La campagne sucrière s’est ouverte

La filière dans l’attente de décisions de Bruxelles

29 juin 2004

Comment ne pas rapprocher deux éléments de l’actualité intervenant dans le même champ, celui du sucre ? D’une part l’ouverture de la campagne 2004/2005 à La Réunion et, de l’autre, “la frayeur” des producteurs mauriciens devant la probabilité de plus en plus grande d’une baisse de 37% du prix du sucre en 3 ans ?

Selon “le Quotidien” d’hier, Maurice a été destinataire de nouvelles propositions faites par Bruxelles aux pays ACP exportateurs de sucre vers l’UE. La Commission proposerait un prix du sucre de 329 euros en 2007 au lieu de 524 actuellement, soit une baisse de 37%. Selon le journal du Chaudron, cette information a fait réagir le sommet des chefs d’État des pays ACP réunis à Maputo qui ont demandé à l’Europe de respecter les engagements pris à leurs égards.
Bruxelles prépare depuis quelque temps son nouveau régime sucrier. Il le fait en devant tenir compte des principes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la plainte déposée auprès de celle-ci par le Brésil, qui conteste l’Organisation du marché communautaire du sucre (OMC-Sucre). La réforme qui sera mise en œuvre devrait déboucher sur une diminution des quotas de production et une baisse du prix.

Propositions plus défavorables

À la fin de l’année dernière, Bruxelles avait fait des premières propositions. En combinant l’information sur les prix actuellement offerts aux producteurs ACP - et les quotas alloués aux fournisseurs de ces pays - avec les réductions de prix proposés dans le cadre de l’option “baisse des prix”, développée dans le document de travail de la Commission sur les options pour la réforme du régime du sucre, Agritrade Sucre avait calculé les pertes de revenus que différents pays ACP subiraient. Maurice qui, avec 491.031 tonnes, est le plus gros fournisseur de sucre des pays ACP à l’Europe, verrait ses gains passer de 257 millions 152. 935 euros à 213 millions 598.485 euros dans une première phase (à 435 euros la tonne) et à 142 millions 398.990 euros dans une seconde phase (290 euros la tonne). Les autres pays producteurs (Belize, Congo, Côte d’Ivoire, Fidji, Guyana, Jamaïque, Barbade, Madagascar, Malawi, Swaziland, Tanzanie, Trinité & Tobago, Zimbabwe...) subiraient un phénomène identique. Les dernières propositions faites semblent être encore plus défavorables puisqu’au lieu d’un prix de 435 euros la tonne, Bruxelles proposerait 329 euros en 2007.
Si les évolutions décrites ci-dessus concernent un seul volet de l’Organisation du marché communautaire du Sucre (OMC-Sucre), celui des relations de l’UE avec les pays ACP, celles-ci auront nécessairement des répercussions sur le “règlement sucre” qui lui fixe les modalités de fonctionnement du marché (quota, prix) pour les producteurs européens y compris ceux de La Réunion.
Bruxelles prépare le prochain règlement sucrier (période 2006/2007 à 2012/2013). La Commission devrait faire connaître vers la mi-juillet ses propositions. Celles-ci pourraient préconiser à la fois une diminution des quotas et une baisse des prix. En effet, on voit mal l’UE appliquer d’autres règles que celles préconisées pour les pays ACP.

Un tournant décisif

La campagne sucrière s’ouvre donc à un moment où la filière peut connaître un tournant décisif.
Selon des experts, tout processus de réforme fera peser de graves menaces sur les petits États insulaires ACP producteurs de sucre. La Jamaïque, par exemple, perdrait l’ensemble de son industrie du sucre quels que soient les accords de réduction de prix de l’UE. Cela entraînerait le licenciement d’environ 32.000 travailleurs. En règle générale, la réforme du secteur du sucre détruirait l’emploi d’environ 99.000 travailleurs du sucre dans les pays ACP.
Quelles seraient les conséquences de la réforme ici à La Réunion quand on sait que la canne occupe 26.000 hectares de terre et 15.000 emplois directs ou indirects ? Or, il est connu qu’une souche de canne à une vie moyenne de 7 ans. Une replantation débutée cette année ne peut être “amortie” qu’au bout de sept campagnes. Lorsque la coupe sera terminée, combien seront-ils à replanter de la canne si une baisse du prix est annoncée d’ici deux semaines ?


Campagne sucrière : objectif, deux millions de cannes broyées

Moins bien qu’en 1961 ?

Toute la profession cannière se fixerait, croit-on savoir, d’augmenter sa production en passant de 1 million 911.000 tonnes de canne broyées en 2003/2004 à 2 millions, pour la campagne qui a démarré hier.
Lorsqu’on consulte les statistiques des années écoulées, on constate qu’en 1961, La Réunion avait produit 262.000 tonnes de sucre pour 2 millions 400.000 de tonnes de cannes broyées. C’est à la suite de cette production que fut lancé le mot d’ordre des 300.000 tonnes de sucre à produire, ceci sur la base d’une tonne par habitant, l’île comptant alors 300.000 habitants. Pour atteindre un tel objectif, le Conseil général avait décidé de refaire toutes les routes départementales, principalement celles conduisant vers les usines. On les avaient baptisées les “routes de la canne”.
Deux générations plus tard, nous sommes à chercher à retrouver le même niveau de production. Si il est vrai que le nombre de planteurs et la surface cultivée ont considérablement diminué (le total des hectares cultivés est passé de 35.000 à 26.000 en 20 ans), il faut aussi prendre en considération que des efforts ont été réalisés pour améliorer les moyens de production (dépierrage, irrigation, mécanisation, utilisation de meilleures variétés de cannes...). D’importants moyens financiers ont été mis à disposition.


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