenter d’anticiper les évolutions possibles avec esprit de responsabilité. Pour reprendre l’adage, « Nous devons être raisonnablement lucides dans la réflexion et résolument optimistes dans l’action ». Nous avons la conviction que nous ne pourrons faire face à ces défis que si nous nous tenons à la pointe des avancées technologiques, de la Recherche et de l’Innovation. L’avenir de la filière canne repose en grande partie sur sa capacité à se maintenir à un niveau d’excellence, de développer sa multi-fonctionnalité, tout en veillant à la préservation d’un modèle social et au partage équitable des richesses, garants de la cohésion de la filière. Grâce au génie d’Emile Hugot, La Réunion avait atteint une réputation mondiale. Sommes-nous capables d’un nouveau saut qualitatif au moment où les contraintes de la compétitivité exigeront ce même niveau d’excellence ?

Cela ne sera possible que si l’ensemble des acteurs concernés est pleinement conscient de l’ampleur des défis à relever et de la nécessité de prendre en compte les intérêts de chacune des parties pour que les évolutions prévisibles ne se fassent pas au détriment des uns par rapport aux autres.

Dans cette perspective, la Région prend acte de la décision des représentants élus des usiniers et des planteurs de se constituer en interprofession. Cette organisation représentera une avancée pour la défense des intérêts de la profession en permettant à La Réunion de parler d’une même voix à Paris et à Bruxelles, à condition que l’intérêt général qu’elle devra représenter n’efface, ni ne masque les intérêts parfois contradictoires des différents acteurs... mais permettre au contraire de les assumer dans la justice, l’équité et la transparence... pour atteindre les équilibres permettant de les rendre compatibles.

C’est dans cet esprit que la Région - comme elle l’a fait à l’occasion des négociations du Règlement sucrier - continuera à accompagner les professionnels et à œuvrer en faveur d’une filière qui participe à la cohésion sociale et au développement durable de La Réunion.


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