Un grand pays cannier n’a pas pu résister à la concurrence mondiale et mise désormais sur l’autosuffisance alimentaire et énergétique

Hawaii sacrifie la canne à sucre

23 janvier 2016, par Manuel Marchal

Jadis un pays à la pointe de la recherche et de la production sucrière, Hawaii a décidé d’abandonner la canne à sucre. La dernière plantation encore en activité a cumulé l’an dernier 30 millions de dollars de pertes. Pour exploiter 16.000 hectares et produire du sucre, elle n’avait besoin que de 675 personnes, ce qui en dit long sur la très forte productivité des travailleurs. Mais cela ne suffit pas à faire face à la concurrence d’autres pays au coût de production bien plus bas. Hawaii n’affronte plus seulement la concurrence des planteurs du Sud des États-Unis, elle est dans le marché mondial. L’archipel compte rebondir en affectant les anciennes plantations à la réalisation de l’autosuffisance alimentaire et énergétique.

Les plantations d’ananas remplacent des champs de canne à Hawaii. Malgré la mécanisation de grandes exploitation, un territoire des États-Unis n’a pas résisté à la concurrence mondiale.

C’est la dernière campagne sucrière à Hawaii, un État des États-Unis. La dernière plantation fermera ces portes cette année. Ce sera la fin d’une industrie qui a permis le décollage économique de Hawaii, et qui a également fait venir dans l’archipel des dizaines de milliers d’immigrants pour travailler dans les champs de canne.

Hawaii était une référence dans le domaine de la canne à sucre. Ces méthodes figuraient en bonne place dans les manuels d’agriculture, notamment au sujet de la mécanisation. Hawaii récoltait donc plusieurs millions de tonnes de cannes chaque année. Comme à La Réunion, la culture de la canne à sucre avait été à l’origine de l’arrivée de dizaines de milliers d’immigrants. Ils sont principalement venus du Japon, des Philippines, de Corée, de Chine et même du Portugal.

30 millions de dollars de perte en 2015

Mais cette année, c’est fini. Alexander & Baldwin a décidé de fermer la dernière plantation cette année. L’an prochain, les cannes ne seront plus livrées.

À elle seule, cette entreprise dispose de plus de 16.000 hectares plantées en canne dans l’île de Maui. Cette plantation fait vivre 675 travailleurs. Sa superficie représente plus de la moitié de la de la sole cannière à La Réunion. La concentration foncière n’a pas permis de réduire suffisamment les coûts de production pour lutter face à la concurrence. L’an dernier, Alexander & Baldwin a perdu 30 millions de dollars.

Une fois la coupe terminée, les 16.000 hectares seront divisés en petites exploitations pour produire des agrocarburants et des cultures vivrières.

Le Brésil est le premier producteur mondial de sucre. La Réunion devra se confronter à ce type de concurrent l’année prochaine.

« Le changement était inévitable »

Le monde politique s’est ému, mais n’a pas réussi à empêcher la fin de la canne à sucre à Hawaii.

Le sénateur Brian Schatz a dit qu’il était profondément attristé de cette nouvelle. Depuis 130 ans, la production de sucre à Hawaii était plus qu’un secteur économique, c’était un mode de vie et des générations de travailleurs ont contribué à la prospérité de notre État, a-t-il dit en substance dans une déclaration officielle.

Alan Arakawa, maire de Maui, dit que « ses pensées vont aux travailleurs qui vont perdre leur emploi, mais le changement était inévitable ».

Une nouvelle agriculture

D’autres productions comme la biomasse, les papayes, les avocats et le taro sont en cours d’expérimentation, et le maire est « très confiant que malgré la mort du sucre de canne, l’agriculture sera encore très vivante ici ».

Quant à la direction d’Alexander & Baldwin, elle a expérimenté des plantations de sorgho et d’autres graminées. Si le succès est au rendez-vous, alors ces nouvelles cultures soutiendront la volonté de Hawaii d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et énergétique.

La fin de 150 ans d’histoire

Alexander & Baldwin a été fondée il y a 145 ans. Elle produit du sucre et des ananas.

À La Réunion, c’est l’indépendance d’Haiti qui a amené la France à imposer la monoculture de la canne à sucre à La Réunion au début du 19e siècle. À Hawaii, c’est à partir de 1876 que l’industrie sucrière s’est grandement développée. Cette année-là, l’archipel a pu exporter son sucre vers les États-Unis. L’intégration s’est renforcée avec la transformation de ce pays en un État membre des États-Unis.

Pendant des décennies, le sucre était la principale ressource. L’arrivée de l’avion à réaction au milieu du siècle dernier a fait changer les choses. Il a considérablement raccourci la durée du voyage de la côte Ouest des États-Unis à Hawaii, ce qui a entraîné le développement du tourisme.

À Hawaii, les gains de productivité n’ont pas suffi. Cet État des États-Unis n’a pas de quota ni de prix garanti. La sanction a été un déclin inéluctable pour un des pays qui était une référence dans le domaine de la canne à sucre.

L’année prochaine, La Réunion devra faire face au marché mondial dans les mêmes conditions : sans quota ni prix garanti tout en étant intégrée à un grand pays occidental.

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Messages

  • Inévitable. Il faut arrêter de compter sur les aides et subventions. L’autonomie alimentaire et énergétique est une nécessité. Il faut diversifier la canne ; se tourner vers les biocarburants comme l’hetanol et augmenter les terres dédiés au maraîchage et à la culture céréalière (pour les espèces compatibles avec notre environnement). Pas d’autres solutions je pense.

  • TB vu, cela me réconforte de voir que les hawayens ne sont pas si stupides, et qu’ils ont enfin compris qu’il faut arrêter d’exporter du sucre mais plutôt de produire des fruits et légumes locaux, l’idéal bio enfin. Il n’y a qu’à voir les revages de la malbouffe là bas, les gens sont en surpoids, n’ont plus trop le style des vahinés ce Gaugin, comme les autres polynésiens français aussi hélas, les uns et les autres sont obèses et de plus diabétiques, dont dépendants de médicaments à vie. Quel gâchis. Vite changeons, osons franchir le cap, éduquons les petits. Notre avenir qu’on leur laissera. Arthur.


Témoignages - 80e année


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