Tereos bloque toujours alors que la visite de deux ministres est annoncée pour demain à La Réunion

Jean-Michel Moutama : « Ministre ou pas ministre, nous ne signerons pas une Convention canne contre les intérêts des planteurs »

6 juillet 2022, par Manuel Marchal

Hier à la Préfecture, les représentants des syndicats des planteurs ont rencontré ceux de l’industriel Tereos et le préfet. Aucun accord n’a été trouvé en raison du refus de Tereos d’accepter les propositions des planteurs qui revendiquent un revenu suffisant pour pérenniser une filière qui est la base de près de 20.000 emplois. Les syndicats proposent notamment une répartition des profits à 50 % pour près de 2500 planteurs et 50 % pour l’industriel Tereos une fois son point d’équilibre dépassé. Une nouvelle réunion est programmée aujourd’hui au même lieu, avec les mêmes participants et sur les mêmes sujets. Doivent y être en plus présentées les propositions d’Albioma et des rhumiers pour contribuer au prix de la canne.

La mobilisation des planteurs s’est amplifiée hier, avec une forte présence devant la Préfecture à l’occasion d’un nouveau round de discussion de la Convention canne qui dura toute la matinée. Pendant les discussions, des planteurs ont manifesté leur exaspération en déversant des cannes à sucre au rond-point de l’entrée Ouest de Saint-Denis. La coupe aurait déjà dû commencer, mais pas question de travailler sans connaître le prix auquel elle sera achetée par Tereos, et sans savoir combien gagneront les planteurs pour la recette bagasse payée par l’État, et pour la mélasse vendue par Tereos aux distilleries pour produire un rhum à Indication géographique protégée (IGP), reconnu mondialement.
Pour le moment, il est question d’un prix de base à 40,07 euros la tonne pour la durée de la Convention canne jusqu’en 2027. L’État a rappelé à Tereos la garantie que l’aide publique de 28 millions d’euros par an pourra être revue à la hausse en cas d’évolution négative de la situation économique. C’est un « filet de sécurité ». Cette aide est versée depuis 2017 pour compenser la suppression du quota sucrier. Mais, Tereos refuse de payer un prix plancher suffisamment rémunérateur pour les agriculteurs, pour qu’à la fin de la campagne sucrière, un planteur ne doive pas d’argent à l’usinier parce que la vente de ses cannes ne lui permet pas de rembourser l’avance de démarrage versée au début de la coupe.

Comment Tereos peut-il justifier un « point d’équilibre » à 7 millions d’euros ?

Les discussions ont également bloqué au niveau de la hausse du prix de la canne en fonction des bénéfices tirés par Tereos de la vente du sucre. L’industriel indique qu’il doit atteindre un point d’équilibre de 7 millions d’euros pour augmenter le prix de base de la canne. Mais cette somme est sujette à caution, compte tenu du refus persistant de Tereos de faire la transparence sur les profits tirés notamment de la transformation de la canne en sucres. Rappelons que la moitié de la production sucrière de La Réunion se composent de sucres spéciaux riches en bénéfices.
« Comment vérifier les 7 millions d’euros, même l’État n’a pas les moyens pour contrôler. On ne va pas continuer à croire Tereos sur parole, ce n’est comme cela que l’on mène une discussion d’une telle importance », indique Jean-Michel Moutama, président de la CGPER et membre de l’Intersyndicale.

Tereos refuse que près de 2500 planteurs aient droit à 50 % des profits

Les syndicats proposent une répartition des profits à 50 % pour près 2500 planteurs et 50 % pour l’industriel Tereos une fois le point d’équilibre dépassé. Mais Tereos la refuse.
« Notre proposition de partager moitié-moitié est vraiment le maximum que l’on puisse accorder à l’usinier. Avant 1969 c’était deux-tiers des bénéfices pour le planteur, et un tiers pour l’usinier », rappelle Jean-Michel Moutama. « Nous faisons donc un effort considérable pour accélérer la signature de la convention afin de démarrer la campagne sucrière dès que possible », souligne le dirigeant syndical.
La venue des ministres de l’Intérieur et des Outre-mer est annoncée jeudi. Un des objectifs de ce séjour est manifestement une séquence médiatique où un membre du gouvernement signera la Convention canne devant les caméras. C’est ce qu’il s’était passé en 2015, quand l’accord fut signé par Manuel Valls, Premier ministre en visite officielle à La Réunion à ce moment-là.
« Ministre ou pas ministre, nous ne signerons pas une convention qui va à l’encontre des intérêts des planteurs. Nous continuons la lutte, nous saluons la mobilisation chaque jour plus importante et nous ne lâcherons rien », conclut Jean-Michel Moutama.

Amplification de la mobilisation

Hier à Saint-Denis, la mobilisation s’est considérablement amplifiée. L’esplanade devant la Préfecture était remplie de planteurs. Outre le barrage filtrant à l’entrée Ouest de Saint-Denis, les planteurs ont continué la mobilisation dans l’après-midi après la sortie des discussions. Un convoi de tracteurs a défilé dans les rues de Saint-Denis jusqu’à Bellepierre. La circulation était donc considérablement perturbée aux deux entrées Ouest de Saint-Denis car dans le même temps un convoi de transporteurs venus rencontrer le préfet engorgeait la route nationale passant devant le siège de la représentation de l’Etat. Or, puisque le lobby du tout-automobile avait trouvé en Didier Robert en 2010 un soutien suffisamment efficace pour faire stopper le chantier du tram-train et utiliser l’argent qui y était consacré à une hypothétique route en mer, les Réunionnais sont contraints d’utiliser un réseau routier saturé pour se déplacer. Le moindre incident se traduit donc par des kilomètres d’embouteillages. Hier soir, la Préfecture a réagi en enjoignant les manifestants de ne pas perturber la circulation.
Aujourd’hui, les discussions reprennent entre les planteurs, Tereos et l’État. En plus de la poursuite du dialogue d’hier, cette rencontre fera également l’objet de la présentation des propositions d’Albioma et des rhumiers pour leur contribution au prix de la canne à sucre.

M.M.

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