Moins de 1,2 million de tonnes récoltées prévues
La Réunion face à une récolte de canne à sucre historiquement basse : résultat de la stratégie de Tereos à La Réunion
9 décembre 2024, par
En 2024, la récolte de canne à sucre à La Réunion devrait tomber sous le seuil de 1,2 million de tonnes, le niveau le plus bas depuis au moins 50 ans. Cette chute sans précédent est le reflet d’une crise profonde touchant les planteurs, liée principalement à des revenus agricoles insuffisants. Ceci cause notamment une diminution des surfaces cultivées en canne à sucre d’environ 10 % depuis 2017, date de la fin du quota sucrier et de l’obligation faite à l’Union européenne d’acheter à un prix garanti et supérieur au cours mondial le sucre invendu. En 2013 peu après la décision de la suppression du quota sucrier réunionnais en 2017, Dacian Ciolos, Commissaire européen à l’Agriculture, avait été très clair : l’avenir de la filière dépendra dorénavant de la stratégie de l’industriel. Tereos porte donc une responsabilité dans le résultat catastrophique de la récolte 2024 de canne à sucre à La Réunion. La météo et le conflit social à Albioma sont des causes secondaires à ce résultat.
Depuis 2017, la suppression du quota sucrier et du prix d’intervention garanti en Europe a aggravé la situation des planteurs, fournisseurs de la matière première de la filière canne-sucre-alcools-énergie. Face à la concurrence des producteurs de sucre de betteraves et de cannes à sucre avec qui l’UE a signé des accords commerciaux, le sucre réunionnais ne bénéficie plus d’une protection sur son marché principal, l’Europe. Cette réforme, approuvée en 2013 par les ministres de l’Agriculture européens, dont la France, a une conséquence importante. Peu après cette décision, Dacian Ciolos, Commissaire européen à l’Agriculture, a affirmé que l’avenir de la filière canne-sucre-alcools-énergie dépendait désormais uniquement de la stratégie de l’industriel, Tereos, propriétaire unique de l’industrie de transformation de la canne. Autrement dit, l’industriel ne peut être exonéré de ses responsabilités dans cette campagne sucrière catastrophique. Ce résultat découle en grande partie de sa stratégie.
Depuis 2017, l’avenir de la filière dépend de la stratégie de Tereos à La Réunion
Les négociations de la Convention canne en 2021 ont montré un aperçu de cette stratégie. Tereos ne voulait rien lâcher pour augmenter le prix de la canne à sucre. C’est l’État qui a payé, avec une aide supplémentaire pour les planteurs de 14 millions d’euros. Le résultat est que pour une tonne de richesse en sucre de 13,9 livrée, les subventions représentent 60 % du prix payé au planteur pour la canne livrée, et l’argent versé par Tereos 40 %. L’industriel paie donc 40 % du prix de sa matière première.
A cela s’ajoute une formule de calcul du prix pénalisante pour le planteur car elle ne tient pas compte de l’évolution des variétés cultivées, de la pénurie de coupeurs de cannes qui oblige à toujours plus mécaniser avec des pertes en taux de sucre à la clé, et des gains de productivité de l’industriel dans l’extraction du sucre. Par exemple, à quantité de sucre égale, un planteur qui livre un chargement comprenant une masse de canne à sucre plus importante sera pénalisé car le taux de sucre sera inférieur. Ainsi, l’industriel paie sa matière première moins chère.
Deux études publiées cette année illustrent le résultat de cette stratégie.
Nombreux planteurs sous le seuil de pauvreté
Selon une étude d’AGRESTE publiée le 16 juillet 2024 — « Une pauvreté monétaire des ménages agricoles plus importante à La Réunion » — plus de 42 % des agriculteurs réunionnais vivaient en 2020 sous le seuil de pauvreté, un taux bien supérieur à celui des agriculteurs de France (16,2 %). En conséquence, pour continuer leur activité, les agriculteurs dépendent des revenus extérieurs à l’exploitation agricole apportés par le conjoint. En effet selon cette étude, seuls 31 % des revenus des ménages agricoles proviennent de leurs bénéfices agricoles, contre 46 % provenant d’autres activités professionnelles.
Les exploitations de canne à sucre sont parmi les plus vulnérables. Le niveau de vie moyen des planteurs est inférieur à celui des agriculteurs de l’île, atteignant un revenu médian de seulement 15 100 euros par an en 2020. Les exploitants isolés sont les plus touchés, avec un taux de pauvreté atteignant 62,1 %.
Réduction des surfaces cultivées
Une autre étude d’AGRESTE, publiée en juin 2024, souligne que 1 900 hectares de terres cultivées en canne à sucre ont disparu entre 2019 et 2023. Plus de 1 100 exploitations ont réduit leurs surfaces ou cessé totalement leur activité. Parmi elles, 342 exploitations, majoritairement spécialisées à 100 % en canne, ont cessé leur activité, souvent faute de repreneurs. Les petits planteurs, peu rentables, ont été particulièrement touchés : 58 % de ces exploitations affichaient des rendements inférieurs à 50 tonnes par hectare en 2020.
Les jeunes agriculteurs, pourtant indispensables à l’avenir de la filière, sont peu nombreux à se lancer dans la production. Les conditions économiques difficiles et la perspective d’un revenu précaire les dissuadent d’investir dans cette culture, devenue trop risquée.
M.M.
Messages
9 décembre 2024, 04:48, par Maillot joseph Luçay
Cela fait longtemps que la production de canne à sucre diminue à la Réunion , et on aura beau faire , on ne retrouvera jamais le niveau de production des années 1970 à 1980 alors que à cette époque on n’avait pas encore commencé les travaux de constructions des périmètres irrigués du bras et le basculement de l’eau de Est vers l’ouest . Quand on sait que le rendement de la canne à sucre peut être multipliée par 2 ou par trois dans les zones irriguées on peut s’interroger sur les raisons réelles de la baisse de production régulière constatée au cours de ces dernières années .
Certes il y a eu une réduction sensible de la surface affectée à la culture de canne mais cela ne suffit pas pour expliquer la baisse de production constatée actuellement
Beaucoup de bonne terre à canne ont été affectée à l’urbanisation ,. alors que beaucoup de mauvaise terre agricole qui aurait pu être urbanisée sont toujours affectées à l’agriculture ou sont abandonnées . Et la plus part des petits planteurs ne peuvent plus vivre uniquement du revenus de leur terre mais doivent délaisser leur champs pour exercer des activités complémentaires . Certains ont préféré abandonner leur exploitation pour vivre avec les aides publiques lorsque le revenu de leur travail s’est avéré être inférieur aux aides qu’ils pouvaient recevoir en qualité de chômeur .
Malheureusement on ne pourra changer les choses à ce niveau et la baisse de production de canne va probablement continuer .
Bien entendu on ne pourra pas abandonner la culture de la canne à la Réunion , mais devons nous continuer de la soutenir à perte ?. Si les petits planteurs ne peuvent plus vivre décemment avec la canne ne devrions nous pas les encourager à s’orienter vers d’autres cultures plus rentables si on leur donnent les moyens d’écouler leurs produits sur le marchés européens et internationaux ? . Nous consommons plus de 700000 tonnes de riz à la Réunion chaque année et la France et tous les pays de l’union européenne importent des millions de tonnes de riz par an , ne devrions nous pas encourager le remplacement de la culture de la canne par celle du riz .
L’avenir de l’agriculture à la réunion passe par une meilleure gestion de la terre disponible , Il faut orienter l’urbanisation vers les mauvaises terres agricoles , continuer d’augmenter les surfaces irriguées là où c’est possible, notamment dans l’Est de l’ile et dans les hauts de l’ouest et mettre en place des moyens pour permettre aux agriculteurs de transformer leurs produits à la réunion ou de les exporter en Europe et dans le monde . la culture de la canne ne doit pas être abandonnée là où elle peut être rentable mais les revenus doivent être mieux partagés entre les agriculteurs et les usiniers . Il faudrait peut être également revoir le régime d’imposition des terres agricoles et des revenus des agriculteurs .certains payent trop d’impôts d’autres n’en payent pas assez . l’outil de travail ne doit pas être pénalisé et l’imposition des revenus doit aussi tenir compte des aléas climatiques . Les agriculteurs ne doivent pas attendre des mois voire des années pour être indemnisés après un cyclone destructeurs et ils devraient pouvoir compter sur l’aide des institutions publiques pour remettre en état de production leur exploitation après un cyclone .