Fermeture prolongée à Bois-Rouge et des travaux à l’abri des regards

L’expérimentation du passage à une seule usine sucrière ?

9 septembre 2009, par Manuel Marchal

Depuis plus d’une semaine, la centrale thermique de Bois-Rouge est arrêtée à la suite d’un incendie. Cela fait donc maintenant 10 jours que par la force des choses, la filière expérimente un fonctionnement à une seule usine. L’opacité qui entoure les travaux de remise en état et l’incertitude sur la date de redémarrage de l’usine rappellent que ce n’est pas la première fois que les événements amènent à des expérimentations. En 2007, les usiniers avaient importé de la mélasse du Pakistan pour produire du rhum à La Réunion et l’exporter vers l’Europe.

Cela fait maintenant 10 jours que la campagne sucrière se fait avec une seule usine à la suite d’un incendie dans la centrale thermique de Bois-Rouge.
Privée de la vapeur fournie gratuitement en échange de la bagasse, l’usine sucrière ne peut plus faire fonctionner ses installations. Pour le moment, pas dé réouverture dans l’immédiat. Peut-être la semaine prochaine si tout va bien.
Hier, une équipe de RFO-Télé voulait faire le point sur les réparations. Elle s’est vue refuser l’entrée dans l’usine pour des raisons de sécurité. Elle a pu observer quelques ouvriers à l’extérieur. Un responsable lui a fait un point. Il a donné une explication. Selon cette version officielle, les cartes des ordinateurs et autres machines électroniques sont nettoyées à l’eau puis séchées. Il s’agit d’enlever les dépôts de fumées. Cela est fait à 90%. Reste ensuite à tout revérifier et à tout redémarrer progressivement. Cela prend du temps car il faut à tout prix éviter un incident, a dit ce responsable. A chacun de se faire une opinion sur cette manière quelque peu inédite de réparer des composants électroniques touchés par la fumée d’un incendie. Mais sans doute est-ce plus simple que de faire venir en urgence des composants neufs identiques.
Ceci étant, par la force des choses, l’activité de la filière ne repose donc plus que sur une usine, le Gol. Et ce sont les planteurs qui font jouer la solidarité pour permettre à ceux qui ont coupé leurs cannes et qui doivent livrer pour Bois-Rouge de voir leurs cannes traitées au Gol. C’est cette solidarité qui permet donc de faire tourner la filière avec une seule usine, au prix de retards pris dont il est important de s’assurer qu’ils seront compensés par un prolongement de la campagne, ou par une augmentation de la capacité journalière de traitement une fois la situation revenue à la normale.
Nul doute que la mise en service de la Route des Tamarins permet de multiplier les allers-retours. On ose en effet imaginer les conséquences d’une telle situation si pareil incident avait eu lieu l’an dernier, avec des cachalots pris dans les embouteillages.

Le précédent de la mélasse du Pakistan

En tout cas, la panne de Bois-Rouge montre une nouvelle configuration de la filière, avec une seule usine. Et ce n’est pas la première fois que les événements permettent à l’usinier de tester quelques nouveautés dans la filière. En 2007, confronté à un manque de mélasse pour répondre aux demandes de ses clients, l’usinier a fait venir ce produit de la canne du Pakistan. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce ne sont pas tous les produits de la canne à sucre qui sont exclus des accords commerciaux entre l’Union européenne et les pays voisins mais un seul, le sucre. Il est donc légalement possible d’importer de la mélasse ou d’autres produits de la canne à La Réunion pour faire tourner l’industrie de la canne.
Une seule usine sucrière et l’importation de la mélasse d’un pays de l’océan Indien pour fabriquer du rhum et d’autres produits : gageons que ces expérimentations provoquées par des événements imprévus ne préfigurent pas ce que pourrait devenir la filière canne à La Réunion.

Manuel Marchal


La mélasse sera-t-elle importée de Tanzanie ?

Avec la fermeture prolongée de Bois-Rouge sans que l’on soit sûr que tout sera rattrapé, autant dire que l’on peut se demander déjà quel sera l’impact sur la récolte. Plus d’1,8 million de tonnes était prévue, allons-nous atteindre ce chiffre ou serons-nous plus proches de 1,5 million de tonnes ?
Pour le planteur, cette différence est une perte. Ce n’est pas la même chose pour l’usinier.
En 2007, avec une récolte de 1,5 million de tonnes de cannes, la production de sucre avait diminué de 38.400 tonnes par rapport à l’année précédente. Mais la production de rhum avait augmenté de 3.872 hectolitres d’alcool pur. Cette augmentation est due à l’importation par l’usinier de mélasse du Pakistan pour fabriquer du rhum à La Réunion. En vendant davantage de rhum, l’usinier a donc pu compenser une baisse du tonnage de sucre fabriqué.
Confronté au même problème, l’usinier importera-t-il encore de la mélasse du Pakistan ? Il a en effet à sa disposition une option a priori moins coûteuse : faire venir la mélasse de son usine de Tanzanie.


La fermeture de l’usine fâche les planteurs

La réouverture de l’usine de Bois-Rouge se fait attendre. En effet, près de 50 planteurs membres de la FDSEA se sont rendu lundi devant l’usine sucrière afin de demander des comptes à la Direction. Ils ont été reçus par Jean-François Moser, président-directeur général de la structure.

« Depuis la panne, c’est le silence à Bois-Rouge. Nous voulons savoir l’état d’avancement des travaux », indique Johnny Apaya, responsable administratif à la FDSEA. « On nous a annoncé que l’usine serait rouverte le 14 septembre, qu’en est-il ? », s’interroge le représentant. Cette interruption intervient à un mauvais moment pour ces agriculteurs. C’est à cette période qu’on entre dans le pic de la campagne sucrière. « Cet événement démobilise tout le monde », déplore-t-il. La rencontre avec les responsables de l’usine sucrière et de l’usine thermique n’a pour l’instant apporté aucune réponse concrète sur la date de reprise. « Ils n’ont pas pu nous donner de date précise », affirme Johnny Apaya.
Par ailleurs, l’inquiétude se fait croissante concernant les cannes déjà coupées. Selon Johnny Apaya, ce sont près de 15.000 tonnes de cannes qui jonchent les champs et qui perdent peu à peu en richesse au fur et à mesure que les jours passent. « Si ça continue, elles seront inexploitables », craignent les planteurs. Et pour eux, il est hors de question de les envoyer à l’usine du Gol. « L’usine est déjà à son maximum, ça ne servira à personne de la surcharger », explique le responsable administratif.

Imaz Press Réunion

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