Élection sans surprise de Nassimah Dindar à la présidence

“La proximité” au détriment des grands dossiers

2 avril 2004

C’est sans surprise que Nassimah Dindar a été élue hier matin à la présidence du Conseil général. C’est la première femme à occuper un tel poste. Et l’on ne peut que s’en réjouir et la féliciter. Seule ombre au tableau : l’absence de prise en compte d’événements importants pour La Réunion, dans le “discours de politique générale” de la présidente. Des événements qui vont pourtant considérablement peser sur le développement de La Réunion : le transfert de compétences aux collectivités locales ; le financement de ces nouvelles compétences ; la gestion du RMI ou du RMA...

Lorsque Nassimah Dindar entre dans l’hémicycle du Conseil général, hier matin à 9 heures 45, elle est accueillie par les applaudissements des élus et du public. S’il y avait eu la moindre parcelle de suspense sur l’élection du président (ou de la présidente) du Département - inscrite à l’ordre du jour de la première séance plénière après les élections cantonales des 21 et 28 mars -, cette entrée triomphale la faisait disparaître en une fraction de seconde.
En guise d’introduction, Jean-Luc Poudroux, président sortant, retrace le bilan des six dernières années, basées sur "des politiques publiques novatrices". "Nous avons contribué à contenir la fracture sociale et à éviter que l’exclusion progresse sur notre île, même si des efforts restent encore à accomplir dans ce domaine très sensible".
Après un rapide tour d’horizon de ces "mesures novatrices", il conclut : "je forme le vœu que la nouvelle équipe à la tête du Département s’attache dès aujourd’hui à dégager la voie pour que chacun de nos compatriotes puisse se sentir mieux accompagné dans son travail ou dans sa vie de tous les jours". Une belle déclaration d’intention et de principes...
Et de donner une piste qu’il souhaiterait voir suivre : "je souhaiterais que nous ouvrions dès que possible le dossier de la couverture maladie universelle pour offrir à nos populations fragiles une véritable prise en charge de la dépense maladie afin que l’effort accompli par le précédent gouvernement soit complété par notre collectivité".
Après cette introduction-bilan, place au vote. Des opérations placées sous la présidence du doyen d’âge, André-Maurice Pihouée, et de la benjamine des élus, Monica Govindin.

Sans surprise

Jean-Luc Poudroux propose la candidature de Nassimah Dindar ; Jean-Claude Fruteau, pour le groupe socialiste et apparenté, celle de Patrick Lebreton, et Maurice Gironcel, pour le groupe Alliance et apparentés, celle d’Éric Fruteau.
Il n’aura fallu qu’un seul tour de scrutin pour que Nassimah Dindar soit officiellement élue présidente du Département, avec 30 voix, 11 se portant sur Éric Fruteau et 8 sur Patrick Lebreton. Et au 25ème bulletin “Nassimah Dindar”, applaudissements généralisés.
S’en suit le traditionnel défilé de félicitations, les embrassades, les effusions, la remise du bouquet...

Quelle décentralisation ?

Dans son “discours de politique générale”, celle qui explique ne pas être "une présidente providentielle" devait dire : "nous avons le devoir impérieux d’interpréter ce message démocratique très fort et d’apporter des réponses adéquates". Ce “message”, c’est celui lancé les 21 et 28 mars. On notera au passage la nécessité de "l’interpréter", comme si celui-ci n’avait pas été suffisamment clair.
Puis la nouvelle présidente parle des "réformes de fond indispensables", lesquelles amplifient "parfois injustement les efforts que doivent faire les plus démunis". Parfois, seulement ? Parmi ces réformes : "les retraites, la réforme de l’État, la décentralisation, l’avenir de notre système de santé, l’amélioration de notre système éducatif, et j’en passe...".
C’est la seule fois où le mot “décentralisation” est prononcé par la présidente. Enfin presque, puisqu’à la fin de son discours, elle parle de la décentralisation... "des actions de culture"....
La nouvelle présidente explique alors que ces réformes doivent se faire "dans la pédagogie, dans la concertation". Tiens, cela rappelle les propos de certains ministres, tenus dimanche soir...
Elle émet un regret : "plusieurs mesures, telles que la réforme de l’ASS auraient du être différées à La Réunion. C’est le propos que nous ferons remonter à Paris car c’est tout d’abord aux côtés de notre population que nous devons nous trouver".
Nassimah Dindar formule un souhait : "nécessité de ne plus voir la langue de bois, de ne plus raconter n’importe quoi, mais de dire la vérité et de redéfinir les bases d’un contrat social dans une Réunion qui a perdu tous repères".

Feuille de route

Nassimah Dindar évoque alors les "grands combats sociaux" que devra mener le Département :
o "défendre la CMU". Première mesure annoncée : "à titre transitoire, le département interviendra pour compenser les difficultés d’une CMU inégalitaire" ;
o l’accueil des très jeunes enfants (crèches ou autres), un appel a été lancé aux parlementaires sur ce sujet ;
o l’aide aux communes pour la rénovation des écoles primaires ;
o la construction de collèges ;
o l’accompagnement des étudiants avec des bourses ;
o remobilisation des acteurs de l’insertion comme l’ADI.
Du reste : la décentralisation, la gestion du RMI et du RMA... il n’en a pas été question. En revanche, il fut question de l’action du Département "en faveur de la création d’activités et d’emplois" dans l’agriculture, la pêche, le tourisme, les petites et moyennes entreprises commerciales ou artisanales... mais aussi les TIC (technologies de l’information et de la communication). Et de poursuivre sur la nécessité de "favoriser l’émergence d’une culture réunionnaise plurielle qui s’ancre dans son passé si riche au niveau du peuplement et s’ouvre aussi sur le monde pour partager l’enrichissement de l’esprit".
Sa conclusion est celle-ci : "solidarité, éducation, mobilité, développement économique et culturel, protection de l’environnement : ce sont là les bases de la cohésion de notre société". Et d’inviter tous les élus à "s’engager avec courage sur cette voie de l’effort pour que nos compatriotes vivent mieux et soient porteurs d’un grand projet pour une meilleure intégration dans la France, dans l’Europe et dans le monde". Exit, au passage, l’océan Indien...
Bref, un discours qui n’a pas abordé les thèmes extrêmement importants, comme, rappelons-le, celui du transfert de compétences. Ou de la réforme du règlement sucrier. Ou de l’élargissement de l’Europe. Etc.
Dommage. Très dommage.

D. B.


Les membres de la Commission permanente

o Les présidents : Nassimah Dindar (présidente) ; Cyrille Melchior (1er vice-président), Jean-Louis Lagourgue (2ème) Cyrille Hamilcaro (3ème) ; Ary Mondon (4ème), André-Maurice Pihouée (5ème) ; Serge Hoarau (6ème) ; Jean-Claude Lacouture (7ème) ; Michel Dennemont (8ème) ; Marc Boyer (9ème) ; Ibrahim Dindar (10ème) ; Bruno Mamindy-Pajany (11ème) ; Daniel Tholozan (12ème) ; Daniel Gonthier (13ème) ; Jean-Luc Poudroux (14ème). (tous sont UMP et apparentés).
o Les membres : pour l’UMP et apparentés : Jean-Marc Bénard ; Rico Floriant ; Pierre Heideger ; Paul Técher ; Jean-Marie Virapoullé ; pour le PS et apparentés : Patrick Lebreton ; Philippe Leconstant ; Jean-Jacques Vlody ; pour l’Alliance et apparentés : Éric Fruteau ; Maurice Gironcel ; Jean-Fred Gonthier ; Jean-Yves Langenier ; Graziella Leveneur ; Roland Robert ; Alain Zanéguy .
o Membres de la commission d’appel d’offres
Gino Ponin-Ballom ; Guy Sorrès ; Willy Tan (tous trois UMP et apparentés) Gérald Maillot (PS) ; Alain Armand (Mouvement La Réunion Autrement - Alliance).
o Les représentations et les délégations dans les commissions se feront lors de la première assemblée plénière, dans la semaine du 19 avril.


Une féministe présidente du Département

Au nom de la Fédération des élus écologistes, Marie-Cécile Seigle-Vatte a publié hier le communiqué suivant : "L’élection de Nassimah Dindar en tant que présidente du Conseil général marque une étape importante dans l’Histoire politique réunionnaise : elle est la première féministe à accéder à ce poste à La Réunion. Je tiens à lui exprimer mes plus sincères félicitations.
Même si nous appartenons à des courants politiques différents, nous avons appris à nous respecter au sein du Conseil municipal de Saint-Denis. Plus encore, nous menons des combats communs pour faire avancer la cause des femmes à La Réunion.
Nassimah a toutes les qualités pour faire de la politique différemment. Je suis sûre qu’elle contribuera à donner aux femmes réunionnaises toute leur place dans la vie politique".


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