Inquiétude de la Chambre d’agriculture sur la réforme de l’OCM-sucre

Guy Derand : « Comment les agriculteurs pourront-ils supporter une telle mesure ? »

23 juillet 2004

Hier, Guy Derand, président de la Chambre d’agriculture, s’est exprimé sur les propositions du rapport Fischler. Pour le secteur du sucre réunionnais, il a émis quelques suggestions, dont la constitution d’une délégation de professionnels réunionnais qui se rendrait jusqu’à Bruxelles.

Le rapport Fischler propose d’élaborer un modèle agricole durable pour l’Europe, grâce à la mise en place d’une nouvelle politique agricole commune (PAC), et notamment en réformant le secteur du sucre. Les producteurs réunionnais s’inquiètent dès lors de ce qui pourrait émaner d’une politique qui ne tiendrait pas compte de leur spécificité.
Guy Derand insiste sur le fait que les propositions du commissaire européen Fischler pour les DOM ne sont paradoxales. "Nous serons traités comme l’Europe, (...) mais les Régions ultra-périphériques seront traitées différemment", déclare le président de la Chambre d’agriculture, pour souligner le flou qui s’installe autour de ce dossier préoccupant.
La réforme proposée par Fischler est fondée sur la combinaison des éléments suivants : réduction “sensible” des prix, suppression des régimes d’intervention, réduction des quotas et possibilité de transférer des quotas. Le rapport dit par ailleurs que cela ne "devra pas se faire sans égard pour les revenus des producteurs, les intérêts des consommateurs et la situation du secteur de la transformation".
Pourtant, Guy Derand explique que la baisse de revenu chez les producteurs réunionnais représente à peu près 11%, alors "que le prix de la tonne de canne n’a pas bougé depuis 15 ans", poursuit-il. Et de continuer : "L’industriel, lui, s’en sort", notamment en termes de mesures d’écoulement.
L’enveloppe financière destinée à l’aide directe aux revenus des agriculteurs est de l’ordre de 27 millions d’euros... pour tout l’outre-mer. Les industriels se partageront 12 millions d’euros. Reste donc 15 millions d’euros pour toute la profession.

Pour une rencontre à Bruxelles

"Comment les agriculteurs pourront-ils supporter une telle mesure ?", demande Guy Derand. En fait, le premier perdant sera le petit exploitant, qui, même avec le montant compensatoire (60%), ne pourra supporter le poids d’une telle mesure. "Il faut une compensation intégrale" parce que l’agriculture réunionnaise présente des spécificités : l’éloignement, la petitesse des exploitations...
"Qu’est-ce qu’il y a derrière le traitement spécial" dont parle le rapport Fischler ?, rétorque Guy Derand. Il propose donc la constitution d’une délégation de professionnels réunionnais, qui se rendrait directement à Bruxelles. Le Conseil général ayant compétence en matière d’agriculture sucrière, un courrier sera transmis à Nassimah Dindar pour que les professionnels réunionnais, avec les députés européens, puissent se rendre au Parlement européen.
La délégation sera représentée par Eurodom, un consultant privé, qui représente déjà les DOM au niveau européen. Cette structure est par ailleurs dirigée par un Antillais, proche des dossiers agricoles de l’Outre-mer.

Bbj


50 organisations françaises se prononcent sur la réforme

"Vers une O.C.M. durable et solidaire"

Le projet de réforme de l’Organisation commune de marché du sucre (OCM) annoncé le 14 juillet dernier par la Commission européenne "aura des conséquences tant pour les producteurs et citoyens européens que pour les pays en développement". C’est ce que soulignent les organisations non gouvernementales (ONG) regroupées au sein de la "Plate-forme pour des agricultures durables et solidaires"( *) . Celles-ci appellent à une "réforme vers une OCM-sucre durable et solidaire".

Le projet actuel de la Commission s’inscrit dans la poursuite de la réforme de la PAC entamée en juin de l’année dernière pour des raisons de conformité avec les critères de l’Organisation mondiale du commerce. "Le projet", rappellent les ONG, "combine ainsi baisse des prix du sucre dans l’Union européenne, ouverture du marché européen et versement d’aides partiellement compensatoires aux producteurs européens... Cette orientation qui poursuit le démantèlement des organisations de marché va à l’encontre des demandes des membres de la plate-forme pour des agricultures durables et solidaires qui souhaitent la consolidation des régulations commerciales internationales".
Concernant la réforme de l’OCM-sucre, la plate-forme propose de "maintenir un système de quotas, répartis de façon équitable, et des prix rémunérateurs, seules mesures permettant le maintien de petits producteurs, indispensable pour l’équilibre économique dans l’UE, et l’obtention de revenus d’exportations significatifs pour les pays les moins avancés, mettre fin au dumping sur les marchés des pays en développement, et enfin appuyer le secteur sucrier des pays les moins avancés de façon à favoriser les petites exploitations, le développement de la transformation locale, ainsi que le respect des droits fondamentaux des coupeurs de cannes".
"La Politique agricole commune recèle des enjeux qui concernent non seulement les paysans, mais également l’ensemble des citoyens européens", rappellent les ONG. "Les organisations membres de la plate-forme pour des agricultures durables et solidaires appellent à une mobilisation large pour défendre une PAC solidaire et respectueuse de l’environnement", conclut le communiqué.

(*) Parmi les organisations membres de la plate-forme, on trouve notamment la Confédération paysanne, les Amis de la Terre, le MRJC, SUD, Max Havelaar France ou encore Action consommation.


Entretien avec l’animatrice de la "Plate-forme pour des agricultures durables et solidaires"

Anne-Laure Constantin : "Maintenir le prix du sucre dans l’intérêt de tous"

Animatrice de la "plate-forme pour des agricultures durables et solidaires", qui regroupe une cinquantaine d’ONG militant pour le maintien d’une Organisation commune du marché du sucre (OCM) équitable, Anne-Laure Constantin estime que "la préservation d’un système européen basé sur une maîtrise de l’offre et des prix rémunérateurs" correspond aux besoins des producteurs, qu’ils soient européens ou issus des pays les moins avancés.

Qu’est-ce qui vous alerte dans une éventuelle réforme de l’OCM-sucre en Europe ?

Anne-Laure Constantin : Ce qui est inquiétant, c’est que le niveau élevé des prix du sucre est une garantie pour les producteurs betteraviers européens, auxquels il garantit un niveau de ressource minimum, même si les surfaces exploitées sont limités, mais également pour les producteurs des pays les moins avancés. Actuellement, ceux-ci exportent leurs productions vers l’Union européenne à des prix bien supérieurs à ceux du marché mondial. Cette démarche commerciale solidaire est rare et doit être maintenue, et une baisse des prix du sucre priverait ces producteurs de ressources essentielles.

Par quel mécanisme les prix du sucre sont-ils fixés au sein de l’Union ?

- Le prix du sucre est soutenu par un système de protection aux frontières et des quotas. On n’importe du sucre au sein de l’UE qu’à un prix jusqu’à trois fois supérieur à celui du marché. Or, dans l’optique générale de négociations à l’OMC, qui plaide pour une suppression des barrières aux frontières, nous ne pourrons pas maintenir ce système. L’adoption de la proposition de réforme qui circule actuellement signifierait la fin du mécanisme.

Quel est l’intérêt de la "plate-forme pour des agricultures durables et solidaires" de s’investir dans ce débat ?

- Idéalement, nous militons pour le maintien d’un système de quotas et pour un contingentement des importations, qui garantirait aux producteurs un niveau minimum de revenus. Celui-ci s’appliquerait tant aux productions européennes qu’aux pays d’ACP (Afrique - Caraïbe - Pacifique, NDLR), qui bénéficient jusqu’à présent le plus de la fixation des prix du sucre dans l’UE. Associés à une cinquantaine d’organisations, sans lien avec les structures rattachées aux filières, nous soutenons une proposition qui veut permettre la mise en place d’échanges agricoles mondiaux équitables.


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