L’industriel Tereos refuse d’augmenter un prix de base inchangé depuis plus de 20 ans

Les planteurs de canne à sucre au bord de la révolte à La Réunion

25 mai 2017, par Manuel Marchal

Les négociations d’hier ont accentué le sentiment de révolte des planteurs face à l’intransigeance des industriels. À la revendication d’une augmentation du prix de base de la canne à sucre, les usiniers répondent par une remise en cause du prix plancher de 30,70 euros par tonne pour les livreurs utilisant des coupeuses de cannes longues. À l’annonce de cette nouvelle, les planteurs ont brièvement investi la Direction de l’agriculture et de la forêt. Des actions sont à prévoir pour que les industriels reviennent à la table des discussions dans de meilleures dispositions.

À un peu plus d’un mois du début de la coupe, c’est toujours l’incertitude sur le prix de la canne à sucre. Une réunion était prévue hier entre les représentants des planteurs et des industriels pour discuter du volet B de la Convention canne 2015-2021. Ce document fixe les rapports entre les industriels, les planteurs et l’État pour la période allant de 2017 à 2021. Depuis la parution le 10 mai dernier d’un décret au Journal officiel, la filière canne-sucre de La Réunion a la certitude de bénéficier d’une aide supplémentaire de l’État s’élevant à 28 millions d’euros pour les campagnes sucrières 2017, 2018, 2019 et 2020. Hier, dans le JIR et le Quotidien, Philippe Labro, président de Tereos Océan Indien le propriétaire des deux usines sucrières a été interrogé sur les conséquences de cette nouvelle subvention.

Tereos ne veut pas partager la subvention

Pour l’industriel, les choses sont claires, les 28 millions d’euros doivent revenir à son entreprise et il n’est pas question d’augmenter le prix de base de la canne qu’il paie au planteur. Il justifie ce choix en affirmant qu’il aura des difficultés à vendre le sucre si jamais son coût de production augmente.

Une telle annonce a eu des effets dévastateurs. Hier matin dès 9 heures, des planteurs de la FDSEA et de JA se sont rassemblés devant l’usine de Bois-Rouge. Ils se sont rendus avec leurs tracteurs devant la préfecture à Saint-Denis où une délégation a été reçue par un représentant de l’État. Ce dernier a réceptionné une motion. Puis le convoi s’est dirigé jusque la Direction de l’agriculture et de la forêt, Boulevard de la Providence à Saint-Denis, lieu des discussions prévues avec les usiniers. Une délégation de la CGPER était également présente, avec notamment Isidore Laravine, co-président du CTICS, l’interprofession de la canne et du sucre, et Jean-Bernard Gonthier, président de la Chambre d’Agriculture.

Les industriels veulent revenir sur les acquis des planteurs

La rencontre devait débuter à 14 heures 30. Les tracteurs de la FDSEA et de JA sont arrivés à 15 heures 30. À 17 heures, les syndicalistes planteurs de la CGPER et de la FDSEA se sont levés ensemble et ont quitté la table des négociations. Ils ont ensuite rendu compte à leurs camarades rassemblés devant la DAF. Les discussions ont encore échoué à cause de l’intransigeance des industriels. Frédéric Vienne, président de la FDSEA, et Isidore Laravine, co-président du CTICS, ont fait le même constat. Tereos veut imposer un débat sur le thème de la qualité de cannes à sucre livrées tandis que le préalable des planteurs est de discuter sur le prix. Les syndicats demandent que le prix de base passe à 45 euros par tonne au lieu de 39,09 euros, un tarif inchangé depuis plus de 20 ans. Pour sa part, Tereos veut remettre en cause le prix plancher pour les livreurs qui utilisent des coupeuses de canne longue. Le prix plancher est actuellement de 30,70 euros par tonne, l’usinier veut le ramener à 23 euros. Les planteurs sont indignés par une telle proposition. La révolte gronde et des planteurs ont alors franchi le portail de la DAF malgré la présence massive de policiers et sont partis à la recherche des industriels pour les ramener à la table des négociations. Manifestement, les représentants de Tereos avaient pris la fuite par une porte dérobée.

Actions des planteurs à prévoir

FDSEA et JA ont alors annoncé un blocage de la route nationale devant le Barachois. Pour sa part, la CGPER va consulter sa base pour évoquer des actions à venir. Le but est de mettre la pression pour qu’à la prochaine réunion prévue mercredi, les industriels soient dans de meilleures dispositions.

Une fois de plus, l’intransigeance des usiniers a fait échouer les négociations. De plus, le silence des candidats aux législatives, à part ceux soutenus par le PCR, sur cette question ne peut qu’encourager un tel comportement. Il est clair que les industriels veulent jouer la montre afin de placer les planteurs devant le fait accompli dans un mois au début de la coupe afin de les obliger à accepter l’inacceptable.

Un tel comportement risque de provoquer la révolte des planteurs.

M.M.

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Messages

  • Ce qui se passe pour les planteurs de cannes réunionnais laisse présager de ce qui va se passer sur tout le territoire national lorsque les travailleurs voudront renégocier leurs conditions de travail . Les grosses entreprises qui ont les moyens de résister financièrement n’hésiteront pas a plonger des centaines ou des milliers de familles dans la misère noire et a créer des situations insurrectionnelles sur le territoire national par leurs positions excessives .

    Ces situations extrêmement difficiles tant pour les familles concernées que pour les autres personnes qui devront subir les conséquences des opérations escargots ou blocages des routes pourraient être évitées si la renégociation des conditions de rémunération des travailleurs se déroulait par branche plutôt que par entreprise .

    Ce qui se passe a la Réunion devrait inspirer les membres du gouvernement qui sont en train de travailler sur la remise en
    question du code du travail et notamment de la loi El komeri et leur faire comprendre que la négociation par entreprise ne peut déboucher que sur des bras de fer entre les patrons et leur salariés dans lesquels les perdants seront toujours les plus faibles

    Pour ma part je soutiens et j’approuve totalement les actions menées par les planteurs de canne réunionnais. Ils sont des français part entière et ont le droit de manifester leur mécontentement comme les agriculteurs de la France métropolitaine . Il n’y a pas de raison que les agriculteurs Français puissent bloquer les autoroutes pour obtenir une augmentation du prix de leur viande ou de leur lait ou qu’ils puissent empêcher l’importation des fruits en provenance d’Afrique du nord via l’Espagne et des autres pays de l’Europe du sud pour protéger leur production fruitière et que les agriculteurs réunionnais soient voués aux gémonies dès qu’ils essaient de montrer au monde entier l’injustice de leur situation .

    Même si la culture de la canne a été largement subventionné depuis longtemps il n’est pas normal que les planteurs ne puissent plus retirer de leur travail une rémunération qui leur permette de vivre décemment . Si le prix de la tonne de canne n’a pas évolué depuis plus de 20 ans les planteurs réunionnais ont tout a fait le droit d’utiliser tous les moyens possibles pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur situation et toute la population réunionnaise devrait soutenir leur juste combat malgré la gêne qu’il cause .. La devise de la France c’est "liberté égalité fraternité" mais cette devise n’a plus de sens s’il n’y a pas de solidarité lorsque son contenu est foulé du pied par certains . Il n’y a pas de raisons que les réunionnais ne bénéficient pas des mêmes droits que les français de métropole quelque soit leur profession qu’ils soient agriculteurs ou autres .
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Témoignages - 80e année


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