Trois mois après la fin des quotas laitiers, des mesures d’urgence ne sortent pas de l’impasse : quels enseignements à 2 ans de la fin du quota pour le sucre à La Réunion

La France peut-elle s’opposer à l’Union européenne et à l’OMC ?

27 juillet 2015, par Manuel Marchal

Vendredi dernier, une rencontre a eu lieu entre le ministre de l’Agriculture, des représentants des producteurs de lait, et des industriels. Au cours de cette rencontre, un accord a été trouvé. Il donne aux producteurs de lait un prix garanti de 34 centimes par litre. Il sauve la situation pour deux mois au plus tard. Les 27 autres États de l’Union européenne et l’Organisation mondiale du Commerce accepteront-ils la remise en cause par la France des effets de la suppression des quotas qu’elle a votée ? Dans deux ans, la fin des quotas s’appliquera pour les producteurs de sucre. La filière demande 128 millions d’euros de subvention de l’État par an à partir de 2017. Les planteurs de betteraves, les autres États de l’Union européenne et l’OMC seront-ils d’accord ?

Dans deux ans, les planteurs de canne à sucre et les producteurs de sucre seront confrontés au même problème que les éleveurs laitiers aujourd’hui : la fin des quotas.

L’adhésion des pays de l’Union européenne à l’Organisation mondiale du commerce a des conséquences très concrètes pour les agriculteurs. Depuis les années 1960, les pays de l’UE ont décidé de mettre en commun leurs politiques agricoles en définissant la PAC. Cela a marqué la création d’un grand marché européen, fonctionnant sur la base des quotas. L’entrée des pays de l’Union européenne dans l’Organisation mondiale du commerce, OMC, a entraîné une remise en cause de cette politique. Il s’agit de se conformer au principe de la concurrence libre et non faussée, car l’orientation de l’OMC est la mondialisation ultra-libérale. C’est pourquoi dans deux ans, le sucre de La Réunion sera confrontée à la concurrence mondiale sans la protection du quota.

Prévisions optimistes de la Commission européenne

Dans d’autres productions agricoles, ce démantèlement est plus avancé. C’est le cas du lait. Les quotas ont cessé d’exister depuis le 1er avril 2015. Ces quotas pénalisaient les producteurs qui dépassaient la quantité fixée par avance. Ils devaient payer une amende. Ceci permettait de lutter contre la surproduction qui fait chuter les prix et disparaître les éleveurs les plus vulnérables.

Pour la Commission européenne, la fin des quotas pouvait se passer sans trop de casse. Dans un rapport du 13 juin 2014, elle présentait la mise en œuvre du « paquet lait », un règlement européen en vigueur depuis octobre 2012 [1]. En janvier 2014, elle estimait le prix moyen à plus de 40 euros le litre, en hausse de 17 % sur un an, soit un prix qui n’avait jamais été aussi élevé depuis 1977. Quant aux perspectives, elles apparaissaient « favorables » sur le court et moyen terme en Europe et dans le monde. « La demande mondiale reste dynamique, en particulier dans les économies émergentes », écrivait la Commission européenne.

Hausse des importations en France avant la fin des quotas

Du côté des éleveurs et des industriels, les prévisions étaient différentes. Le 20 janvier dernier, le « Figaro » relayait les craintes de la filière lait.

« “Les choses vont aller très rapidement, l’excès de production a déjà fait chuter les cours et va condamner plus du quart des producteurs de lait si rien n’est fait dans les 3 ans », prévient Emmanuel Vasseneix, vice-président de Syndilait, l’organisation professionnelle qui regroupe la majorité des fabricants de lait de consommation en France ».

Un mois plus tard, le 23 février, notre confrère mettait le doigt sur une conséquence de la fin des quotas :

« la hausse des importations d’Allemagne, des Pays-Bas et du Danemark inquiète éleveurs et producteurs. Ces pays comptent, en effet, des champions agressifs à l’export. Plusieurs enseignes françaises s’approvisionnent déjà auprès de ces groupes pour leur lait de consommation premier prix et leur emmental à marque de distributeur. Le rapport de forces s’est durci depuis six mois, l’embargo russe privant ces producteurs d’importants débouchés. Un litre de lait de consommation sur dix vendus en France est importé »

Prix d’intervention : 23 centimes par litre

Maintenant, la production est libre et les craintes se sont concrétisées avec l’effondrement du prix à 30 centimes par litre. Pourtant, à la différence du sucre, le lait bénéficie encore d’un prix d’intervention [2]. Mais il est bien trop faible par rapport au coût de production en France. Un rapport du Sénat publié le mois dernier [3] précise le niveau du prix d’intervention : « Concernant les produits laitiers, le prix est de 246,39 euros par 100 kg de beurre et 169,80 euros par 100 kg de lait écrémé en poudre. Cela correspond à 220/230 euros les 1 000 litres », ou 23 centimes par litre. C’est bien en dessous du minimum demandé par les éleveurs.

Prix garanti dans l’accord : 34 centimes par litre

Avec un prix du marché aux alentours de 30 euros par litre, nombreux sont en France les éleveurs condamnés à abandonner leur exploitation agricole. Vendredi dernier, une réunion a eu lieu au ministère de l’Agriculture entre le ministre, et les représentants de la filière lait. Les producteurs ont obtenu un prix garanti à 34 centimes par litre. C’est un minimum pour survivre, mais cela remet en cause le principe de la concurrence libre et non faussée. Cet accord est déjà contesté en France. Des industriels et des syndicats d’agriculteurs « estiment “impossible” de garantir un prix minimum d’achat et que l’accord trouvé au ministère de l’Agriculture ne concerne que les marques distributeurs et premier prix, pour le beurre, la crème, le lait de consommation (briques ou bouteilles), les yaourts nature et l’emmental », rapporte l’AFP.

L’UE d’accord pour augmenter de 50 % le prix ?

Dans le communiqué diffusé après la réunion du 24 juillet, le ministre a rappelé que les problèmes des éleveurs seront abordés lors du Conseil européen des ministres de l’Agriculture le 7 septembre prochain. Il est déterminé « à obtenir des mesures au niveau communautaire et notamment le relèvement du prix d’intervention ». La tâche apparaît énorme. Sur la base du rapport du Sénat, l’écart entre le prix d’intervention actuel et le prix minimum garanti aux éleveurs dans l’accord signé s’élève à 11 centimes. C’est comme si la France allait demander aux 27 autres pays européens une hausse de 50 % du prix de référence. La situation apparaît bien dans l’impasse, car les concurrents des Français ont la capacité de produire moins cher qu’en France. C’est ce que rappelle le « Journal du Dimanche » d’hier : « On ne peut pas dire aux producteurs qu’ils doivent évoluer dans un contexte mondialisé et garder des charges sociales ou fiscales typiquement françaises. En ce cas, on veut aussi des charges mondialisées, Thierry Roquefeuil, président de la fédération des producteurs (FNPL) ».

2017 : fin du quota sucrier à La Réunion

Trois mois après la suppression des quotas laitiers, la crise de suproduction fait vaciller des dizaines de milliers d’exploitations agricoles. Les moyens du gouvernement sont bien limités. Dans deux ans, c’est la fin du quota pour le sucre de La Réunion. À la différence du lait, le prix d’intervention n’existe plus. La filière demande 128 millions d’euros de subvention de l’État par an à partir de 2017.

Le gouvernement devra aussi faire face à 27 pays de l’UE et à l’Organisation mondiale du Commerce. Pour le moment, il n’existe qu’une certitude : la France a confirmé qu’il n’est pas question de revenir sur la fin du quota sucrier.

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Messages

  • L’adhésion de l’Union Européenne à l’OMC, (l’organisation mondiale du commerce) posera toujours des problèmes tant que tous les pays membres de cette organisation ne seront pas soumis ne seront pas soumis aux mêmes règles pour ce qui concerne ,le droit du travail ou le droit fiscal et d’une manière générale l’ensemble des règles économiques et sociales .

    Il y aura toujours des gens qui verront leurs marges bénéficiaires baisser parce que en face d’eux des producteurs agricoles ou industriels auront un coût de production inférieurs , soit parce que le coût de leur main d’oeuvre est moins élevées , soit parce que les salariés travaillent plus en gagnant moins , soit parce que les patrons feront des économies sur la santé de leur personnel , soit parce que ils auront un régime fiscal plus favorable , en payant moins d’impôt sur le revenus ou moins de taxes sur la valeur ajoutée ou autres .

    Il est vrai que certaines personnes peuvent accepter de réduire leurs marges bénéficiaires , et même accepter des conditions de travail plus difficiles et des situations souvent dangereuses , travailler plus longtemps pour des salaires moins avantageux pour avoir au moins le droit de survivre .
    Mais le fonctionnement d’une grande organisation internationale ne devrait pas être basée sur la loi de la jungle . En adhérant à l’OMC les Etats prennent également l’engagement d’appliquer un certain nombre de dispositions communes qui devraient permettre de maintenir un minimum d’équité et de justice dans les relations commerciales .

    Dans de nombreux pays membres de l’OMC , les salaires ne sont pas réglementés, la sécurité sociale parfois inexistante, et le temps et la durée du travail insuffisamment réglementé . Le travail des enfants existe encore et il n’y a pas d’âge maximum pour aller à la retraite etcet.....
    Dans ces conditions il ne faut pas s’étonner que leurs produits soient moins chers que ceux des européens et provoquent la faillite de ceux qui respectent un minimum de règles . Le problème de l’égalité des chances ou tout simplement de l’égalité réelle dans la compétition économique qui se pose aux membres de l’union se pose aussi au niveau mondial . Tant que tous les membres de l’union ou tous les Etats membres de l’OMC seront soumis à des règles différentes, le risque de crise grave telle que celle dans laquelle se trouvent actuellement les producteurs de laits et de viande en France existera toujours.

    Dans un monde sans frontières ni pour les hommes si pour les marchandises , dans un monde qui se mondialise chaque jour un peu plus , il faudrait aussi , un code international du travail et de la sécurité sociale , un code international de la fiscalité, un code international des banques etcet... et des moyens efficaces pour faire appliquer les règles communes par tout le monde . Malheureusement il y a encore beaucoup de travail sur la planche à ce niveau là , et si on baisse les bras la mondialisation pourrait avoir des conséquences plus perverses qu’avantageuses pour l’humanité et la ramener en définitive à l’époque où les plus puissants et les plus forts imposaient leurs lois en réduisant les autres à la misère .

  • La question n’est donc pas de savoir si la France peut s’opposer à l’Union européenne et à L’OMC pour venir en aide à ses agriculteurs qui sont mis en faillite par la concurrence des produits venus d’ailleurs que ce soit des pays d’Europe ou des autres membres de l’OMC, mais ce quelle pourrait faire pour que les relations commerciales de leurs ressortissants ne débouchent sur des situations de détresse telles que nous montre actuellement l’actualité en France .

    L’organisation internationale des nations unies compte 197 membres en incluant le Vatican , et sur ces 197 membres il y a 161 qu sont membres de L’OMC , soit plus de 82% de la communauté internationale . C’est dire l’importance de cette organisation dont le but est quand même de faire progresser l’Humanité .

    Mais quand on regarde les chiffres , on se rend compte que le progrès est loin d’être partagé par tout le monde . Dans la plus part des pays en voie de développement , on constate une dégradation des termes de l’échange au profit des pays les plus riches . Les revenus fournis par la vente de leurs matières premières par les pays pauvres ne leurs permettent plus d’accéder aux produits manufacturés vendus par les pays riches . Dans la plupart de ces pays on peut constater une dégradation de la situation sociale et économique , le revenu par habitant a baissé et entrainé la chute des indicateurs de développement humain que sont,l’accès à l’éducation , à la santé , à l’eau potable à l’électricité etcet...

    Certes, il y a des pays qui on carrément fait un bon en avant , ce sont la chine et les pays de l’Azie du Sud Est, l’ile Maurice qui se fait appeler maintenant le tigre de l’océan indien, et également le Brésil et certains pays d’Afrique qui exploitent des ressources pétrolières , mais dans ces pays que l’on considèrent maintenant comme émergeant le progrès a été réalisé sur la souffrance des plus démunis .
    Les chinois , le mauriciens , les indiens , les pakistanais par exemple travaillent beaucoup plus que les européens et souvent dans des conditions dangereuses .
    le temps de travail réglementaire est pus proche des 50 h par semaine que des 35h chez nous , pour un salaire qui atteint rarement l’équivalent de 200 euros par mois dans le meilleur des cas .
    Leur croissance économique s’est maintenue pendant que la notre dégringolait non seulement grâce à cette domination de l’homme par les plus forts au point que la majorité est retournée dans une situation proche de l’esclavage , mais aussi grâce des taux d’intérêt bancaire que nous considérerions comme rédhibitoires ou usuriers .
    Dans certains pays les enfants travaillent dès l’age de 8ans et la retraite est insignifiante (l’équivalent de 100 euros par mois dans le meilleur des cas ), et les conditions de travail sont épouvantables . Tout le monde peut se rappeler le nombre de morts causés il y deux ans par l’effondrement des usines de textile dans la région du Bengladesh et du Pakistan , et du nombre de morts dans certaines mines de charbons en Chine .

    C’est parce que ces pays dits émergeant ont pu vendre leur produits sur les marchés des pays riches d’Europe et d’Amérique du Nord pratiquement au même prix que ceux de ces derniers qu’ils ont pu dégager d’énormes profits qui ont pu maintenir leur croissance .
    Cette politique commerciale a été nuisible aux autres pays de l’OMC qui ont vu leur taux de croissance se réduire , certaines de leurs grandes entreprises se délocaliser pour profiter d’une main d’oeuvre nombreuse et sous payée et ’un taux d’imposition plus favorable ,et venir ensuite vendre les produits de leurs usines délocalisées sur leurs territoires nationaux , contribuant ainsi à l’aggravation de la crise dans leurs propres pays .

    Tout cela n’aurait pas été possible si tous les pays de la terre respectaient un minimum de règles communes qui respectent chaque être humain et lui permettent de vivre dignement des fruits de son travail, qui empêchent les abus de positions dominantes, qui permettent des transactions équilibrées dans lesquelles chacun réalise un véritable profit , qui permettent une péréquation pour que les régions handicapées par leurs difficultés géographiques et sociales ne soient pas broyées ou écrasées par l’application brutale de la loi du marché . L’organisation des marchés ne doit pas empêcher le maintien de certaines aides destinées aux plus défavorisés. Il est bien entendu normal que ce soit l’offre et la demande qui fixent les prix du marché. Mais on devrait également tenir compte des difficultés de chacun en fonction de leur spécificité et veiller à ce que chacun puisse retirer un juste profit de son travail . La construction européenne doit beaucoup à l’application de ces principes de garantie de prix et d’intervention en faveur des plus faibles . Si l’union européenne ne veut pas disparaitre dans une jungle sans merci crée par un mondialisme très libéral mais sans âme , sans solidarité et sans fraternité entre les hommes , elle doit peser de tout son pouvoir pour que soit mise en place rapidement une législation internationale qui permette un développement harmonieux de toute l’humanité . Et la France qui a été pendant les deux siècles qui viennent de s’écouler considérée comme une lumière pour le monde a une grande à prendre dans cette oeuvre.


Témoignages - 80e année


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