Élie Hoarau, secrétaire général du PCR

« Il faut une compensation maximum, financièrement et dans le temps »

15 juillet 2004

Le secrétaire général du PCR ne cache pas son inquiétude au sujet du règlement sucrier européen : une baisse régulière des prix et la suppression des quotas de sucre engendreraient « le plus grand bouleversement de l’économie réunionnaise ». Il craint « des conséquences sociales, économiques et environnementales très lourdes ». Élie Hoarau a répondu à quelques questions retranscrites ci-après.

Au moment où la Commission européenne doit se prononcer sur l’avenir de son organisation communautaire pour le sucre, qu’est-ce que La Réunion peut faire pour sauver sa production ?

Élie Hoarau : M. Franz Fischler va donner ses propositions notamment pour le nouveau règlement sucrier européen (OCM-sucre), qui devra être entériné ou modifié à un Conseil des ministres de l’agriculture, qui doit se tenir en septembre. Connaissant que M. Franz Fischler est sur le départ, que ses propositions de juillet seront ensuite soumises à l’approbation du Conseil des ministres, c’est donc le ministre français de l’Agriculture, M. Hervé Gaymard, qui devra se faire le porte-parole de l’outre-mer français et des régions ultra-périphériques (RUP) plus particulièrement.
Donc les Réunionnais savent désormais qui est l’interlocuteur efficace : c’est bien le ministre français de l’Agriculture.

Le Parlement aussi aura à se prononcer...

- Oui, mais la réponse définitive appartient au Conseil des ministres. Et compte tenu de l’évolution de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), il est désormais acquis que l’OCM va aller vers des modifications se rapprochant de plus en plus des règles de l’OMC. La tendance générale est de réguler la production par les prix et donc à aller vers une baisse régulière des prix - les prix n’étant plus soutenus - et vers la suppression des quotas de sucre. C’est la tendance de l’OMC. Le moins que l’on puisse prévoir est que Franz Fischler va faire un pas de plus, petit ou grand, dans cette direction.
À partir de là, il y a une menace considérable sur l’avenir de la canne. si rien n’est fait, nous allons vers le plus grand bouleversement de l’économie réunionnaise et cela aura des conséquences sociales, économiques et environnementales très lourdes.

On voit en ce moment que l’OMC n’arrive pas à se mettre d’accord sur sa politique agricole. Et d’une façon générale, les altermondialistes contestent vigoureusement les choix de l’OMC. Vous dites vous aussi "si rien n’est fait...", ce qui veut dire que rien n’est inéluctable : il y a toujours quelque chose à faire quand on pense aller dans une mauvaise direction. Alors que faire ?

- En dehors d’une prise de conscience collective de ce problème, il convient dans l’immédiat d’exiger les compensations maximum pour éviter le désastre : non seulement sur le plan financier, mais dans le temps. Il faut gagner le temps nécessaire à l’ensemble de la profession pour voir la mise en valeur de toutes les potentialités de la canne. C’est-à-dire utiliser au maximum la multifonctionnalité de la canne

Cela veut dire : préparer dès maintenant un certain nombre d’études à faire. Dans quels domaines ? Comment expliquer la “multifonctionnalité” de la canne ?

- En matière d’énergie par exemple, c’est le bio-éthanol ou la biomasse. Comme il s’agit d’énergies nouvelles, d’énergies renouvelables dont les émissions en gaz à effet de serre sont moindres que les énergies fossiles, il est certain que l’Europe et la France disposent de fonds - dont il conviendrait d’évaluer le volume - pour inciter les agriculteurs, les pays ou les régions à aller dans cette direction. Les études à mener sont à la fois techniques et d’opportunité financière. En matière d’énergie - je pense en particulier au bio-éthanol -, les pays ont montré que la chose est possible. Il reste à voir leur application à La Réunion. Pour la biomasse, les expériences et les centrales à bagasse montrent qu’il y a une possibilité. Ensuite, il y a le domaine de la sucrochimie, largement sous-exploré ici. Tout cela a pour but de voir comment sauver notre production de canne. Nous avons 26.000 hectares, une culture collective très ancienne, un couvert foncier très intéressant - peut-être irremplaçable... Nous devons voir comment sauver tout cela en utilisant la multifonctionnalité de la canne.

Cela va en effet demander du temps et des moyens financiers...

- D’où la demande d’une compensation maximum par les crédits de la PAC et par de nouveaux crédits, ceux prévus en particulier pour les énergies renouvelables et la sauvegarde de l’environnement. Qu’ils viennent de l’Union européenne ou de la France, ils doivent permettre aux planteurs de continuer à faire de la canne dans des conditions acceptables.
D’où la nécessité d’obtenir que le gouvernement français, le ministre de l’Agriculture, défende en Europe le principe de la compensation maximum, financièrement et dans le temps. Voilà ce que La Réunion doit obtenir dans l’épreuve actuelle.

Propos recueillis par P. David


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