Paul Vergès et la réforme de l’OCM-sucre

“Filière canne-sucre : quel avenir, dans 4 ans, après 2009 ?”

19 janvier 2006

Suite au débat qui a eu lieu avant-hier au Parlement européen sur le projet de réforme de l’OCM-sucre et à la veille du vote qui interviendra aujourd’hui à l’assemblée de Strasbourg sur le rapport de la commission Agriculture, le secrétariat parlementaire de Paul Vergès a publié hier un communiqué exposant le point de vue de l’élu réunionnais sur ce débat. On lira ce texte ci-après avec des intertitres de “Témoignages”.

"Le Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg, a procédé à l’examen des rapports sur la proposition de règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.

Un débat retardé

Le respect d’une procédure démocratique aurait voulu que l’organe législatif se prononce sur la réforme avant l’intervention de toute décision au niveau de l’exécutif.
Or, la discussion de la réforme au Parlement européen est intervenue après que le Conseil européen ait décidé des mesures essentielles du nouveau règlement. Chacun se souvient que le 23 novembre dernier, le Conseil a rendu publics ses arbitrages.
C’est d’ailleurs sur la base de ces orientations que se sont engagées les négociations du Sommet de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) à Hong-Kong, qui autorise une rediscussion dès 2009 avec les incidences sur le budget européen et la Politique agricole commune (PAC).
Le débat au Parlement européen a été systématiquement retardé. À l’évidence, tout a été fait pour qu’il intervienne après cette échéance.

Tout semble d’ores et déjà ficelé

C’est donc dans ces conditions, où tout semble d’ores et déjà ficelé, que le Parlement est saisi.
Cette situation, qui place le Parlement européen “devant le fait accompli”, a été dénoncée sur la quasi totalité des bancs. De nombreux députés européens, regrettant la “parodie du débat sur un sujet aussi majeur”, se sont interrogés sur la portée des rapports de la commission de l’Agriculture et du Développement rural.

Coalition PPE-PSE contre les plus petits producteurs de canne

Dans ce contexte, “où les jeux sont faits”, on s’oriente donc vers un vote de ces rapports du fait de l’alliance objective et du partage des pouvoirs entre les 2 grands groupes du Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE) d’une part et le Parti socialiste européen (PSE) d’autre part.
Cette coalition, affichée au cours de la campagne des élections européennes, fera passer la réforme à l’avantage des gros betteraviers français, allemands et belges et au détriment des plus petits pays producteurs de sucre de canne, y compris les Régions ultrapériphériques.

Une réforme funeste

Pour autant, les nombreuses critiques de la réforme émises par les représentants de ces 2 groupes révèlent que ce vote interviendra pour ce qui les concerne dans la résignation. Il interviendra en revanche, pour tous les autres groupes politiques, dans une hostilité affirmée et proclamée avec force au cours du débat.
Tous ont dénoncé une réforme funeste qui, pour répondre aux exigences du commerce mondial, sacrifie les intérêts humains avec la disparition en Europe de 100.000 emplois.

Les pays ACP trahis par l’UE

Tous déplorent le sort réservé aux pays ACP, trahis par l’Union européenne. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Bernard Lehideux, rapporteur pour la commission Développement, avait symboliquement demandé le retrait de son nom du rapport sur cette réforme et appelé ses collègues de la commission Développement à voter contre.
Tous s’inquiètent enfin des incertitudes nées des négociations au niveau du commerce mondial, qui risquent de précipiter dès 2009 nombre de pays vers la catastrophe.

Large résonance de la position de Paul Vergès

En ce sens, la position défendue par Paul Vergès a trouvé une large résonance sur l’ensemble des bancs.
Dans son intervention, le président Vergès a rappelé l’inquiétude particulièrement vive à l’Île de La Réunion, où la culture de la canne demeure la culture principale et fait vivre des milliers de personnes.
Tout en soulignant le travail accompli par la commission de l’Agriculture et son rapporteur, Jean-Claude Fruteau, et les modifications sensibles et positives au projet initial de réforme, il a appelé à la lucidité : "les mesures d’atténuation de cette réforme sont limitées dans le temps et apparaissent comme des mesures palliatives", a-t-il indiqué.
"Ces mesures n’ont d’autres objectifs que de faire accepter une réforme qui risque à terme d’avoir des effets catastrophiques", a-t-il proclamé.
Pour Paul Vergès, en définitive, le sort des Régions ultrapériphériques (RUP) rejoint celui des pays ACP. Si les modalités de mise en œuvre de la réforme les distingue, elles se rejoignent en effet dans "la soumission aux mêmes principes, d’une même réforme qui à terme produira les mêmes conséquences".

Pour un discours de vérité

Appelant à un discours de vérité , Paul Vergès a insisté sur le fait "qu’il est impossible de laisser croire que l’avenir est assuré". Cet avenir est d’autant moins garanti que, selon le président du Conseil régional, "les incertitudes sont nombreuses sur l’après 2013".
Et Paul Vergès d’interroger : "au-delà de la compensation communautaire insuffisante, quelle sera la part de la compensation nationale ? Et surtout, qu’en est-il de sa pérennisation au-delà de 2013 ?".
Pour le député européen, cette inquiétude est d’autant plus légitime que le Sommet de l’OMC à Hong Kong a laissé annoncer un nouveau débat à partir de 2009.
Dans ce contexte d’incertitudes, lorsque l’on sait qu’une souche de canne représente en moyenne 7 ans de récolte et qu’elle doit être suivie d’une nouvelle replantation, "comment maintenir la confiance nécessaire pour atteindre les objectifs de replantation", jusqu’à maintenant soutenus par l’Union européenne ?

Dans 4 ans, la fin du “prix d’intervention”

Mais pire, selon Paul Vergès, tout risque de se jouer au cours des 4 prochaines années.
En effet, c’est dans 4 ans que le “prix d’intervention” s’effacera devant la mise en œuvre d’un “prix de référence” qui lui succédera. Ce prix de référence étant un prix déterminé par le marché.
Dans ce nouveau contexte - et quelles que soient les clauses de sauvegarde, qui ont un effet limité -, qu’adviendra-t-il de la compensation ?
En définitive, c’est bien la sauvegarde d’une filière canne-sucre à La Réunion qui est posée. C’est pourquoi, Paul Vergès a confirmé qu’il s’abstiendrait jeudi sur les rapports de la commission de l’Agriculture et du Développement rural."


Zot la di...

Voici quelques phrases entendues au cours du débat de mardi au Parlement européen sur la réforme de l’OCM-sucre, dans lequel se sont exprimés une quarantaine d’orateurs.

o Salinas Garcia (PSE) :
"Il y a un double langage chez certains députés. Ils votent ici le rapport et rentrent chez eux le dénoncer... Nous n’avons jamais aimé cette réforme".

o Gklavakis Ioannis (PPE) : "On finira par abandonner la production ; cela commence déjà en Grèce".

o Berman Thijs (PSE) : "C’est un problème social qui est posé... Il faut mieux doter les fonds de restructuration et de reconversion".

o Braghetto (PPE) : "Notre satisfaction est modérée".

o Brezina Jan (PPE) : "Cette bataille a été perdue à l’OMC".

o Heeran Garcia Maria Esther (PPE) : "La discussion actuelle n’aura aucune influence sur une décision déjà prise... Nous n’aimons pas cet “accord moindre mal”".

o Podkanski Zdzislaw (UEN) : "Les pays pauvres et les nouveaux adhérents feront les frais de cette réforme, qui profitera aux plus gros... J’appelle à rejeter les 3 rapports".

o Masiel Jan Tadeusz : "Les agriculteurs et les nouveaux adhérents seront les premières victimes... Il faut dire non au transfert des quotas".

o Siekierski Czelaw Adam (PPE) : "C’est une réforme inacceptable qui favorise les gros producteurs".

o Tarabella Marc (PSE) : "Déréguler par le prix c’est favoriser les gros producteurs. C’est nuisible pour les petits producteurs et les petits pays".

o Sbarbati Luciana (ALDE) : "Les responsables c’est la France et l’Allemagne... Or, les usines de Pologne ont été achetées par les Allemands et les Français".

o Freitas Duarte (PPE) : "Cette réforme pose de graves problèmes. Elle protège plus les gros producteurs que les petits".

o Mc Guiness Mairead : "Nous sommes préoccupés... Il faut réfléchir aux conséquences pour les pays non développés".

o Kindermann Heinz : "Le parlement est mis devant le fait accompli... Malgré la compensation, ça reste un défi énorme".

o Van Den Berg (PSE) : "La décision est prise ; à quoi sert cette discussion au Parlement européen ?"

o Kartika Lyotard (GUE/NGL) : "Nous sommes contre. C’est une réforme funeste, avec des conséquences négatives... Cette réforme est catastrophique".

o Zapalowski (IND) : "Les pays ACP, les nouveaux pays adhérents ont été trompés et trahis".

o Didziokas Gintaras (UEN) : "Cette réforme ne profitera qu’aux multinationales".


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