L’échéance du 28 avril

La filière canne-sucre face à son avenir

27 avril 2005

Nous l’écrivions hier : la décision en appel que prendra jeudi l’OMC sur la plainte portée par trois pays contre l’Organisation communautaire du marché du sucre (OCM-Sucre) va influer sur le projet de réforme initié depuis juillet dernier par Bruxelles.

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Après ce jeudi 28 avril, la Commission européenne sera dans l’obligation de proposer un nouveau texte tenant compte de ce que décidera l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Celle-ci peut préconiser de plus fortes contraintes qui entraîneront des conséquences aggravées pour la filière réunionnaise.
Ceci étant, d’autres éléments liés à l’Europe et sa politique vont jouer. Il ne faut pas les sous-estimer.

De faibles garanties dans le Traité constitutionnel

Le premier de ces éléments est lié au Traité constitutionnel, objet du référendum du 29 mai prochain.
Il indique que "le Conseil adopte les actes en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultra périphériques sans nuire à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique de l’Union, y compris le marché intérieur et les politiques communes". La notion de “mesures spécifiques” telle qu’elle existait dans le Traité d’Amsterdam a disparu. Le Traité ne reconnaît plus le principe de la “préférence communautaire”. Deux modifications qui sont autant de reculs.
Un des principes de base de la réforme de l’OCM-Sucre réside en une proposition de baisse du prix du sucre. La Commission préconise une baisse finale de 37%. Pour compenser celle-ci, elle propose une aide compensatoire équivalente à 60% des pertes. Quelques dispositions spécifiques demeurent pour les RUP. Les acteurs de la filière réunionnaise réclament une compensation intégrale à 100%.
Les partisans du “oui” disent que cela sera possible avec le Traité constitutionnel. Ils affirment que celui-ci permet à l’État de compléter par une aide nationale la contribution européenne pour arriver, au final, à une compensation intégrale.
Par ces déclarations, les partisans du “oui” se montrent défaitistes et acceptent implicitement que l’Europe ne compense pas intégralement les pertes. Ils comptent sur les aides nationales pour arriver à un tel résultat.
Première question : est-ce que l’État français est prêt à faire un tel effort ? Les ministres successifs de l’Agriculture ne se sont jamais prononcés sur le sujet. Ils semblent ne pas envisager une telle hypothèse.
Ceci étant, est-on sûr que le Traité constitutionnel permet l’attribution d’aides nationales ?
Dans le traité, l’article 167 traite du problème des aides nationales. Il indique dans son paragraphe 2 que les aides que l’État allemand octroie à certaines de ses régions provenant de l’ex-Allemagne de l’Est sont compatibles avec les règles communautaires. Un peu plus loin, il écrit que les aides de la France à ses régions périphériques "peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur". Il y a entre les deux situations une différence de vocabulaire qui a fait dire à la réunion de dimanche à Sainte-Suzanne à un des intervenants : "ce qui est bon pou lé zallemands, lé pas bon pou nou ?".
Mais une autre question sera plus déterminante.

Le budget européen en baisse pour 2006/2013

Actuellement, l’Union européenne prépare son budget pour la période 2007/2013. Rien n’a encore été arrêté. La Commission a établi un projet des dépenses communautaires qui nécessite une contribution de chaque État représentant 1,24% de leur production intérieure brute (PIB). Actuellement leur contribution est de 1%. Or, sept pays membres parmi les plus gros contributeurs de l’Europe - dont la France - refusent de verser plus de 1%.
L’Union doit trouver un compromis et si elle arrive à le faire, elle le fera connaître début juin.
Il n’y a que deux possibilités : ou il y a un compromis ou il y en n’a pas. Mais dans un cas comme dans l’autre, Bruxelles devra réviser ses propositions de budget et les recalculer à la baisse.
Les deux secteurs où l’Union européenne dépense le plus - la Politique agricole commune et la politique régionale - subiront les effets de cette baisse.
Dans un sondage, 69% des agriculteurs français se disent favorables au “non”. Leurs craintes portent sur la réforme de la Politique agricole commune (PAC) qui entrera en vigueur en 2006, sur l’élargissement de l’Europe et sur les perspectives financières européennes pour 2007/2013.
La Réunion est globalement peu concernée par la réforme de la PAC, car comme les autres RUP, elle a obtenu certaines dérogations. Par contre, une baisse des fonds structurels sera catastrophique pour toute l’île et pour son agriculture.
Dans de telles conditions, pourra-t-on poursuivre et achever le basculement des eaux dont les planteurs de l’Ouest ont besoin ? Pourra-t-on encore financer toutes les dispositions liées au POSEIDOM ?

J. M.


Quand Jean-Claude Fruteau parle d’escroquerie à propos d’un tract du PCR

Une outrance injustifiée

Lors du débat de Télé-Réunion du mardi 19 avril, Jean-Claude Fruteau a brandi devant les auditeurs un tract diffusé par le Parti communiste réunionnais. Il a dit que c’était une "escroquerie" que d’écrire qu’avec le Traité constitutionnel, toutes les décisions concernant La Réunion seront prises sous la règle du vote à l’unanimité.
Dans le Traité constitutionnel, l’article 424 du chapitre 3 (le III-424) indique que compte tenu de la situation particulière des régions ultra périphériques, "le Conseil sur proposition de la Commission adopte des lois, lois-cadres, règlements et décisions européennes visant, en particulier, à fixer les conditions d’application de la Constitution à ces régions, y compris les politiques communes".
Le paragraphe 2 de ce même article précise les politiques où des adaptations sont possibles. Il cite : "les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques de l’agriculture et de la pêche, les conditions d’approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d’État et les conditions d’accès aux fonds à finalité structurelle et aux programmes horizontaux de l’Union".
Toutes ces politiques sont déterminantes pour La Réunion. Elles concernent : l’Octroi de mer, le régime de défiscalisation, les aides agricoles, les aides au transport du fret et des marchandises, les aides nationales, etc...
L’article 23 du Traité explique en son dernier paragraphe que "le Conseil statue à la majorité qualifiée sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement".
Or, comme nous l’indiquions un peu plus haut, l’article III-424 :
1) institue un régime à part pour les RUP,
2) précise les politiques que le Conseil pourra adapter.
Ne sommes-nous pas dans la situation précisée dans le dernier paragraphe de l’article 23, celle de cas spécifiés par la Constitution et qui implique qu’ils ne peuvent faire l’objet d’un vote à la majorité qualifiée ? Autrement dit, ils seraient soumis à un vote à l’unanimité ?
Enfin, c’est l’article 167 du traité qui aborde la question des aides nationales. Il indique dans son paragraphe 2 que "sont compatibles avec le marché intérieur ; (...) les aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne". Le paragraphe 3 du même article indique que "peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (...) les aides destinées (...) aux régions visées à l’article III-424", autrement les RUP. Ce qui dans un cas est considéré comme "compatibles" est, dans l’autre estimé comme pouvant "être considérées comme compatibles". Il y a une nuance qui a bien une signification et qui ne met pas les choses au même niveau.
Aussi, il est difficile de comprendre et d’admettre l’outrance d’un Jean-Claude Fruteau qui a donné l’impression d’ignorer les textes. Son attitude cache quoi ?


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