En conférence de presse, le PCR persiste et signe

’Les propos tenus par les parlementaires doivent tous nous alerter’

12 mai 2005

Entre ceux qui disaient, à la veille de la décision de l’OMC, qu’il s’agissait d’un “non-événement” et ceux qui pensent encore pouvoir bercer les producteurs réunionnais du doux refrain “faites confiance à l’Europe ; jamais elle ne nous laissera tomber”, il y a un point commun : passer sous silence les dangers que courent les moyens et petits producteurs de canne de La Réunion, pour endormir l’opinion ou la rassurer à bon compte. Après le passage de la Commission parlementaire européenne de l’agriculture, les dirigeants communistes estiment au contraire que les positions affichées ’font craindre le pire’.

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"C’est toujours la même chose : quand nous disons la vérité, on nous accuse de faire du “catastrophisme”, on parle de “fonds de commerce” parce que nous donnons l’alarme. Mais nous disions la même chose quand l’Europe a refusé à l’époque de faire jouer les préférences communautaires pour les productions de géranium et de vétiver. Et le résultat, tout le monde le voit aujourd’hui". Élie Hoarau, secrétaire général du PCR, est à la fois ferme, calme et passionné par son propos. La survie de la filière canne/sucre se joue en ce moment et les réactions observées chez les socio-professionnels après le passage des parlementaires européens ne sont pas, à son avis, à la hauteur du danger qui guette.
Pour faire prendre la mesure des dangers, le dirigeant communiste en a énuméré hier deux aspects : le débat sur la compensation de la baisse de 37% du prix du sucre brut, les incertitudes sur l’aide au transport du sucre vers les raffineries européennes (voir encadrés).
Il a aussi passé en revue les "solutions de rechange" en cas de faiblesse de la compensation. Ce sont principalement les aides nationales, soumises à toutes sortes de conditions dans le Traité constitutionnel soumis au référendum du 29 mai (voir encadré) .

"Faites la preuve de votre viabilité"...

En dépit de l’optimisme affiché par Joseph Daul, président de la Commission parlementaire agricole, au sujet de cette compensation, qu’une résolution récente du Parlement propose de porter de 4 à 8 ans, la question essentielle reste pour Élie Hoarau, ce qui se passe après ce régime transitoire, "qu’il soit de quatre ou huit ans". "C’est sur ce point que les déclarations des parlementaires européens sont inquiétantes : “faites la preuve de votre viabilité”, “explorez d’autres pistes”... Voilà ce que disent ceux dont on attend qu’ils défendent notre filière canne à sucre ! Ces propos sont très inquiétants", poursuit le secrétaire général du PCR qui, il y a environ un an, avait attiré l’attention sur quelque 500 produits extraits de la canne à sucre, sur lesquels nous pourrions appuyer notre Recherche-Développement et une ou plusieurs filières de valorisation de la canne. "Croyez-vous qu’en huit ans on peut montrer la viabilité de ces produits tirés de la canne ? Il faut plus de huit ans pour construire une filière".

"Nous tirons une fois encore la sonnette d’alarme..."

Ce que constatent les dirigeants communistes, c’est que ceux qui ont les moyens financiers et le pouvoir décisionnel de se lancer dans des voies que les Mauriciens explorent déjà depuis plusieurs mois, ceux-là observent un silence assourdissant depuis les commentaires des dirigeants européens sur la décision de l’OMC - un "non-événement" paraît-il. Un non-événement qui a plongé la commissaire à l’Agriculture, Mariann Fischer-Boël dans un net embarras et qui a donné à la délégation des parlementaires ses arguments sur la "viabilité" de la filière canne-sucre. Est-ce parce qu’ils sont aussi partie prenante des grands groupes déjà installés au Brésil que les industriels du sucre dans l’île gardent le silence ?
La question s’invite d’elle-même dans le débat. Mais au jeu de “qui défend les intérêts de qui ?”, les communistes réunionnais - qui depuis quarante ans sont aux côtés des petits et moyens planteurs - persistent et signent : "Nous tirons une fois encore la sonnette d’alarme ; et ce n’est pas du catastrophisme", a conclu Élie Hoarau.

P. David


La compensation

"Si elle n’est pas totale, les petits et moyens planteurs seront ruinés"

Les parlementaires venus avec Joseph Daul ont mis en avant leur positionnement "pour obtenir une compensation à 100%", a dit le président de la Commission agricole au Parlement. Mais rien n’est acquis. L’Union européenne a prévu 39 millions d’euros pour compenser la baisse de 37% du prix du sucre brut. Si dans ce total sont inclus les 13 millions d’euros d’estimation du coût du transport (voir ci-après), "alors les planteurs n’auront jamais 100% de compensation et l’immense majorité d’entre eux - petits et moyens planteurs - seront ruinés", a commenté Élie Hoarau.


L’aide au transport

Ce qui différencie les producteurs de La Réunion des ACP

Si les 13 millions de coût estimatif pour l’aide au transport ne font pas partie de l’enveloppe de la compensation annoncée par l’Union, qui paiera le transport du sucre réunionnais vers les raffineries européennes ? Si les producteurs réunionnais devaient être privés de cette aide au transport, ils rejoindraient le groupe des producteurs ACP. "Ce serait un recul considérable", a commenté Élie Hoarau en rappelant les batailles menées avec les planteurs lorsque Paul Vergès a été élu au Parlement européen, à partir de 1979. Le ministre de l’Agriculture de l’époque s’appelait Méhaignerie et il avait fallu ferrailler dur et le menacer d’une plainte pour "discrimination" devant la Cour de justice européenne pour que les planteurs de La Réunion bénéficient des mêmes aides que les producteurs de France.

Quelles solutions de rechange à la compensation ?

Si la compensation de baisse du prix n’était pas totale, quels pourraient être les recours ? Les aides nationales ? Le Traité constitutionnel - que les parlementaires venus ici nous demandaient d’approuver - fait un sort particulier (article III-167) aux aides que les États peuvent ou ne peuvent pas accorder, selon qu’elles seraient jugées compatibles ou non avec le marché. "Qui détermine la compatibilité ?", a demandé Élie Hoarau. En dernière instance la Commission européenne ou le Conseil des ministres, "à l’unanimité" des 25 membres.
"Les aides nationales se décident en ce moment, à partir du budget que l’Union va présenter le 21 et le 22 juin", a poursuivi le secrétaire général du PCR en abordant dans la foulée la question des contributions nationales à ce budget. "Si la contribution finalement décidée est de 1%, Bruxelles va-t-il revoir à la baisse sa Politique agricole commune (PAC) ou la politique régionale ?", a demandé Élie Hoarau, pour souligner les très grandes difficultés qui nous attendent, d’un côté comme de l’autre.
"Ce ne sont pas les budgets nationaux qui vont pouvoir venir en aide aux producteurs de sucre", a conclu Élie Hoarau sur ce point, pour une question de principe toute simple : "Cela pourrait entraîner la France dans des dépenses imprévues", a-t-il dit.


En marge de la conférence de presse

"Bientôt de l’électricité tirée du sucre"

L’article qui suit est paru le 6 mai 2005 dans “Advocate”, quotidien des Barbades - un pays qui subit de front la réforme de l’OCM-Sucre et qui ne bénéficiera d’aucune mesure d’accompagnement.

"Barbados Light & Power Limited (BL&P), associé au Barbados Sugar Industries Ltd (BSIL) mène actuellement une étude, appelée Projet de production d’électricité aux Barbades à partir de canne, pour déterminer dans quelle mesure la canne à sucre peut être employée comme source d’énergie aux Barbades [petit pays insulaire des Caraïbes].
Dans un entretien récent avec Advocate (quotidien des Barbades Ndlr), le président du BSIL, Dr. Atlee Brathwaite, a indiqué que c’était une décision politique prise pour déterminer si les Barbades devaient se diversifier dans l’industrie du sucre.
Nous avons commencé des investigations pour chercher la possibilité de produire l’énergie et l’électricité à l’aide de la canne-énergie (fuel canne), a t-il dit. En raison de cela, nous cultivons de la canne-énergie. Ce sont des cannes qui ont une haute teneur en fibre, et la fibre et la biomasse seraient employées. Il a expliqué que le haut des cannes et les déchets seraient également employés pour produire l’électricité.
Le président a dit que le BL&P étudie les possibilités économiques de la canne à sucre comme source de fourniture d’énergie pour la production d’électricité pour le bien national. D’autres productions à partir de la canne à sucre peuvent également être envisagées.
Nous étudions la production de l’éthanol et de bois pour le Bâtiment, certaines cires et certains produits pharmaceutiques... Nous prévoyons de faire des recherches et de développer ces produits, a indiqué Dr.Brathwaite.
Il a dit qu’actuellement, un conseiller canadien étudie également la possibilité de produire du lignol et d’autres produits à partir de la canne à sucre.
Dr. Brathwaite a affirmé que la diversification de l’industrie du sucre est un point essentiel à la survie de l’industrie du sucre aux Barbades."


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