Filière canne : vente du pôle spiritueux de Quartier Français par l’usinier

La Chambre d’agriculture pour le partage des richesses des alcools

11 février 2011

Au lendemain de l’annonce de la cession par l’usinier du pôle spiritueux du Groupe Quartier Français à une entreprise extérieure à La Réunion, la Chambre d’agriculture a donné sa position. Ce rachat crée une situation nouvelle sur laquelle la Chambre compte s’appuyer pour obtenir le versement d’une recette mélasse pour les planteurs.

« Tereos, en s’appropriant les usines sucrières, a cru qu’il était dans un pays conquis. Il n’a peut-être pas compris que la filière canne appartient à l’ensemble des Réunionnais et que des planteurs constituent un maillon essentiel qu’il ne faut pas sous-estimer », avertit Jean-Yves Minatchy. « Tereos et la Martiniquaise ont peut-être oublié que la mélasse produite ne se trouve pas "sous un galet". Ce sont des milliers de planteurs qui travaillent, dans des conditions difficiles, pour fournir la canne à sucre en donnant leur dos au soleil 365 jours de l’année ».
Au cours d’une conférence de presse ce matin à la Chambre d’agriculture de Saint-Pierre, en présence de quatre-vingt planteurs, le président de la Chambre d’agriculture, Jean-Yves Minatchy, est revenu sur la décision de Tereos de céder son pôle spiritueux à la Martiniquaise, deuxième groupe européen dans ce secteur d’activité.
Cette conférence de presse a été organisée à Saint-Pierre de façon symbolique. En effet, il semble que la société Isautier installée sur cette commune, serait associée à la Martiniquaise et qu’elle a fait part de son intérêt pour l’acquisition du GIE Rhum charrette.
Jusqu’à présent, la filière canne-sucre-rhum avançait avec une synergie malgré le nouvel actionnariat ou les nouveaux dirigeants.
Aujourd’hui, les planteurs qui livrent la matière première à savoir la mélasse, notent l’absence d’information préalable à leur l’égard de la part de Tereos sur la cession du pôle spiritueux. Ils constatent et prennent note de la cession du pôle spiritueux pour une somme située entre 150 et 200 millions d’euros. Ce montant montre que l’activité rhumerie est extrêmement rentable et en forte progression. Il est rare de trouver aujourd’hui à La Réunion un secteur aussi florissant.

Pour une recette mélasse

Les planteurs informent les nouveaux acquéreurs du pôle spiritueux qu’ils ont face à eux, des interlocuteurs et pas des moindres, ceux qui livrent la matière première la mélasse et qu’ils mettront tout en œuvre auprès de l’autorité de la concurrence et de l’Union européenne pour qu’ils perçoivent une recette alcool-mélasse.
« Nous ne connaissons pas les clauses d’achat entre Tereos et la Martiniquaise mais quelque soit les accords passés en ce qui concerne le prix de la mélasse, nous allons continuer à nous battre pour avoir une part légitime sur cette recette mélasse », affirme le président de la Chambre d’agriculture, « si Tereos a vendu la mélasse à un prix trop bas parce qu’il sacrifie l’avenir, alors tant pis pour lui : les planteurs réclameront une recette mélasse-alcool ».
« Tereos a toujours masqué la réalité des chiffres sur les distilleries en refusant de présenter les comptes financiers aux planteurs, qu’à cela ne tienne ! Les planteurs estiment que les éléments actuels rendent légitimes et confirment bien leur demande », ajoute Jean-Yves Minatchy.

Une industrie largement subventionnée

Il faut savoir que les rhums d’Outre-mer sont très faiblement taxés, ce qui permet de constituer des marges confortables pour les fabricants (voir encadré).
L’Europe a accepté cet avantage fiscal pour soutenir la filière canne et l’économie des DOM.
Cet avantage fera l’objet d’une évaluation en 2012 et si les distilleries locales ne souhaitent pas partager cette exonération avec les planteurs de canne, nous n’hésiterons pas à remettre en cause auprès de l’Union européenne et des autorités nationales la pertinence.
Au cours de la réunion de la CPCS (Commission paritaire de la canne et du sucre) d’hier après-midi, les représentants de la CGPER et de la Chambre d’agriculture ont pu réaffirmer leur revendication sur l’instauration d’une recette alcool-mélasse ainsi une demande d’éclaircissement sur les conditions de la cession du pôle spiritueux à la Martiniquaise.
Ce qui s’est passé renforce la conviction des planteurs sur la légitimité de leur demande. Aujourd’hui, c’est la première réunion que nous faisons à Saint-Pierre sur ce dossier et ce ne sera pas la dernière. Nous entrons aujourd’hui dans un combat historique et le temps où « béf Moka y travail et cheval y mang’ la fini », conclut Jean-Yves Minatchy.


13,74 millions de subventions pour les usiniers en 2009

Dans sa décision du 9 octobre 2007, l’Union européenne a autorisé la France à appliquer un taux d’accise réduit pour le rhum ’’traditionnel’’ produit dans ses départements d’outre-mer (2007/659/CE). Cette décision permet aux 3 distilleries de La Réunion de bénéficier d’un contingent d’exportation à droit d’accise réduit soit 859,24 euros par hectolitre d’alcool pur pour le rhum des DOM au lieu de 1514, 47 euros.
Pour la campagne 2009, La Réunion a un contingent de 20.700 HAP soit environ 13.744.800 euros.
À l’époque, l’Union européenne avait justifié cette décision selon les arguments suivants : « Le maintien dans les départements d’outre-mer de la filière canne-sucre-rhum est indispensable pour assurer l’équilibre économique et social de ceux-ci. En effet, dans les trois départements les plus concernés, La Réunion, la Guadeloupe et la Martinique, cette filière dégage un volume annuel de chiffres d’affaires d’environ 250 millions d’euros et assure environ 40.000 emplois, dont 22.000 emplois directs. Il convient aussi de noter l’impact positif qu’a la culture de la canne pour la préservation de l’environnement dans les départements d’outre-mer... Dès lors, le maintien par la France, par dérogation à l’article 90 du traité, d’un taux d’accise réduit sur le rhum "traditionnel" produit dans ses départements d’outre-mer est nécessaire et justifié en vue de ne pas mettre en péril leur développement ».
Il s’agit d’une véritable rente constituée grâce à un avantage fiscal spécial que l’État et l’Europe ont accordé aux rhums des DOM (réduction du droit d’accise).


« Le dossier le plus important »

Tereos a déjà reçu 2 alertes sur la capacité des planteurs à réagir :

- Alerte 1 : dans le conflit sur les méthodes d’échantillonnage où ils ont voulu imposer des surveillants lors de la campagne 2010. Après une semaine de blocage, il a dû changer son fusil d’épaule et accepter que se soit le CTICS qui régisse les plates-formes sucrières.

- Alerte 2 : pour le versement de la recette bagasse en fin de campagne 2010, Tereos n’a pas voulu versé la recette aux planteurs alors que l’argent dormait sur leur compte en banque depuis plus d’un mois. Une journée de manifestation a suffi pour obtenir le versement effectif en décembre 2010.
« Aujourd’hui, nous entrons dans la phase d’alerte 3 sur la revendication alcool-mélasse et c’est le dossier le plus important qui servira à établir des relations de travail avec ces nouveaux acteurs de la filière canne-sucre réunionnaise », affirme avec force Jean-Yves Minatchy.

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