Réunion du G90 à l’île Maurice

La réforme de l’OCM-Sucre jugée par les “pays en développement” : Langage de sourds ?

16 juillet 2004

Depuis l’Île Maurice où il a participé à la réunion du G90, le commissaire européen au Commerce, Pascal Lamy, combat catégoriquement l’idée de compensation liée à la baisse du prix du sucre. Il rejette aussi l’idée que les pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) puissent avoir une compensation égale aux régions ultra-périphériques de l’Union européenne (UE).

La seule chose qui intéresse les pays riches - Union européenne, États-Unis et G20, tous présents à la rencontre du G90 à Maurice - est de voir à quelles conditions les pays en développement seraient prêts à remettre sur les rails le "Doha Round", bloqué depuis Cancún. Le conseil général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se tient fin juillet pour relancer les négociations.
La réforme du régime sucrier implique une baisse de 37 % du prix du sucre, qui met en grand danger la production de nombreux pays pauvres (PMA, membres du G90), de Maurice et d’autres pays des régions ACP, qui réclament une compensation pour toute perte de revenus causée par la baisse de prix. "Compensation est un mot que je n’utilise pas car il a des implications juridiques précises", a répondu à “L’Express” (Maurice) le commissaire socialiste pour le Commerce après la réunion ministérielle du G90 qui s’est tenue le 13 juillet dans l’île sœur.
" L’Union européenne doit proposer des modalités d’amortissement sur le plan économique et social (...). On ne peut pas se limiter à dire que le prix baissera chez nous, qu’il baissera donc pour les autres aussi et débrouillez-vous avec cela", dit-il. Par ailleurs, le Commissaire européen récuse l’idée que les pays ACP puissent obtenir le même niveau de compensation que les régions ultra périphériques. "Les régions ultra périphériques font partie de l’UE. Le régime sucrier européen s’étend aux régions ultra périphériques. On ne peut pas s’attendre ipso facto à ce que ce qui s’étend à La Réunion soit étendu à Maurice", a-t-il déclaré à la presse mauricienne.
Implications juridiques ou pas, la question posée à de nombreux pays ACP par les règles inspirées de l’OMC est celle de la survie d’une production dont l’impact sur l’économie de ces pays est autrement plus importante que dans les économies européennes. Or les propositions annoncées par Franz Fischler sonnent le glas de l’industrie sucrière d’un bon nombre de pays ACP. Et la possibilité de voir ces propositions modifiées par la Commission européenne sont très minces.

Pays ACP et PMA prêts à riposter

Appliquée à l’Île Maurice, la réduction de prix proposée par la Commission européenne représenterait une baisse de revenus de 3 milliards de roupies par an pour le secteur du sucre mauricien, dont le prix passerait de 15.000 Rs la tonne actuellement à 10.000 Rs la tonne en 2007.
Les préoccupations mauriciennes ont été exprimées la semaine dernière aux ministres de l’Agriculture belge, autrichien et français par le vice-Premier ministre et ministre des Finances Pravind Jugnauth et par le ministre de l’Agriculture Nando Bodha, lors de leurs déplacements en Europe.
Dans le même temps, les pays ACP identifient une série d’actions visant à contrer la baisse du prix du sucre exporté vers l’Europe et allant jusqu’à envisager une contestation légale du plan de réforme de l’OCM-Sucre. Ils organiseront en octobre une réunion entre les ministres de l’Agriculture des pays ACP et leurs homologues européens, pour présenter les répercussions dévastatrices de la réforme de l’OCM-Sucre sur les économies des pays ACP et des pays les moins avancés (PMA).


Plate-forme commune du G-90 sur l’OMC

La réunion ministérielle du G-90 a pris fin mardi soir, au Centre des conférences de Grand Baie, dans le Nord de Maurice, avec l’adoption d’une plate-forme commune pour le groupe sur l’agenda de développement de Doha, cycle de négociation de l’OMC, a-t-on constaté sur place.
Cette plate-forme, a-t-on laissé entendre à Grand Baie, va guider la participation de cette alliance lors des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévues du 27 au 29 juillet à Genève. Selon le ministre mauricien des Affaires étrangères, Jayen Cuttaree, s’il y a une libéralisation du commerce, il faudra qu’elle soit multilatérale. Autrement, a-t-il dit, à l’issue de la réunion ministérielle, les membres du G-90 seront exclus du processus du commerce.
Dans la déclaration finale, les ministres ont affirmé que l’agriculture revêt une importance capitale pour le développement économique des États ACP et peut offrir à des millions de personnes la possibilité de sortir de la pauvreté. Dès lors, il faudrait impérativement que le cadre et les modalités finales à convenir traitent des trois piliers d’une manière équilibrée et équitable. Dans ce cadre, le G-90 demande la reconnaissance de l’importance des préférences existant de longue date. Les ministres demandent aussi que les préoccupations des pays en développement, importateurs nets de produits alimentaires, soient pleinement prises en compte dans l’élaboration des règles sur le crédit à l’exportation et l’aide alimentaire.
Pour les membres du G-90, le coton demeure une question vitale qui appelle à un règlement urgent. À cet égard, il insiste sur la nécessité de l’aborder en tant que question distincte et séparée et non pas dans le cadre des négociations globales sur l’agriculture. Concernant l’accès aux marchés pour les produits non agricoles, ils ont estimé qu’il est en contradiction avec le principe de "réciprocité" énoncé dans la Déclaration ministérielle de Doha. De ce fait, il aggrave la désindustrialisation et accentue le chômage et la pauvreté dans les pays du G-90. "Il faut prévoir un espace d’intervention et une flexibilité qui permette aux États membres du G-90 d’élaborer leurs politiques industrielles et de définir leurs objectifs nationaux en matière de développement", ont-ils déclaré.
Pour le secteur des services, les ministres du G-90 ont réclamé le droit de réglementer le commerce des services et de le libéraliser selon leurs orientations nationales. Finalement, ils ont réitéré l’appel aux membres de l’OMC pour qu’ils accordent le statut d’observateur permanent au Groupe des ACP, à l’Union africaine, ainsi qu’à leurs organisations intergouvernementales et régionales.


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