Le marché des engrais sous la loi des cartels

17 juin 2008

Un article paru dans le ’Courrier international’ du 5-11 juin (n° 918) décrit les pratiques par lesquelles les plus gros cartels de la production d’engrais s’entendent entre eux - tout à fait légalement - pour fixer les tarifs d’exportation. Au détriment des paysans du monde entier qui, de toutes façons, feraient bien d’apprendre à se passer de ces produits, qui appauvrissent la terre.

« La flambée des prix des engrais, qui accompagne celle des denrées alimentaires, génère d’énormes profits pour les principaux producteurs de fertilisants, mais soulève la colère des paysans de la planète. De tous les intrants agricoles, ce sont ceux qui connaissent la plus forte inflation » écrit Lauren Etter dans le "Wall Street Journal" de New-York, cité par le "Courrier international".
Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture américain, le coût des engrais a augmenté de 65%, d’avril 2007 à avril 2008. C’est la plus forte augmentation parmi les intrants agricoles, devant le carburant (+ 43%), les semences (+ 30%), le bétail (+27%) ou les machines (+ 6,9%).
Cette situation a intrigué des politiques américains, qui ont demandé des enquêtes et celles-ci ont fait apparaître l’existence « d’une pièce étrange dans le puzzle des tarifs », une loi de 1918, le Webb-Pomerene Act, par laquelle les industriels peuvent s’entendre avec leurs concurrents pour fixer les prix d’un produit à l’exportation. Cette loi, qui a sans doute eu son utilité à l’époque, est aujourd’hui décrite comme un texte « obscur et dépassé ». C’est pourtant sur lui que s’appuient encore aujourd’hui les membres de la Phosphate Chemicals Association et ils ne sont pas les seuls puisque la Canpotex, au Canada, et le Belarus Potash Co, en Russie, déploient des pratiques similaires.
Mais les résultats sur les profits sont très nets : ils ont triplé en un an pour la Potash Corp. - également membre du cartel Canpotex - un producteur canadien qui affichait 566 millions de dollars de bénéfice au premier trimestre. Mosaic, un autre membre du même cartel, annonçait au dernier trimestre 2007 un résultat de 520,8 millions de dollars, « douze fois plus que l’année dernière » dit le "Wall Street Journal". « Selon la revue professionnelle Green Market, le prix du phosphate frise les 1000 dollars la tonne, contre 365 dollars l’an dernier, et la tonne de potasse est passée de 230 à plus de 700 dollars ».
Ces pratiques déclenchent la colère des agriculteurs du monde entier, qui sont plus ou moins écoutés par leur gouvernement : en Inde, en Chine, en Russie et au Brésil, des protestations s’élèvent pour réclamer plus de contrôle. « La Chine, après avoir d’abord protesté, a récemment accepté de payer 576 dollars la tonne de potasse au Canadien Canpotex, soit 400 dollars de plus qu’en 2007 » relève le "Wall Street Journal".
En théorie, les cartels n’ont pas le droit de s’entendre sur les prix. En réalité, tous s’alignent sur les hausses des concurrents.
Pour protéger les consommateurs américains la loi interdit aux membres de la Phosphate Chemicals association de s’entendre sur leur marché intérieur. Mais comme les prix à l’exportation servent de référence dans l’économie mondialisée, les agriculteurs américains sont sous le diktat du cartel.

MondialisationFilière canne-sucre-alcools-énergie

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus