Suppression des quotas de sucre : les producteurs de betteraves inquiets

La vérité vient du Brésil

3 août 2013

Le 26 juin dernier, date de l’annonce de la suppression des quotas sucriers après 2017, notre confrère de ’l’Aisne nouvelle’ publiait un article dans lequel des planteurs de betteraves faisaient part de leur argumentation plaidant pour un report à 2020. Le Syndicat betteravier de l’Aisne soulignait les difficultés à être compétitifs vis-à-vis de l’Australie et du Brésil, ainsi qu’un changement fondamental : la disparition du prix minimum de la betterave. Voici de larges extraits de cet article.

Si la betterave en France a un meilleur rendement que la canne au Brésil, le coût de l’énergie plus élevé explique en grande partie une différence de 30% du coût de production à l’avantage des planteurs brésiliens.

2020. C’est le délai choisi par les producteurs de l’Aisne, afin d’avoir le « temps de se préparer à affronter la concurrence mondiale, particulièrement du Brésil et de l’Australie », annonce le syndicat betteravier de l’Aisne. Pour Emmanuel Pigeon, son directeur, « il faut (nous) laisser le temps d’améliorer la compétitivité du secteur ». Pour cela, un programme de recherche, Aker, a été mis en place (voir encadré). « L’enjeu va bien au-delà de la fin des quotas : il existe aujourd’hui un prix minimum garanti de la betterave, qui va disparaître. Les prix du marché sont bien inférieurs. » Un coup dur à prévoir pour les producteurs. D’autant qu’aujourd’hui, les coûts de production de la canne à sucre, au Brésil, sont de 30% inférieurs à ceux de la betterave en France. Difficile à affronter sans quotas. « Les quotas de sucre permettent de produire localement à un prix raisonnable dans l’Union européenne. C’est quelque chose qui risque de disparaître avec l’augmentation des importations », prédit Emmanuel Pigeon.

30%

« En terme de productivité, nous n’avons pas à rougir face aux Brésiliens ou aux Thaïlandais, nous avons des meilleurs rendements, le souci reste que les coûts de production en Europe, et notamment de l’énergie, reste plus élevés », renchérit Eric Lainé, président de la Conféréation générale des planteurs de betteraves. « Au Brésil, les coûts de production sont inférieurs à chez nous de 30%. On ne peut pas rivaliser. »
Plus que les syndicats, les producteurs sur le terrain redoutent la fin d’un privilège qui leur assure, chaque année, un revenu fixe. Stéphane Caudron cultive à Montigny-en-Arrouaise 70 hectares de betteraves. Même s’il n’a pas encore fait ses calculs, il sait qu’il ne pourra pas affronter des concurrents comme les producteurs brésiliens. « Pour l’instant on est protégé par un prix de la betterave fixé à l’avance, donc on est assuré, chaque année, d’avoir un revenu stable, ce qui n’est pas du tout le cas avec les céréales ».

À la différence de la betterave, une partie de la canne peut être utilisée pour produire l’énergie des sucreries, c’est la bagasse.
(photo Toniox)

Il est bien conscient que la canne est plus rentable, « ils n’ont pas à la replanter chaque année, et utilisent la bagasse (la tige de la canne à sucre) pour produire de l’énergie », assure Stéphane Caudron.

« Ça ne change rien... pour l’instant »

« Ça ne change rien... pour l’instant », relativise quant à lui Francis Caille. Installé à Guise, le producteur exploite 90 hectares en contrat avec Tereos. « Nous sommes sûrs d’écouler nos betteraves. » Reste à savoir le prix, qui suit le cours du marché. « Si les prix baissent, il n’est pas exclu qu’il y ait alors trop d’acteurs et que certains disparaissent », analyse l’exploitant. Pour lui, ce sont plus les groupes sucriers qui subiront le plus les conséquences. « Moi, je crois en l’avenir de la betterave et je suis prêt à faire le dos rond quelques années. » La suppression des quotas, l’adhérent de la FNSEA, principal syndicat agricole de l’Aisne, la souhaite donc, « la plus tard possible ». Mais certains, pensent déjà à une reconversion.

Tereos, coopérative de planteurs de betteraves, a réalisé l’an dernier 164 millions d’euros de profits au Brésil.
(photo Guarani)

L’avenir dépendra donc pour beaucoup des décisions finales de la future Politique agricole commune. La betterave ne peut, en effet, être cultivée tous les ans sur les mêmes champs. Les producteurs pratiquent donc l’assolement, pour la plupart, avec des céréales. Double peine pour eux, les aides de la PAC aux céréaliers risquent d’être remises en cause à leur tour par cette réforme de la PAC. La décision sur les quotas de sucre est donc d’autant plus attendue qu’ils espèrent garder, à minima, une partie de leurs revenus de manière certaine pour les années à venir.

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