Rencontre avec un planteur du Sud

« Il est nécessaire de simplifier le PGE »

28 novembre 2008, par Sophie Périabe

Planteur à la Ligne Paradis, Bernard Maratchia fait part de sa situation de chef d’entreprise agricole à quelques jours de la fin de la campagne sucrière 2008.

Bernard cultive environ 5 hectares de champ de cannes dont le rendement normal s’élève à 650 tonnes. (photo SP)

Bernard Maratchia a toujours cultivé la canne à sucre dans le quartier de la Ligne Paradis à Saint-Pierre. « Depui ke moin néna 3 an, papa té y enmèn a moin dans le chan. A 16 an, moin la kit lécol pou travay èk papa, é en 1987, moin la repri lexploitasion », nous apprend le planteur. Environ 5 hectares de champ de cannes dont le rendement normal s’élève à 650 tonnes. Mais depuis 3 ans, Bernard ne livre plus que 450 tonnes à l’usine du Gol à cause des différents travaux entrepris sur l’exploitation. « Cette année par exemple, moin la fé des aménagements pour que l’année prochaine, la coupeuse y gagne passe su mon terrain. Donc, seulement l’année prochaine, mi prévoi d’avoir un tonnage normal », explique Bernard.
Pour Bernard, cette campagne sucrière n’a pas été pire que les autres années, à part les quelques jours de blocage des transporteurs qui a entraîné un retard dans les livraisons. De plus, « à l’usine, il y avait beaucoup de pannes, donc on a perdu 1 à 2 jours à une semaine. Demain (ndlr - aujourd’hui) à 14h, sera décidée la date de fermeture de la campagne, nou espèr ke va lèss a nou o moin jusqu’au 15 décembre car néna bokou de planteurs la pri du retard à cause de la grève des transporteurs ».

Un frein à la replantation

L’année 2008 a aussi été marquée par l’application du PGE (Plan Global d’Exploitation) en juillet dernier, projet appliqué uniquement à La Réunion.
Concrètement, ce plan oblige les agriculteurs à fournir des factures “acquittées” pour obtenir les subventions européennes. Alors, fournir des factures est tout à fait normal, mais l’inconvénient est que « si mi achète un tracteur à crédit ou si mi demande d’encaisser le chèque plus tard, moin n’aura poin de facture acquittée et donc pas de subventions tout de suite ».
Autre exemple, si Bernard souhaite effectuer des travaux pour la replantation avec des outils qu’il possède, il faudra qu’il embauche quelqu’un pour les faire, car s’il les fait lui-même, pas de subventions. En effet, comment évaluer son propre travail ? Doit-il se facturer lui-même ?
Ce plan, auparavant bénéfique pour les planteurs, est devenu depuis juillet 2008 (avec l’obligation de fournir des factures acquittées) un frein à la replantation. Il serait donc nécessaire de le simplifier, selon le planteur.
Aujourd’hui à La Réunion, des fonds européens retournent dans les caisses des instances européennes à cause de la difficulté d’accès à ces fonds par les agriculteurs. En effet, selon Bernard, de nombreux planteurs préfèrent désormais avoir recours aux prêts des usiniers, qui s’élèvent à 1.000 euros par hectare pour l’aide à la replantation et à 3.000 euros pour les gros travaux. Sur ce montant, 20% sont une subvention des usiniers et 80% sont remboursés par le planteur sur 3 ans, sans intérêts. Notons que la subvention de l’UE peut s’élever jusqu’à 2.150 euros par hectare. Inutile de calculer le montant de ces fonds non utilisés.

Quel avenir ?

Concernant l’avenir de la canne à sucre à La Réunion, le planteur reste sceptique : « Sera dur, l’année prochaine, y fo nou négoci le pri du kWh issu de la bagasse, si y paye a nou kom y fo, sera un gain important pour le planteur ». Il faut savoir qu’aujourd’hui, le kWh issu de la bagasse est moins bien payé que le kWh issu du photovoltaïque.
« L’avenir de la canne, c’est aussi la mécanisation, car la main d’œuvre est de plus en plus difficile à trouver », conclut Bernard Maratchia.

 Sophie Périabe 

Filière canne-sucre-alcools-énergie

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