Engrais

La flambée des prix provoque des remous

17 août 2007

Rentrée mouvementée pour le Préfet et le DAF. A peine revenus à pied d’œuvre, les voilà saisis d’une demande de réunion urgente d’un « CPiCS élargi », ajoutant à toute l’interprofession de la canne et du sucre, les représentants des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Motif des remous manifestés hier matin sur la plateforme de l’usine de Bois-Rouge : une hausse du prix des engrais, dont les coûts répercutés à La Réunion sont insupportables à la masse des petits et moyens planteurs.

Hier matin, de 7h à midi, des planteurs de la CGPER ont occupé la plateforme de l’usine de Bois-Rouge, interrompant les livraisons de cannes en provenance de la Mare et pente Sassy (Sainte-Marie) et de Beaufonds (Saint-Benoît). Leur colère est motivée par une hausse importante du prix de l’engrais. Dans un communiqué conjoint, en date du 15 août, la CGPER et la Chambre d’Agriculture signalent qu’elles ont demandé par courrier aux directions des deux usines, Bois-Rouge et le Gol, une réunion urgente de la CPiCS « entre représentants planteurs, chambre d’agriculture, usiniers et Etat pour dénouer cette augmentation néfaste à la filière. »
La CGPER signifie du même coup le refus des planteurs « d’être pris entre le marteau et l’enclume » et appelle à une mobilisation de l’ensemble de la filière « pour sortir de cette impasse et obtenir par tous les moyens une baisse du coût de l’engrais ».
L’engrais utilisé aux champs par les planteurs de cannes était fabriqué jusqu’à cette année dans deux unités distinctes, la S.I.ER au Port et la CanaviBotanica à Saint-Paul. Au terme du rachat de la S.I.E.R par les coopératives CANE, CoopAvirons et bientôt la SICALAIT, la Canavi a cessé de produire de l’engrais pour laisser cette activité à la SIER, qui n’existe plus en tant que telle mais comme groupement de ces trois coopératives, dirigé par M. Murat. Selon ce dernier, le regroupement a permis de tempérer la hausse et de diminuer les charges fixes, en particulier les coûts industriels, « réduits d’un tiers » explique-t-il (voir encadré).
La CGPER voit les choses différemment et dénonce « une situation de monopole » qui laisserait les mains libres à l’unique unité locale de production. Le syndicat des petits et moyens planteurs et éleveurs a demandé formellement hier dans une motion le « gel du prix de l’engrais » et une réunion urgente des acteurs, pour rechercher en particulier des voies de substitution de l’engrais par d’autres produits fertilisants : écume pour la matière organique, vinasse et cendres.
Ces sous-produits sont disponibles dans les usines sucrières et les unités thermiques de La Réunion. Peuvent-elles l’être en quantité suffisante ? Et à quel coût ?
C’est aussi pour répondre à ces questions que les industriels du sucre, réunis hier matin, demande à leur tour une réunion urgente de la CPiCS élargie. Les industriels du sucre disent dans un communiqué adopté hier à Bois-Rouge qu’ils ont « entendu la motion des planteurs de canne » et qu’ils « comprennent et partagent leur inquiétude concernant l’augmentation du prix des engrais ». Voilà au moins un sujet qui rapproche concrètement planteurs et usiniers, comme un cas d’école bien fait pour consolider l’interprofession de la canne et du sucre. Les industriels pour ce qui les concerne, envisageraient d’étudier « la possibilité d’importer des engrais des pays de la zone et la mise à disposition des vinasses (un sous-produit de la mélasse-Ndlr) et des cendres »... si toutefois ils obtiennent « les dérogations réglementaires pour autoriser leur épandage dans les plus brefs délais ».
Planteurs et usiniers semblent d’accord pour interpeller le groupement coopératif.
« Si cela peut nous permettre d’expliquer les choses, nous irons à cette réunion. Mais cette augmentation de prix n’est pas quelque chose de décidé à l’échelle de La Réunion » soutient pour sa part le directeur du groupement coopératif.
Il faudra au moins un débat approfondi pour en persuader tout le monde...

P. David


Hausse des prix des matières premières

Un air de déjà vu


Pour les dirigeants des coopératives importatrices des matières premières utilisées dans la fabrication d’engrais, la hausse de 80 à 100 euros/hectare répercutée à La Réunion est commandée par une hausse générale des matières premières dans le monde.
« La potasse a augmenté de 15% à 20%, l’azote de 20% à 25% et l’acide phosphorique de 70% selon les ratios issus du jeu de l’offre et de la demande. Et cette hausse, de 30% à 40% en moyenne, est démultipliée par une augmentation de 40% du fret vrac, due au fait qu’il y a de plus en plus de matières à transporter et pas assez de bateaux » avance quant à lui le directeur du groupement coopératif qui a racheté la S.I.E.R au début de l’année.
Pour cet intermédiaire, le fait que l’Inde ait décidé de garder pour sa consommation intérieure des matières auparavant destinées à l’exportation, et la fermeture de plusieurs unités de production européenne ont contribué au rétrécissement de l’offre. « Si nous n’avons pas augmenté les prix de 30% à 40%, c’est que nous avons pris un certain nombre d’initiatives, tels que des achats anticipés, pour consolider nos stocks et une baisse de un tiers des coûts industriels, du fait de la recomposition et de la concentration » soutient-il.
Il reste que la hausse répercutée est importante et que les mécanismes invoqués renvoient à ceux qui sont généralement avancés pour justifier les hausses de prix de matières premières considérées comme stratégiques. De celles dont les maîtres du marché mondial savent trop bien organiser la raréfaction et les fluctuations opportunes.
Si l’on suit le raisonnement des importateurs, une façon sûre de faire baisser les prix serait d’organiser la baisse de la demande, par la recherche de substituts. C’est la voie dans laquelle semble s’engager l’interprofession.

P. D.


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