Planteurs rassemblés et mobilisés pour leur survie

« Marche noire » de l’agriculture réunionnaise

14 juin 2022, par Manuel Marchal

L’ensemble des syndicats d’agriculteurs de La Réunion regroupés en Intersyndicale appellent aujourd’hui à une « Marche noire » à Saint-Denis qui démarrera ce matin de la préfecture pour se rendre au siège du CTICS où doit se tenir une réunion de négociation de la Convention canne. Face à la hausse des prix, les planteurs revendiquent une augmentation de celui de la canne payé par Tereos, de la recette bagasse issue de l’énergie produite par Albioma, ainsi que le droit à bénéficier du Plan de résilience qui aide de nombreuses entreprises, mais qui ne concerne pas encore les productions végétales.

Face aux conséquences de la crise causée par la pandémie de coronavirus et les effets de la guerre en Ukraine, et en raison du refus de Tereos d’augmenter le prix de la canne, les planteurs ont décidé de se rassembler sur l’essentiel : la survie. A l’appel de l’Intersyndicale de l’agriculture réunionnaise, les planteurs ont décidé d’une action unitaire aujourd’hui afin de sensibiliser l’opinion publique à la gravité de leur situation : la « Marche noire » de l’agriculture réunionnaise.

Plan de résilience pour les planteurs

Tout d’abord, un rassemblement est prévu devant la Préfecture à partir de 9 heures. Ce sera notamment l’occasion d’interpeller l’État au sujet de l’application du Plan de résilience à La Réunion. Ces mesures d’aides de l’État visent à soutenir des entreprises impactées par les conséquences de la guerre en Ukraine. Les transporteurs en bénéficient notamment. Mais dans l’agriculture, les éleveurs sont les seuls bénéficiaires. Ces aides ne concernent pas les planteurs de canne à sucre, alors qu’ils sont eux aussi victimes de la hausse considérable des prix des intrants observée à la suite de la guerre en Ukraine. Cette augmentation risque d’absorber les 14 millions d’euros obtenus de l’État afin de compenser la hausse du coût de production et les mauvaises récoltes causées par les sécheresses ces dernières années.

Débloquer les négociations de la Convention canne

Les planteurs doivent ensuite défiler dans les rues de Saint-Denis jusqu’au siège du CTICS dans le quartier de la Providence. C’est là que doit avoir lieu une réunion de négociation de la Convention canne, document qui fixe le prix de la canne pour les années à venir. A un mois du début de la coupe, c’est encore l’incertitude.
Tereos est le seul acheteur de cannes à La Réunion. Le géant de l’agroalimentaire refuse toute augmentation du prix de la canne pour les 2 prochaines années, et évoque même une baisse de ce prix ensuite si l’État ne lui donne pas plus d’aides publiques. Rappelons que Tereos va continuer à bénéficier d’une aide supplémentaire de 28 millions d’euros par an jusqu’en 2027 afin de compenser la fin du quota sucrier et du prix garanti depuis 2017.
Or, depuis 2019, le prix du sucre est constamment en hausse, notamment sur le marché européen où est commercialisé le sucre réunionnais. Avec les conséquences de la guerre en Ukraine, le prix du sucre va continuer à augmenter. Pour l’exercice 2021-2022, Tereos annonce un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros, en hausse de 18 %, avec un bénéfice de 600 à 700 millions d’euros atteint avec 6 mois d’avance.

Faire prendre conscience à la population de l’urgence à agir

Concernant les autres produits de la canne, les planteurs veulent une juste rémunération. Ils revendiquent une augmentation de la recette bagasse. Ce produit de la canne est brûlé dans les centrales d’Albioma pour produire de l’électricité. La bagasse des planteurs permet d’éviter d’importer des centaines de milliers de tonnes de biomasse. Mais pour le moment, le blocage persiste sur ce dossier.
Cette mobilisation a également pour objet de faire prendre conscience à la population de l’urgence à agir pour sauver l’agriculture réunionnaise. A l’heure où la guerre en Ukraine a rappelé l’importance d’investir dans la production locale pour aller vers l’autosuffisance alimentaire, il est important de rappeler que cet objectif ne pourra être atteint que s’il existe des agriculteurs à La Réunion pour produire.

M.M.

A la Une de l’actuFilière canne-sucre-alcools-énergieLuttes pour l’emploi

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • Si la culture de la canne sucrière n’est plus rentable , les planteurs doivent s’organiser pour cultiver autre chose que la canne . Et au lieu de réclamer à l’Etat des aides pour conserver à tout prix cette filière malade et sous perfusion depuis des années , il faudrait qu’ils s’organisent pour produire autre chose que de la canne à sucre .

    L’Etat et les collectivités doivent bien entendu continuer d’aider les agriculteurs , mais l’aide publique doit être consacrée essentiellement à la reconversion de l’agriculture de notre Région .

    Cela ne veut pas dure qu’il faut abandonner complètement la culture de la canne . on peut la conserver, mais uniquement lorsqu’elle est rentable sans aide de l’Etat sauf pour les produits nouveaux qui nécessitent un soutien temporaire avant d’atteindre leur seuil de rentabilité .

    C’est vrai que le marché réunionnais est trop petit pour écouler dans de bonnes conditions les produits agricoles traditionnels qui pourraient être cultivés sur une partie des affectées jusqu’ici à la canne , mais les réunionnais peuvent se lancer toujours avec l’aide des pouvoirs publics à la conquêtes d’autres marchés pour écouler leur produits .

    Pourquoi ne pourrions nous pas mettre en place , comme cela a été fait pour la tonne de canne et pour le sucre, des prix garantis et des mesures de protection des autres produits agricoles , notamment le riz , le maïs , les grains , les fruits , les viandes et les produits de la mer etcet ... ?

    C’est possible mais il faut une réelle volonté locale et nationale de changer les choses , qui apparemment n’existe pas encore . La solution pour avancer dans ce sens à la Réunion mais aussi dans les autres Régions d’outre mer confrontées aux même problèmes que les nôtres , c’est peut être de créer une institution nouvelle regroupant l’ensemble des collectivités d’outre mer qui serait doté de moyens d’agir efficacement , sur l’ensemble des territoires ultra marins en tenant compte des spécificités de chacun et qui aurait le droit de se faire entendre spécifiquement au niveau des instances nationales . Voila un objectif concret qui pourrait rassembler tous les députés quelque soit leur orientation politique , qui constitueront notre nouvelle assemblée nationale dès Lundi prochain .


Témoignages - 80e année


+ Lus