Défenseurs de la filière canne

Les chercheurs se battent pour l’avenir

25 septembre 2004

Que de débats autour de ce bâton violacé ! Le séminaire du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement a pris fin hier. Pendant une semaine, des
ateliers ont réuni hommes et femmes convaincus de la nécessité de progresser dans la recherche, pour que les Réunionnais ne se voient pas amputés d’une culture qui leur apporte revenus et équilibre géographique. Nous publions dans cette page un résumé des débats les plus récents.

Une canne de plus en plus riche

Les pistes retenues par l’atelier “Amélioration et valorisation de la richesse des cannes” sont la poursuite de la recherche variétale sur le long terme, l’adaptation du choix des variétés à chaque situation et l’amélioration des techniques culturales, notamment pour la fertilisation.
Il importe d’identifier ce qui peut être fait de façon simple, avec de faibles coûts. Un système doit être mis en place par la filière pour récupérer une canne en pleine fraîcheur, afin de favoriser une plus grande richesse, ce qui pose des problèmes de transport et de réception. Les possibilités d’extraction peuvent aussi être accrues.


“Multifonctionnalité” : la canne se mange, s’étale, maintient les sols...

La “multifonctionnalité” est un concept en émergence. La recherche doit encore produire des méthodes, des outils et des indicateurs pour mieux l’évaluer et la mettre en œuvre. Les différentes fonctions doivent être identifiées, certaines seraient rémunérées.
C’est du moins ce qu’il est possible de plaider dès 2006 devant la France, l’Europe et l’OCM (Organisation communautaire de marché) en apportant différents arguments comme l’absence d’alternative à la canne, le poids négligeable de La Réunion sur le marché et le bénéfice pour l’environnement.
D’ici 2010, il est impératif d’identifier les lacunes. Dans le domaine de la protection et de la gestion des ressources naturelles, un bilan des études existantes sur l’érosion est prévu, ainsi qu’un bilan du recyclage des déchets.
Dans l’équilibre du territoire entre l’urbain et le rural, il faut étudier les relations entre la rentabilité de la canne et les stratégies foncières. La canne existe en complémentarité avec d’autres filières comme l’élevage à qui elle fournit le fourrage, la litière, le substrat carboné et comme le maraîchage et l’arboriculture qui utilise le paillage.

Une recherche pionnière

La multifonctionnalité comprend aussi les paysages et la diversité biologique. Elle a des foncions sociales couvrant l’emploi, la culture, l’écotourisme et le patrimoine. Il faut réussir à déterminer la valeur économique de la multifonctionnalité.
Chiffrer et rémunérer cette multifonctionnalité reste difficile, c’est une recherche pionnière où La Réunion a la possibilité d’être leader. Une fois les fonctions définies, qualifiées et quantifiées, reste à savoir comment rémunérer cette multifonctionnalité et qui va payer.
Dans le cadre du chantier de la loi de modernisation agricole qui comprend un volet spécifique pour l’Outre-mer, les chercheurs sont appelés à se mobiliser sur cette question.
De leur côté il est conseillé aux acteurs de la filière de s’orienter volontairement vers une agriculture durable et de mettre en place une charte de bonne pratique de la production de la canne à sucre.


Des cartes grâce aux satellites

Les programmes de recherche basés sur l’observation satellitaire permettent un suivi des coupes et des replantations. La télédétection est un outil d’aide à la mise à jour du parcellaire cannier et au suivi des reconquêtes foncières.
Ces nouvelles technologies peuvent accompagner les décisions des acteurs locaux en matière de gestion de l’espace en présentant les grandes dynamiques de transformation du territoire depuis 1989, et en offrant un état de l’occupation des sols en 2002.
Les axes de réflexion se concentrent sur la modélisation afin d’établir une cartographie du rendement, voire de la richesse. Les chercheurs souhaitent la mise en place d’un portail de diffusion synthétisant l’information déjà disponible pour la rendre accessible à un plus grand nombre.
Ces programmes de recherches menés par le CIRAD en collaboration avec le CNES (Centre national des études spatiales) avaient pour objectif de voir quelle application la télédétection peut proposer pour la société civile. Il importe de pérenniser cette démarche.


Entre 8.500 et 9.000 emplois

Les premières pistes de recherche économique sur la canne analysent les effets des politiques publiques sur les exploitations agricoles, les effets de l’innovation et les relations entre exploitants et industries dans la formation des prix et la qualité.
L’impact économique et social de la filière a déjà été abordé il y a deux ans, lors du colloque canne-sucre, établissant une valeur ajoutée totale de 100 millions d’euros et dénombrant entre 8.500 et 9.000 emplois directs et indirects.
L’analyse prospective des marchés et les opportunités de productions constituent un autre axe de recherche. La priorité est donnée à l’analyse économique des exploitations cannières. La question centrale est de déterminer les impacts sur les exploitations de l’évolution de l’environnement économique en 2006 avec la baisse du prix et des aides.
Il est nécessaire de mettre en place des référentiels technico-économiques spécifiés par zone, par système de production, et intégrés dans un simulateur budgétaire. Un groupe de travail pourrait se constituer.


Des panneaux composés de bagasse et de résine

Les laboratoires de chimie agro-industrielle de l’université de Toulouse et le laboratoire de chimie des substances végétales de l’université de Bordeaux mènent des travaux pour une valorisation non alimentaire multiple et variée permettant la création de nouvelles activités économiques.
Wilhiam Hoareau, doctorant à l’université de La Réunion, travaille avec le laboratoire de chimie des substances végétales et avec le CIRAD. Il a livré un exemple de recherche concernant la canne à sucre.
La canne est la première production agricole de la planète. Elle fournit deux tiers de la production du sucre. Le jeune chercheur note qu’une tonne de cannes fournit 280 kilos de bagasse. La bagasse est un résidu fibreux utilisé à La Réunion comme source d’énergie thermique. Mais qui pourrait être utilisée, grâce à ses travaux, pour la réalisation de panneaux de fibres.

Biodégradable et renouvelable

La bagasse présente plusieurs avantages : c’est une source renouvelable, biodégradable et à faible densité. Mais elle résiste mal à l’humidité, au feu et à la résine.
Wilhiam Hoareau a mis au point une nouvelle modification chimique des fibres de bagasse, qui permet d’élaborer des composites (70% de résine et 30% de fibres) ou des panneaux (10% de résine et 90% de fibre). Ces panneaux sont plus résistants que ceux qui existent déjà.
Ainsi, parallèlement à l’aspect énergétique et bioénergétique, il est possible de développer de nouveaux matériaux originaux. Il poursuit sa recherche pour préparer des panneaux 100% de bagasse, en essayant d’y extraire aussi de la résine.


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