La baisse des subventions versées aux agriculteurs toujours sur la table

OMC : le Brésil annonce un accord d’ici deux mois

5 août 2008, par Manuel Marchal

Des entretiens avec le président de la Chine, le président des Etats-Unis et le Premier ministre de l’Inde : c’est le programme annoncé par le président du Brésil, le plus gros producteur mondial de sucre. L’objectif est de surmonter rapidement la divergence qui a empêché la signature d’un accord afin de concrétiser la baisse des droits de douane et des subventions agricoles dans les pays industrialisés d’Amérique du Nord et de l’Union européenne notamment. Or, les subventions sont une part essentielle du prix de la canne payé au planteur.

Samedi, le président du Brésil a annoncé qu’il a commencé des négociations avec la Chine, l’Inde et les Etats-Unis afin de surmonter la divergence qui a empêché la signature d’un accord la semaine dernière à Genève. Rappelons qu’un désaccord au sujet de la clause de sauvegarde entre les Etats-Unis et l’Inde a provoqué l’échec du dernier Sommet de l’OMC. Cette seule divergence a suffi à annuler les autres points sur lesquels tous étaient d’accord. Parmi ces points figure la baisse de 80% des subventions que l’Europe accorde à ses agriculteurs.
Dès le lendemain du Sommet, le directeur de l’OMC, Pascal Lamy, exhortait les membres de l’OMC à « capitaliser » les « 85% » déjà signés. Et de rappeler que la quasi-disparition des subventions pour les agriculteurs est dans le « paquet » mis sur la table. Cet appel est soutenu notamment par le secrétaire général de l’ONU.
Force est de constater que les choses n’ont pas traîné. C’est Lula, président du Brésil, le plus gros producteur de sucre au monde, qui a annoncé qu’il militait pour une solution politique afin qu’un accord puisse être signé à l’OMC. L’ancien syndicaliste, chef d’Etat d’un pays émergent devenu incontournable, s’implique dans la recherche d’une solution rapide. Et quatre jours après la fin du Sommet de l’OMC, il annonce qu’il est en train de discuter avec les dirigeants de trois grandes puissances économiques mondiales : les Etats-Unis, la Chine et l’Inde.

Discussions au Sommet

Lula a parlé samedi au président des Etats-Unis, George Bush. Il affirme qu’à l’occasion de l’ouverture des Jeux Olympiques, il a l’intention de s’entretenir avec le président de la Chine, Hu Jintao. Il veut ensuite discuter avec le Premier ministre de l’Inde, Manmohan Singh.
C’est au cours d’une réunion syndicale à Sao Paulo que le président du Brésil a annoncé son projet. « Je reste encore optimiste quant à une reprise des négociations », a-t-il dit, « si le problème entre l’Inde et les Etats-Unis est résolu, alors on signera l’accord ».
L’optimisme de Lula est tel qu’il a d’ores et déjà un délai à annoncer : « Cela peut tarder un mois ou deux, mais un accord est nécessaire car nous devons garantir aux pays les plus pauvres l’accès au marché des pays les plus développés ».
Voilà qui ne va pas rassurer ceux qui pensaient que la menace de la baisse des subventions était écartée pour au mois plusieurs années. Rappelons que le texte qui a servi de base aux discussions à l’OMC précise que l’Union européenne s’engage à diminuer immédiatement de 33% ses subventions versées aux agriculteurs, et à les baisser entre 75 et 85% d’ici cinq ans. Au cours du Sommet, le directeur de l’OMC a proposé à l’Europe une baisse de 80%. Force est de constater qu’elle est acceptée par Bruxelles, qui négocie au nom de Paris, dans son principe, puisque ce n’est pas parce que l’Europe a refusé cette baisse que l’accord n’a pas pu être signé à l’OMC.

Et à La Réunion ?

Si les États-Unis et l’Inde avaient été d’accord sur la clause de sauvegarde, alors cette baisse était inscrite dans les règles de l’OMC. L’Union européenne l’aurait appliquée, en tant que signataire de l’accord, ainsi que la France, en tant qu’Etat membre de l’Union européenne.
Dans sa déclaration, le président du Brésil appelle de ses vœux un compromis entre les Etats-Unis et l’Inde sur la clause de sauvegarde, et pronostique la signature d’un accord à l’OMC d’ici un mois ou deux.
Si cet accord est signé, nul doute que cette baisse des subventions sera sur la table lors de la discussion du prochain règlement sucrier européen. On voit en effet difficilement les 27 États membres baisser de 80% les subventions qu’ils versent à leurs agriculteurs et laisser aux planteurs et aux usiniers de La Réunion le même montant de subvention qu’entre 2006 et 2014. Un niveau de subvention « sans équivalent dans l’Union européenne », comme l’avait rappelé le préfet lors de l’ouverture de la dernière Commission paritaire de la canne et du sucre.
Comment alors anticiper cette échéance ? C’est le problème de la crise structurelle de la filière canne qui est posée, car en l’état actuel, comment un planteur peut s’en sortir si les subventions diminuent ?

 Manuel Marchal 


Conséquence d’un accord à l’OMC

« Un lourd tribut en termes de perte de production et de destruction d’emplois »

Luc Guyau, Président de l’association des Chambres d’agriculture, a réagi à l’échec des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Elle permet de se rendre compte de l’étendue des dégâts en cas de signature d’un accord à l’OMC.
« En présence d’un projet déséquilibré au détriment de l’agriculture européenne et de celle des pays du Sud, les désaccords se sont concentré sur l’ouverture du marché des pays émergents, la banane, le coton, les indications géographiques ou les services ».
« C’est un soulagement pour l’agriculture européenne et pour l’ensemble du secteur agroalimentaire qui auraient payé un lourd tribut en termes de perte de production et de destruction d’emplois, avec la disparition, à terme, de la préférence communautaire ».
« Il faut souhaiter que les négociateurs européens en tirent tous les enseignements : la sécurité alimentaire et l’agriculture ne peuvent être sacrifiées au nom de l’objectif du libre échange. En refusant d’ouvrir largement son marché aux exportations des pays industrialisés, l’Inde l’a prouvé », a ajouté Luc Guyau, président des Chambres d’Agriculture.

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