Réunion de la Commission paritaire de la canne et du sucre

Nouvelle répartition des richesses de la canne à sucre : le combat d’avant-garde de la filière

2 juillet 2008, par Manuel Marchal

Comme le planteur le demande, le préfet reconnaît que revendiquer une répartition équitable des richesses de la canne n’est pas un « combat d’arrière-garde », comme voudraient le faire croire les usiniers. Bien au contraire, c’est un combat d’avant-garde pour toute la filière. Le représentant de l’Etat demande également à l’Interprofession de préparer le rendez-vous de 2014 en se mobilisant pour que la filière canne de La Réunion soit la plus moderne de l’Union européenne. En Europe, cette modernisation est sans équivalent. Par contre, tout près de nous, à Maurice, la filière est en train de se moderniser. D’importants changements structurels sont en cours pour faire du planteur l’actionnaire de 35% de la nouvelle industrie de la canne. Plus que jamais, il est urgent que les usiniers et les planteurs se retrouvent autour d’une table pour remettre en cause l’Accord de 1969 qui a ruiné 15.000 planteurs.

Hier, le préfet avait tenu personnellement à ouvrir la réunion de la Commission paritaire de la canne et du sucre qui se tenait à la Préfecture. Devant les représentants des planteurs et des usiniers, il a donné la position de l’Etat sur la filière. D’ores et déjà plusieurs enseignements peuvent être tirés.
Le préfet invite le CPCS à engager « deux chantiers supplémentaires ».

Tout d’abord, « il faut en premier lieu ouvrir sans ambiguïté le dossier du revenu des planteurs. Il est tout à fait clair, pour chacun d’entre nous, que les planteurs continueront à produire de la canne, et donc à alimenter les usines, si et seulement si, ils en tirent une juste rémunération ».

Cette déclaration rejoint une des revendications des planteurs de l’Intersyndicale FDSEA-Jeunes agriculteurs-Mouvement pour la sauvegarde de l’agriculture. En effet, face à la hausse des prix des intrants, et du fait du prix fixe de la canne que l’usinier a réussi à imposer dans la Convention canne, les planteurs voient leur pouvoir d’achat se réduire sans cesse. Hier, dans une plate-forme commune, l’Intersyndicale demande d’appliquer l’article 10 de la Convention canne « concernant la répartition de la richesse industriels/planteurs ». En clair, il s’agit de changer la répartition des revenus tirés de la canne au profit des planteurs, spoliés de dizaines de millions d’euros depuis l’application de l’Accord de 1969 qui les a dépossédés de la propriété de la canne et les a enfermés dans le statut de livreurs de matière première. L’Intersyndicale revendique en effet de « remettre à plat la filière canne », notamment en resituant « la place du planteur dans la filière ».

Améliorer le revenu des planteurs

Dans ses propositions, le préfet évoque « l’évolution nécessaire des structures d’exploitation », et le « regroupement des producteurs pour la mécanisation ». Mais surtout, le préfet estime qu’il faut « évoquer les chantiers en cours de valorisation nouvelle des coproduits de la canne : agro-éthanol carburant, rémunération de l’électricité tirée de la bagasse, chimie verte... ». « Si le prix du sucre est en effet destiné à baisser, l’article 10 de la Convention canne (voir encadré) qui traite des valorisations nouvelles des coproduits ouvre des perspectives de rémunération supplémentaire ». Le préfet exclut donc toute renégociation de la Convention canne, mais affirme qu’il est possible d’y trouver des solutions.
Autrement dit, comme le demandent les planteurs, le préfet souligne qu’il est essentiel de réfléchir à comment améliorer le revenu des planteurs. Et une des pistes proposées par le représentant de l’Etat consiste à rechercher de nouveaux revenus pour les planteurs à travers la valorisation de tous les produits de la canne à sucre. Ce qui impliquera forcément l’ouverture de négociations entre planteurs et usiniers pour voir comment se répartiront les richesses tirées de la canne à sucre.

Chantier de modernisation en cours à Maurice

Cette proposition s’inscrit dans le contexte d’une échéance : 2014, date de la signature du prochain règlement sucrier européen. Insistant bien sur le fait que « la filière canne réunionnaise bénéficie, grâce à cette convention, d’un niveau d’aides sans équivalent en Europe », le préfet affirme que « seule la mise en œuvre des dispositifs d’aide à l’investissement récemment approuvés dans le cadre du PDR (FEADER) 2007-2013 est à l’ordre du jour ». L’objectif est « que la filière canne réunionnaise soit au rendez-vous de 2014 et soit la plus moderne d’Europe ».

Il va sans dire qu’une telle modernisation est sans équivalent en Europe. Cependant, tout près de nous, l’île Maurice entreprend un tel chantier. Il vise à augmenter la valeur ajoutée tirée de la canne à sucre, et les planteurs bénéficieront de cette croissance. Au-delà du fait que les planteurs mauriciens sont propriétaires de la mélasse, et touchent donc une "prime mélasse" d’un montant de 31,8 euros par tonne de mélasse, les planteurs de Maurice ont l’assurance d’être actionnaires de 35% de la nouvelle industrie de la canne issue de la modernisation de la filière.

Cela veut dire qu’à Maurice, les planteurs participent aux choix industriels visant à valoriser les produits de la canne. C’est donc une réforme structurelle de cette ampleur que la filière devra accomplir à La Réunion pour gagner le pari de la modernisation et de l’amélioration du revenu des planteurs.
Cela veut dire qu’il est plus que jamais urgent que les planteurs et les usiniers viennent autour de la table pour remettre en cause l’Accord de 1969, à l’origine de la crise structurelle que connaît la filière, qui a provoqué la ruine de milliers de planteurs et menace la survie d’un secteur faisant vivre 15.000 familles à La Réunion. L’échéance 2014 approche à grand pas, il ne reste plus que 6 ans.

Manuel Marchal


Faire la vérité sur le prix des engrais importés

Dans son intervention, le préfet a indiqué l’arrivée à la mi-juillet d’une mission d’inspection générale « visant à (...) clarifier la structure du prix des engrais importés et à envisager pour l’île toutes les solutions envisageables ».
Dans l’immédiat, le préfet soutient la demande de l’Interprofession d’augmenter l’aide à la tonne d’engrais achetée, « prélevée sur le compte alimenté par l’aide de l’Etat à la production de canne ». Il précise également que le gouvernement complétera l’aide aux transports des intrants inscrite dans le FEDER. Cette aide compense 50% du coût du transport pour les engrais importés d’Europe. Le complément de cette enveloppe par l’Etat « figure explicitement dans le projet de loi-programme pour l’Outre-mer », précise le préfet.
Cette dernière mesure souligne que plus que jamais, les pouvoirs publics engraissent les importateurs d’engrais. Gageons que la mission annoncée permettra de faire toute la lumière sur ce point.
Enfin, le préfet attend de l’Interprofession au début de l’année prochaine « une proposition commune de solutions pour baisser le coût et la dépendance vis-à-vis des engrais importés ». « Pourquoi ne pas faire appel au pôle de compétitivité Qualitropic ? », propose le préfet.


Grande victoire des planteurs : 34% de plus pour l’aide à l’engrais

Les planteurs auront droit à 215 euros par tonne d’engrais.
Ils avaient 160 euros, grâce à l’action des planteurs, ils ont obtenu 55 euros de plus en provenance de l’Interprofession. Sous la pression des planteurs, les usiniers ont lâché 55 euros de plus sur l’aide aux engrais. Cet argent provient de l’Interprofession, il profitera donc aux planteurs, pas aux usiniers. C’est une large victoire des planteurs. Grâce à leur mobilisation, ils ont réussi à faire reculer les usiniers.


Le cri des planteurs

Deux rassemblements étaient organisés hier par les planteurs devant la Préfecture. Plusieurs membres de l’Intersyndicale étaient réunis pour notamment présenter la motion qu’ils ont apportée au CPCS, demandant de « tout remettre à plat ».
Quant à la CGPER, une centaine de ses membres menés par Jean-Yves Minatchy ont fait entendre leurs revendications. Il s’agit de compléter l’aide de 60 euros par tonne d’engrais votée par l’Interprofession, et de demander une aide à l’entretien de 80 euros par hectare pour compenser la hausse des prix des intrants.
Pour leur part, les représentants de l’Intersyndicale brandissaient une pancarte avec le mot d’ordre suivant : « Ni mendiants, ni différents, tous solidaires, nou veu pa rest a tèr ». Et quand on demande à un membre de l’Intersyndicale ce qu’il pense de la revalorisation de la "prime mélasse" à Maurice, il constate amèrement qu’il ne gagne rien sur la mélasse, rien sur le rhum, contrairement aux planteurs de l’île sœur.
Il est à noter que la motion de l’Intersyndicale a été refusée par le CPCS, car parmi les signataires figurent des organisations que le CPCS qualifie de « non représentatives ».


Une renégociation de la répartition des richesses est possible

L’article 10 de la Convention canne fixe le montant de la prime "bagasse-production" versée par les usiniers aux planteurs. Il précise également qu’« en cas d’utilisation nouvelle des produits issus de la canne apportant une valorisation supplémentaire à la filière, une amélioration de cette prime pourra être étudiée d’un commun accord entre les deux parties ».


La prochaine fois, ce sera de la prison ferme

La peine de prison avec sursis prononcée à l’encontre d’un planteur à la suite de la dégradation de plusieurs balances est un avertissement, affirme le préfet. Et d’ajouter que la prochaine fois, ce sera de la prison ferme.
A la veille de l’ouverture de la campagne sucrière à Bois-Rouge, le préfet souligne « qu’il soit bien clair dans ce domaine que j’ai pris toutes les dispositions pour que la campagne s’ouvre dans les meilleures conditions possibles ».

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Messages

  • En référence à l’article "la prochaine fois se sera de la prison ferme", je répondrais à Monsieur le Prefet en tant que représentant local de la coordination rural, que je suis indigné de voir qu’aujourd’hui c’est Monsieur le Préfet qui dicte leur conduite aux juges d’instruction, je croyais être en démocratie,il me reste juste la liberté de penser !!! mais attention pas trop fort , on ne sais jamais !!!!.Se faisant, Monsieur le Prefet, bien que garant de l’ordre publique,je vous invite à consulter l’avis des différents organisations syndicales même non représentatives car en dépend l’avenir de l’agriculture réunionnaise et ce n’est pas en cautionnant la conduite des usiniers et en "bridant" les personnes revendicatives, que s’améliorera le sort des agriculteurs.De même c’est avec amertume que je constate que certains médias télévisés(publique et privé), censurent les vérités risquant de froisser la sensibilité du représentant de notre république à la réunion, ou éclairer nos "pauvres collègues" tributaires du discours uni et aseptisé des usiniers. La encore nous pouvons évaluer bien malheureusement le poids de l’histoire, et les conséquences de se passé " le gros blanc y cause, ti colon y courbe l’échine et y répond oui commandeur !!".A bon censureur salut !!
    Bien cordialement la COORDINATION RURALE DE LA REUNION affiliée à la COORDINATION RURALE NATIONALE 2EME SYNDICAT REPRESENTATIF.


Témoignages - 80e année


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