Impact de la réforme de l’Organisation communautaire de marché

Mettre sur la table la vérité des chiffres

25 février 2006

Le Conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne, réuni à Bruxelles en début de semaine, a officiellement adopté sa réforme du secteur européen du sucre. À dater du 1er juillet prochain, une situation nouvelle entre dans les faits.

La décision du Conseil des ministres de l’agriculture de ce mois confirme, sans surprise, les mesures présentées en novembre 2005. Elle a fait l’objet d’un communiqué (voir encadré).
Les mesures de cette réforme qui concernent le secteur cannier réunionnais seront analysées par la commission paritaire de la canne et du sucre (CPCS), qui en fixera les conditions d’application vraisemblablement entre avril et juin, après le renouvellement, le 10 mars, des représentants aux commissions mixtes d’usine et la désignation de ceux de leurs membres qui siègeront à la CPCS.
Les semaines et les mois qui viennent vont donc être décisifs et vont peut-être même constituer un champ d’observation “grandeur nature” de la capacité de la filière réunionnaise - producteurs de cannes et producteurs de sucre et autres dérivés - à faire face à la nouvelle donne. Sauront-ils faire prévaloir leur communauté d’intérêt, qui est de sauver l’ensemble de la filière, en surmontant ce qui les divise ?
Dans la lutte pour la survie de la filière, usiniers et planteurs ne sont pas tout à fait logés à la même enseigne.
Depuis une quarantaine d’années, La Réunion a connu un fort mouvement de concentration de ses usines sucrières : elles étaient encore une quinzaine en 1969, une douzaine en 1981, elles ne sont plus que 2 depuis le milieu des années 90.
L’extension de la mécanisation dans les champs ou encore la recherche d’une plus grande productivité, l’affinement des techniques dans la valorisation du sucre ont modifié de façon conséquente l’économie globale de la production sucrière. Les charges des usiniers ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles étaient il y a près de quarante ans quand, après l’accord de 1969, le partage des richesses entre usiniers et planteurs (traditionnellement de 1/3-2/3) a été modifié pour intégrer la nouvelle donne européenne d’époque.
Nous avons déjà démontré dans ces colonnes que la part des planteurs, sur le seul sucre, est passé de 2/3 à la moitié, les aides de l’État supportant la différence. Ce qui veut dire que les aides publiques, depuis une quarantaine d’années, ont permis aux planteurs de ne pas complètement faire naufrage, bien qu’ils aient été des milliers acculés à la ruine... Elles ont aussi permis de préserver les marges bénéficiaires des sucriers, ces derniers captant à la fois les aides économiques de l’État pour le sucre et des prix de produits dérivés qui, eux, n’ont pas baissé et qui ont été soustraits du partage avec les planteurs depuis l’accord de 1969.
La part des aides publiques (Europe et État) dans la recette totale de la filière représente aujourd’hui près de 40%. Mais comment ces aides sont-elles réparties et à quoi servent-elles véritablement ?
Pour le savoir, il faut mettre sur la table la vérité des chiffres sur l’économie générale de la filière, dans ses évolutions depuis 40 ans.
Ce résultat peut être atteint si le gouvernement fait diligenter par le ministère de l’Agriculture l’audit proposé par Paul Vergès, président de la Région, lors d’une précédente “réunion de crise” au Conseil général.
Devant l’imminence, aujourd’hui confirmée, d’un nouveau régime qui vient remettre en question un équilibre de près de 40 ans, ceux qui se sentent aujourd’hui les plus menacés - les planteurs - comprendraient mal qu’on ne se donne pas les moyens d’une plus grande transparence, pour une plus grande justice.

P. David


Après le Conseil des ministres de l’Agriculture

Que va faire le gouvernement ?

Un communiqué du 20 février (IP/06/194) confirme les mesures de la réforme de la politique agricole commune (PAC) pour le secteur sucrier.
Les principaux éléments de cette réforme sont une "diminution de 36% du prix minimal garanti du sucre" accompagnée de "généreuses compensations pour les agriculteurs" et de la mise en place d’un "Fonds de restructuration en vue d’inciter les producteurs non rentables à cesser leurs activités". Cette dernière mesure, qui découle du “découplage” imaginé pour pousser certains producteurs à se reconvertir, n’a pas été étendue aux RUP.
Pour l’essentiel, La Réunion est concernée par la baisse du prix de 36% sur quatre ans, compensée à près de 65% jusqu’en 2009. Après cette date, une nouvelle baisse du prix est attendue.
Bruxelles a également autorisé le gouvernement français à ajouter une aide nationale de compensation d’un montant annuel maximal de 90 millions d’euros. Qu’est-ce qui reviendra à La Réunion et à qui ira principalement l’aide compensatrice de l’État ? À cette dernière question, le PCR répond pour sa part que la compensation doit aller massivement aux planteurs.
Il s’agit d’une aide nationale qui n’a aucun caractère obligatoire d’une part et qui pose question quant à sa répartition entre les acteurs de la filière. Là aussi, le gouvernement est attendu sur la nature de son soutien et sur la transparence de ses choix.


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